Rituels pour bien dormir

Nounours, doudou ou petite histoire permettent à l’enfant de se sécuriser et de s’endormir en confiance. Mais le coucher peut parfois s’accompagner de rituels dont le sens nous échappe.
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Média secondaire

C’est la fin de la veillée. Le groupe des petits retourne tranquillement à sa chambre pour se coucher. A peine entré dans la pièce, Sylvain se met soudain à pleurer. Je m’approche de lui en pensant qu’il doit être fatigué, ou que sa maman lui manque. Il a de gros sanglots:

- Qu’est-ce qui t’arrive ?

Entre deux hoquets, il parvient à me dire :

- Je ne voulais pas qu’on allume la lumière !

- Pourquoi ?

- Parce que c’est moi toujours moi qui allume.

J’éteins:

- Eh bien va allumer. Sylvain retourne jusqu’à l’interrupteur, appuie sur le bouton, puis va se glisser dans son lit, visiblement apaisé. Il se couche tranquillement et ne tarde pas à s’endormir.

Il y a des rituels qui peuvent nous sembler insignifiants ou absurdes et auxquels les enfants attachent une grande valeur. Sylvain allumait la lumière de la chambre tous les soirs. Nous ne nous en n’étions même pas rendu compte, tant ce geste nous paraît banal et absent de charge affective. Pourtant, pour lui, cela avait visiblement une importance considérable. Ces actions et situations souvent répétitives permettent aux enfants de se créer un ordre qui les sécurise Ces rituels peuvent être de nature et de forme très différentes. L’ordre des actions est souvent parfaitement réglé et les gestes très précis. Certains enfants ont une technique bien à eux et très structurée pour enfiler leur pyjama ou entrer dans leur lit. La place des objets peut prendre une grande importance Le nounours est posé sur le lit en haut à gauche. S’il le trouve rangé autrement, l’enfant le déplace. Cette logique nous échappe quelquefois: la chambre est dans un désordre qui nous déroute, mais pour lui, tout va bien puisque le nounours est à sa place en haut à gauche. Des phrases rituelles se répètent de soir en soir. Chaque mot et l’ordre dans lequel il est énnoncé compte. Parfois banal: “Bonne nuit.” Parfois un mot se détache: “Je voudrais un énorme verre d’eau.” Et si vous dites: “Tiens, voilà ton verre d’eau.” Il vous reprendra : “Non ! mon énorme verre d’eau.” Parfois sibyllin: “Branche la veilleuse. Moi, la veilleuse je l’appelle Coco la noix de coco.” L’adulte peut être mis à contribution dans certains rituels. Dès qu’il arrive dans la chambre pour se coucher, Thomas se cache dans son lit et attend pour apparaître, que je dise: “Tiens, il manque Thomas !” Ces rituels évoluent dans le temps. Certains vont disparaître soudainement pour être remplacés par d’autres, sans qu’il y ait eu d’événement particulier susceptible d’expliquer ce changement. Ils peuvent réapparaitre quelque temps après ou rester à jamais dans l’oubli. Ce qui frappe dans ces rituels, c’est la notion d’ordre. Tout se passe comme si l’ordre des objets, des actions, et leur caractère immuable et répétitif rassuraient l’enfant et lui permettaient de progresser en s’appuyant sur des bases stables. Maria Montessori, dans un de ses ouvrages, parle d’ordre intérieur. L’enfant se couchera d’autant plus en sécurité, qu’il pourra s’appuyer sur les rituels qu’il s’est construit. A l’adulte d’être suffisamment à son écoute, pour se rendre compte de ce qui a réellement de l’importance à ses yeux.
Mais respecter les rituels d’un enfant n’est pas l’enfermer dans des habitudes. Je dois être capable de percevoir qu’allumer la lumière a une importance considérable pour Sylvain et donc lui laisser la possibilité d’accomplir son geste. Mais je ne dois pas le lui imposer, en instituant par exemple le fait que c’est lui qui fera cela jusqu'à la fin du séjour. Parce que peut être, dans trois ou quatre jours, Sylvain n’aura plus besoin d’allumer la lumière.

 

Cet article est issu de la revue Les Cahiers de l'Animation