Portraits

Elena, Jean-Louis, Agathe, Pierre et John. Leurs chemins se sont croisés à Saint Jo, l’une des Maisons d’accueil des Centres de Jeunes et de Séjours.
Média secondaire

Elena Costante

Comme son nom ne l’indique pas Elena est anglaise, de Notthingham.

Elle a fait ses études (licence d’histoire) à Édimbourg dans une université réputée ; elle a connu et vécu dans la capitale écossaise son premier festival théâtral, très présent dans la ville au mois d’août : the Fringue (un peu comme le « off » en Avignon.) Elena voulait s’éloigner de son milieu familial (elle avait le souhait de ne pas rentrer chez elle tous les week-ends).

Et puis, ayant eu vent d’un partenariat avec l’université de Caen (l’université d’Édimburg a contribué financièrement à la reconstruction de celle de la ville normande), elle débarque dans cette ville pour y prendre un poste de lectrice d’anglais, y fait office d’enseignante et après deux ans  entame un master 1 de médiation culturelle au cours duquel elle développe une recherche sur le scoutisme et plus globalement l’éducation populaire au cours de laquelle elle découvre différents mouvement d’éducpop mais pas encore les Ceméa. 

Elle fait la connaissance de notre mouvement par l’entremise du FIFE qu’elle a vécu en juin dernier à Évreux. Son master 2 porte sur l’éducation à l’image. Elle demande un stage de quatre mois aux Ceméa de Normandie. Elle en profite pour y découvrir différents pôles et missions , ainsi que les formations BPJEPS, DEJEPS à Caen. Dans le cadre de son master Elena s’intéresse aux et fait vivre des échos du FIFE (elle y apprécie tout particulièrement le film : « hashtag so wai » qui relate l’accueil à Pantin d’une équipe féminine de rugby de Sao Paulo) et conduit des ateliers d’éducation à l’image (en particulier avec des CP et des écoles primaires. Elle finit d’apprivoiser la langue (cette expérience immersive dans le pays le favorise). En parallèle elle pratique le rugby et cette pratique dans le milieu de l’ovalie caennais lui permet de progresser en écoutant tout d’abord puis en échangeant avec ses coéquipières. Il convient de préciser que si elle s’était contentée de baigner dans le milieu anglophone de son cercle d’ami·e·s, elle n’aurait pas si vite parlé couramment et sans accent.

Aux Ceméa elle apprécie les valeurs collectives de partage ainsi que les pratiques d’interculturalité.

Sa présence ici, en Avignon est la prolongation naturelle de son stage. Le confinement ayant rétréci son champ de découverte, elle a avec plaisir répondu favorablement à la sollicitation de Hervé Roué qui lui a proposé de faire partie de l’équipe d’encadrement du lycée St Joseph pendant plus de trois semaines. Dans ce chantier d’accompagnement culturel, elle a rapidement trouvé sa place et raconte à l’envi qu’ici on est tous et toutes égaux·égales.

Elle assure avoir autant envie de découvrir la ville que le festival et ses spectacles vivants. S’orienter, découvrir la ville (elle dit un grand merci à J.Louis Brugiroux qui a été son guide), se l’approprier. Elle porte un regard de festivalière, elle n’a pas peur de tout ce qui touche au théâtre.

Avec les Ceméa, elle a découvert le fait de prendre le temps de réfléchir, de digérer ce qu’elle a vu (un spectacle/jour au maximum), elle refuse la surconsommation et se retrouve entièrement dans l’approche qu’a l’équipe. Avant d’arriver ici elle voyait le « in » comme un événement sérieux...et intellectuel. Son regard a changé, ayant pu découvrir de l’intérieur la réalité du festival « dans », elle trouve les propositions diverses et met l’accent sur « ça dépend aussi de la manière dont tu abordes les choses ».

Au début elle avait peut-être quelques complexes : en effet elle ne pratique pas le théâtre et ses connaissances dans le domaine (peu de références) ne font pas partie de ses compétences, puis elle s’est dit qu’après tout ce n’était pas grave. Elle manque de confiance et s’imagine ne pas très bien parler français (ce qui absolument faux). Le fait de fréquenter d’autres espaces, d’autres publics dans d’autres conditions lui permet de peaufiner sa maîtrise de la langue.

Sur le travail de l’équipe elle s’est aperçue qu’il y a beaucoup de tâches à accomplir et parfois elle ne comprend pas ce qu’il faut faire (et ce n’est pas une question de langue). Il y a des choses qui lui échappent mais elle n’en a cure. Elle vit les choses pleinement et estime que le ressenti est le plus important. Elle apporte un œil neuf en tant que nouvelle venue, la variété des expériences apportant une pluralité de regards. Pour elle l’équipe fonctionne très bien, elle trouve que c’est tout le temps le rush surtout le matin. Heureusement les temps des repas permettent d’échanger. Très fatiguée au début (le week-end d’installation s’est révélé très crevant et le premier séjour voyait arriver 54 collégiens avec qui elle a tissé des affinités), elle se sent plus en forme aujourd’hui au milieu de son séjour dans le Vaucluse. Cette semaine (du 13 au 17 juillet) est plus tranquille et l’équipe malgré les changements a pris son rythme de croisière. Loin de se cantonner aux ateliers de préparation et de retours sensibles , l’accompagnement du spectateur, de la spectatrice court sur toute la journée (temps informels, repas…) ; il est de chaque instant. Ce qui rend l’expérience fatigante. Et les retours sensibles de 8h30 permettent de donner de l’importance aux ressentis et de désacraliser l’institution du « in ».

Elle tient à dire tout son émerveillement quand elle a découvert la cour d’honneur du palais des papes.

Lorsque je lui demande comment Avignon est considéré outre-manche, elle cite « the guardian » (équivalent britannique de Libé) qui publie des articles sur le festival. Mais d’une manière générale le festival conserve l’image d’un stéréotype et l’apanage d’un entre-soi culturo-cultureux où la culture est légitime, légitimée. Elle ne peut pas dire s’il existe une telle manifestation au Royaume Uni.

J.Louis Brugiroux
maître de maison

Dans toutes les maisons du CDJSFA il y a un·e responsable et un·e maître·sse de maison ; Celui·celle-ci s’occupe de tout ce qui concerne l’intendance à tous les niveaux. Jean-Louis est un vieux de la vieille dans ce domaine et son expertise est précieuse.

Il commence par me dire qu’il est bonne pâte et qu’il essaie toujours de prendre les choses du bon côté (ce qui en creux laisse entendre que tout ne va pas comme sur des roulettes) mais c’est difficile d’emmagasiner toutes les infos qui surgissent à chaque instant, si elles ne sont pas écrites. Il tâtonne.

Les relations avec  le festival sont globalement bonnes mais une décision prise par le CDJSFA peut se répercuter à St Jo (exemple des écocups du bar du in, lavés ici, et qui posent le problème de leur transport en caddie jusqu’au bar), ça paraît simple et futile mais cela ne l’est jamais. Ce qui occasionne des mésententes, des tensions, des petits coups de gueule. Des choses s’ajoutent, inattendues et il faut jongler, presque improviser. Et ça prend du temps, je n’ai pu venir à 8h30 sur les retours sensibles qu’une fois, je suis frustré.

J’ai l’impression que l’aspect technique de ma fonction passe après tout le reste, que ce n’est pas glamour, que mon boulot n’est pas prioritaire, que je suis la dernière roue du carrosse alors que celui-ci ne peut pas rouler sans cette fonction essentielle. Et pourtant si je menaçais de partir ce serait l’affolement général. En effet, que pourrait-on faire sans une gestion au plus près de la réalité et sans la gestion-économat de l’alimentation, carburant essentiel d’un bon fonctionnement du couprs et de l’esprit ? Les variables d’ajustement sont légions et je dois jouer des bonnes ficelles même si parfois je n’ai, nous n’avons pas la clé ni la réponse. La première semaine j’ai peu dormi et j’étais très stressé, mon rôle est prépondérant (un seul être vous manque et tout est dépeuplé).

La gestion logistique des bâtiments est très compliquée, des choses ne fonctionnent plus (vacances des personnels du lycée obligent) , d’autres sont déréglées, je ne suis pas le factotum, mais parfois mes tâchent y tendent un peu.

Il y a, de plus, des problèmes entre les maisons (groupes qui viennent manger, pas encadrés, livraison indécises et incomplètes) et aussi d’autres difficultés : infos pas actualisées, âge incertain des personnes accueillies, couac dans la diffusion des infos, dans la com., il est nécessaire de tout réajuster en temps réel. Et, cerise sur le gateau, nous n’avons pas de wifi et une imprimante qui déconne quant à sa connexion)

Je trouve que l’équipe de St Jo a trop de choses à porter, cette maison est un peu le souffre-douleur du reste du CDJSFA, j’en chie et j’en ai chié, je comprends que c’est de plus en plus difficile de trouver des personnes qui veulent être maître·sse·s de maison, tant il·elle·s sont corvéables à merci.

Et même si globalement je m’en sors il reste des choses à améliorer.

J’ai aussi dû me fader des discussions à n’en plus finir avec des personnes qui viennent parce que ce sont des tarifs d’éducation populaire et qui exigent une prestation hôtelière (j’ai bien envie de les placer sur une liste noire).

Mais si Jean-Louis passe parfois pour un râleur (le reste de l’équipe ne manque pas de le chambrer à ce sujet), il n’en reste pas moins qu’il ne compte pas son temps et que chacun·e (qu’il·elle soit festivalier·ère·s ou membre de l’équipe d’accueil) sait qu’il bénéficiera toujours d’une attention de sa part lorsqu’il·elle aura besoin de ses services.

Agathe Groult

Agathe a 21 ans et déjà une longue expérience dans divers domaines.

Originaire des environs de Besançon, elle suit un cursus universitaire de master 1 FLE (option humanitaire) à Chambéry.
Inscrite au conservatoire de cette ville pour du théâtre et du chant, elle insiste sur le fait que c’est surtout le théâtre qui l’anime (à l’école, dans les village vacances, à l’Asep, à la compagnie Bacchus et à Salins les bains au lycée Victor Considérant en bac théâtre, plus un séjour d’un an en Slovénie à Ljublana dans le cadre du programme Érasmus, où elle a participé à un club théâtre en français, et enfin elle a intégré la compagnie « Bamousso » et cela a été une très belle expérience.) Agathe possède également une expérience d’animatrice, dans le scoutisme, où elle a passé le bafa puis a travaillé à Bregille dans un quartier de Besançon et aux Loisirs Populaires Dolois.

De plus elle est engagée dans l’écologie (camp climat, alternatiba, extinction rebellion, création d’écollectif à Besançon, marche du climat pour les jeunes). 

Quelle riche expérience pour une personne si jeune !

Comment est-elle arrivée là ?

Laurence (qui fait partie de l’équipe de St Jo), prof dans le collège où elle était élève, connaît ses parents, lui en avait touché un mot lors d’une rencontre. Et puis cela s’est concrétisé, un concours de circonstance l’a favorisé. Jusqu’à présent elle n’avait pas eu la chance de pouvoir venir à Avignon. Un coup de fil, une courte réflexion et elle rejoint l’équipe, après avoir été brièvement briffée. 
Elle aime travailler avec des publics spécifiques (mais n’a pas envie de les catégoriser, ce serait ne pas respecter leur intégrité). Elle  devait participer comme bénévole (accueil du public, des équipes artistiques) à « Villeneuve sur scène », mais a préféré se lancer dans cette aventure. Elle rejoindra l’équipe de Villeneuve le 18 juillet.

Elle a débarqué ici à St Joseph avec une vision générale certes, mais floue, du projet, il y avait une part de « sans filet » (peu de préparation, juste deux courtes visios), tout n’était pas limpide et des interrogations taraudaient son esprit : avec qui allait-elle travailler ? Pour qui ? Elle ne connaissait pas vraiment ni les Ceméa ni le CDJSFA. Mais Agathe avait hâte que ça commence. On est venu la chercher, on lui a fait confiance, il fallait qu’elle montre à tout le monde de quoi elle était capable.

Et le premier jour, ça s’est très bien passé, elle a pu relâcher la pression (elle n’avait pas forcément compris le parcours de « j’y suis, j’en suis », en particulier).

« C’est exigeant et énergivore, on voit des spectacles, ça remue, ça pompe de l’énergie » lâche-t-elle dans un élan communicatif.
« On est h24 dans le coup. C’est de toute façon du social. La démarche est intéressante, je suis satisfaite, on contribue à désacraliser le spectacle vivant, ça me met en mouvement intellectuellement. Le théâtre permet concrètement de se rassembler, c’est un excellent prétexte pour se réunir. La rencontre intergénérationnelle est super intéressante (rencontrer des plus âgé·e·s ça ne m’est pas familier), le collectif permet d’apprendre avec tout le monde. Et il y a toute cette vie autour, le festival ce n’est pas que le théâtre. »

« J’ai découvert les Ceméa et ai un peu plus compris leurs valeurs.
Et je défends le non jugement et la bienveillance. On respecte chaque ressenti, il n’y a pas de surenchère dans l’analyse.

J’aime comment on fonctionne en équipe, on fait le point, on régule (j’en ai besoin, l’urgence et l’improvisation me créent du stress), on prépare et on se fait confiance mutuellement.

Concernant les ateliers il faut veiller à ne pas être infantilisant, il y a toujours quelque chose qui se passe, des belles surprises, parfois on ne sait pas si cela a marché et le doute s’insinue. Les retours, ça rassure. »

Agathe termine cette rencontre en insistant sur la place du théare dans le monde et la société.

« Je suis persuadée que le théâtre c’est une sacré outil d’action sociale, c’est quand même quelque chose. Il peut encore faire beaucoup pour le monde. Tout va si vite. Juste s’asseoir et s’évader pour vivre une expérience inédite. Il y a un véritable besoin de ces occasions d’évasion. Les scientifiques reconnaissent l’importance de l’art. Le théâtre fait pleinement partie de ma vie, ce ne sera jamais un à-côté. Un boulot qui me permettra de garder les pieds sur terre tout en laissant la liberté d’avoir la tête dans les étoiles, ce serait l’idéal. Un rien sans cesse me fait penser à l’art.

Ce sont les imprévus qui m’ont toujours emmenée vers des choses nouvelles. L’inattendu ouvre des portes. »

Agathe malgré sa jeunesse et son inexpérience (c’est sa première fois à Avignon) est très à l’aise dans l’équipe, elle prend des initiatives, anime des ateliers avec des groupes d’adultes et s’investit à 200 %.

Pierre et John
un duo inattendu

John et Pierre se sont retrouvés au Lycée Saint Joseph à Avignon. John est belge, et Pierre normand et rien ne les prédestinait à partager la même chambre.

John, enseignant, a décidé au dernier moment de venir à Avignon, et en allant sur le site du festival il a repéré que les Ceméa (il a suivi une formation avec les CEMÉA belges) et le centre de jeunes et de séjours organisaient des accueils et il s’est inscrit. Il apprécie tout particulièrement le côté éducation populaire, c’est vraiment ce qu’il est venu chercher.

Pierre, enseignant lui aussi, avait un petit créneau avant de s’occuper de sa fille et il a opéré de la même manière (mais lui ne connaît pas les Ceméa), il est déjà venu à Avignon, au festival mais c’est la première fois qu’il y vient avec cette formule-là. Et lui aussi y trouve son compte.

Ils se sont bien trouvés et font preuve d’une curiosité et d’un humour mordant qu’ils délivrent de concert.

Et leur duo s’inscrit parfaitement dans le collectif, multipliant les rencontres, profitant au maximum des ateliers et se régalant des spectacles.