La cuisine comme lien social

La solidarité alimentaire, c’est manger. Mais qu’est-ce que manger ? Pour Samuel Levallois, que nous avons rencontré, il s’y joue aussi des question de santé mentale, de respect … c’est ce que Vrac et Cocinas tente de construire, de restaurer.
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L’association VRAC & Cocinas achète des produits locaux et/ou biologiques à des producteurs, sans négocier les prix et les revend à prix coûtant pour permettre un accès plus simple à des produits de qualité. Se nourrir n’est pas seulement un acte mécanique à visée physiologique mais un acte politique, citoyen et de plaisir. Samuel Levallois, co-fondateur et bénévole à VRAC & Cocinas nous amène à décrypter les raisons l’ayant conduit à penser cette association.

 

Entretien avec Samuel Levallois, co-fondateur de l’association VRAC & Cocinas à Montpellier.

Cemea

Peux-tu présenter un peu plus formellement Cocinas ?

L’idée d'origine était de créer des lieux autour de l’alimentation du type « maison de l’alimentation » pour s’approvisionner, cuisiner, échanger, faire du lien social, de la santé mentale. En fonction des contextes, les lieux dans lesquels on fait de la cuisine, de l’accueil, du bar, du portage alimentaire, remplissent des fonctions politiques, éducatives, sociales, économiques… À un moment il faut se définir mais avec l’alimentation il faut rester très ouvert, c’est pour ça que Cocinas a été créée. Pour ne pas figer un modèle. On ne sait pas ce qu’on va faire et nous sommes plutôt là pour développer des projets et accompagner des collectifs, ou des endroits sans collectifs, pour qu’il se crée quelque chose autour de l’alimentation.


Et pour VRAC, l’objet est-il de faire de l’achat groupé et de la revente à prix coûtant ?

Je dirais oui, mais c’est plus que ça. On peut très bien avoir un bénévole à la caisse avec nous et qui avec facilité, aisance, et pour le plaisir, nous file un coup de main et qui peut se dire qu'il pourrait travailler, mais ça peut aussi être quelqu’un qui veut juste s’alimenter. Parce qu’il veut nourrir sa famille, acheter cette alimentation-là à laquelle nous lui permettons d’accéder. C’est aussi deux rendez-vous par mois : celui de la prise de commande et celui de l’épicerie où ils vont voir des gens et discuter. Pour des gens qui sortent une fois par semaine, nous représentons déjà la moitié des sorties. Juste avec notre épicerie. Alors oui, l’outil c’est de l’épicerie, du groupement d'achat, mais autour de ça il peut se passer plein, plein de choses.


 

Cemea

Cette idée d’une alimentation globale est vraiment importante chez VRAC & Cocinas ?

C’est une nourriture complète, à priori moins nuisible pour les autres, les animaux, l'environnement. Parce que lorsque l’on vient chez vous, on apporte ses emballages, on achète en gros, on essaye des réduire les déchets liés à l’emballage.
 

Pourquoi ce choix plutôt que le chemin traditionnel de l’aide alimentaire ?

Avec l’aide alimentaire, les gens n’ont pas le choix ; ils sont assignés à manger ça, à tel endroit. Et puis on leur donne de la mauvaise nourriture. C’est ce que disent parfois les bénévoles des banques alimentaires : « Ah ! Mais si on met des légumes, ils n’en veulent pas. » Si tu n’as de cuisine pour cuisiner, si tu n’as pas de gaz, de temps, tu vas prendre les produits tout faits, tout prêts. Même si on dézoome, nous aussi, parfois quand on fait les courses, on prend de mauvais produits et on le sait, alors… L'aide alimentaire est fondée sur le fait de distribuer de la très mauvaise nourriture. Ce sont des fonds de l’aide alimentaire européenne. En gros, on sait qu’elle devait être de l’aide d’urgence donc de la nourriture de mauvaise qualité, faite pour être mangée de manière exceptionnelle ; on ne peut pas se nourrir régulièrement avec ça. Et puis, de manière symbolique… Et dans les quartiers populaires on n’a pas beaucoup d’alternatives, c’est soit l’aide alimentaire, soit les supermarchés discount. Manger bio va être plus cher et plus difficile d’accès ; il faut prendre sa voiture. L’idée est de ramener cette accessibilité, de redonner de la dignité à tout point de vue, mais aussi que les agriculteurs soient un peu plus justement rémunérés. Par rapport à l’inflation, comme ce sont des circuits plus courts, l’impact du coût du transport est moins important dans le bio et le local. On va essayer de ré-offrir tout ça. Et on se rend compte qu’en permettant de s’alimenter à moindre coût, les gens vont préférer payer dignement face à l’acte de se procurer de la nourriture, de manger et de l’impact sur leur environnement. Parce que l’aide alimentaire ne procure pas, ou très rarement, ça. On ne se nourrit pas que de calories.