La médiation animale peut être définie comme la recherche d’interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle entre un humain et un animal dans le domaine éducatif, social, thérapeutique et/ou de recherche.
Au-delà de la médiation, l'animal devient collègue
Qu’est-ce qui t’as amenée à la médiation canine ?
Le chemin vers la médiation animale et la formation en médiation animale a été pour ma part un chemin jalonné de rencontres d’individus humains et animaux. Ces dernières ont été décisives dans l’analyse faite de ma pratique et la transmission de connaissances communes et utiles pour toute personne désirant intégrer l’animal dans sa démarche professionnelle. Tout formateur se doit, à mon sens, de s’extraire de sa propre subjectivité pour accueillir le stagiaire dans sa réalité et d’autant plus en médiation animale car c’est une pratique qui nous amène à chaque intervention à parler de nous et des animaux qui nous entourent.
Ces derniers ne sont pas venus par hasard dans nos vies. Cette prise de conscience nous aide à nous détacher de nos propres valeurs, représentations et fragilités. Pour que l’animal devienne un collègue de travail, sujet à part entière missionné au même titre qu’un collègue humain avec ses qualités, ses défauts et son besoin de respect, de bienveillance et de bien-être, le recul est fondamental.
Fondation Adrienne et Pierre SOMMER, Paris.
Depuis 2002, ma collègue le Dr Béatrice Laffitte, vétérinaire comportementaliste, m’accompagne tout d’abord en tant que vétérinaire de mes chiens, puis collaboratrice lors de soirées dédiées au comportement canin et autres sujets, pour être depuis 2012, mon superviseur en séances de médiation canine et depuis 2016, conseiller technique de GRAMMA.
C’est en 2009, que tout m’a paru évident avec la rencontre du Dr Didier Vernay neurologue au CHU de Clermont-Ferrand et fondateur du diplôme universitaire de relation d’aide par la médiation animale, dispensé à la faculté de médecine de l’université Clermont-Auvergne. Grâce à lui, je découvre la pratique de la médiation canine lors d’un stage de 3 jours en EHPAD en juin 2009. A l’issue, Didier Vernay me propose d’intégrer la 1ère promotion 2009/2010 du D.U. RAMA. D’autres personnes essentielles à mes yeux ont participé à cette aventure depuis.
En tant qu’enseignante en Activités Physiques Adaptées de formation initiale, j’ai intégré l’animal dans l’optique de bouger, de faire bouger, de mettre du sens au mouvement, d’ajuster sa gestuelle et bien d’autres objectifs cognitifs, moteurs et physiques. Mais sans la relation avec l’animal rien n’est possible, à part de faire fi de son bien-être et de son intégrité. La relation ne se consomme pas mais se construit selon le rythme de chacun. Mais quid de la différence de nos modes de communication respectifs. Quand les mots nous parlent, les postures lui parlent ! Concernant le chien par exemple, sa communication est avant tout posturale c’est-à-dire qu’il s’ajuste corporellement et traduit ce qu’il perçoit chez l’humain en termes d’attitudes et de gestuelle, pour finalement, déterminer la demande et y répondre en fonction de ses possibilités et de ses limites.
Tout ceci m’a amené à analyser ma pratique professionnelle dans le moindre détail (parole, geste, objet, lieu etc) lors d’une formation dans un Institut du Travail Social destiné à des futurs maîtres de stage. Cette analyse m’a passionnée et a fait évoluer ma pratique.
J’ai pris également conscience qu’amener les futurs praticiens/intervenants à prendre conscience de tous ces éléments fondamentaux rendrait un bénéfice immense au respect des animaux intégrés dans les dispositifs.
J’ai rapidement pris conscience de tous les enjeux de cette dynamique relationnelle que nous essayons de cadrer tout en laissant des spontanéités, des libertés et des imprévus. La notion de place de chaque individu est au cœur de la médiation animale et de la médiation ! L’animal est le tiers mais pas uniquement, chacun à son tour peut être et faire tiers ! C’est ce que nous essayons d’analyser tout au long des formations, ci-après quelques exemples :
- Lors d’un entretien individuel entre un travailleur social et un adulte patient reçu dans un CSAPA - Centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie - la présence passive du chien favoriserait l’apaisement et permettrait sans doute d’enrichir les échanges.
- Un personnel soignant en charge de l’épanouissement cognitif, émotionnel et moteur d’un enfant serait le guide lors d’activités physiques où l’animal est acteur dynamique.
- Une animatrice en EHPAD - Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes - pourrait proposer des actions de médiation animale dans l’objectif de réactiver des capacités sensorielles en sommeil : le chien fait revivre des situations de contacts perdus.
Ainsi, en fonction de la nature du projet et du professionnel qui intègre l’animal, la mission conférée change et la place qu’il occupe également : présence passive, active, dynamique, activités partagées : tout autant de possibilités influant sur la dynamique relationnelle.
Chaque stagiaire apprenant entame une réflexion sur la place qu’il désire et doit prendre – en fonction de sa formation initiale et de ses connaissances en communication et comportement canins – et la mission qu’il compte confier à son animal – en fonction de l’espèce, des capacités sensorielles et des qualités comportementales, cognitives et physiques. La présence de l’animal devient une réelle valeur ajoutée et cette médiation, un outil complémentaire offrant de nouvelles possibilités d’accompagnement.
Dans quels contextes et types d'établissements la médiation canine peut-elle être mobilisée et par quels professionnels ?
A l’heure actuelle, la médiation animale est en majeure partie intégrée dans le milieu social, médico-social, thérapeutique, pédagogique, les métiers de l’animation mais également dans le milieu pénitentiaire.
Les multiples facettes de cette médiation permettent de l’intégrer dans de nombreuses démarches professionnelles dans le but d’entrevoir d’autres possibilités d’actions. Pourtant, en règle générale, nous constatons qu’elle est utilisée par les travailleurs sociaux, les psychologues, les orthophonistes, les psychomotriciens, les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, les médecins, les infirmiers, les aides- soignants etc.
Quel est l'apport spécifique du chien par rapport aux autres animaux dans la médiation ?
Nous entretenons avec les chiens une relation de longue date. L’espèce canine est une espèce fortement représentée en France avec 7,5 millions d’individus dans nos foyers.
Le chien possède de nombreuses qualités sensorielles, cognitives, comportementales et physiques. Ses utilisations diverses et variées ont donné naissance à de multiples activités canines récupérées en contenu de séance. C’est une espèce sociale avec des codes facilement transposables aux codes utilisés par les humains. Intégré dans nos foyers et notre intimité, il apprend à nous décoder et pour certains, à anticiper nos intentions. Bien sociabilisé, il possède des qualités relationnelles et émotionnelles qu’aucune autre espèce animale ne possède.
Au-delà des qualités énoncées ci-dessus, des bonnes conditions de vie et d’éducation positive sont au bénéfice de son adaptabilité. Cette compétence est primordiale en situation de médiation.
Il est facilement transportable et son éducation reste à la portée de tout un chacun ayant appris et compris ses codes de communication et son registre comportemental.
Quels auteurs mobilisez-vous pour définir la médiation animale ?
Pour ce qui est des auteurs, à GRAMMA, nous mobilisons notre large réseau d’experts sur le territoire national et nous nous reconnaissons dans la démarche universitaire.
A l’international, l’I.A.H.A.I.O. est l’organisation mondiale représentant la médiation animale : IAHAIO
De nombreuses publications sont aujourd’hui accessibles sur des sites dédiés à la médiation animale mais la référence en France est toujours la Fondation Adrienne & Pierre SOMMER
Photos: Association GRAMMA