LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

J'ai mal à mon avenir...

Pour pouvoir se projeter sereinement vers leur futur, il est important pour les enfants de s’appuyer sur des réalités actuelles et de décrypter le monde qui les entoure avec l'aide des adultes.
Média secondaire

J’étais dans la cour de récréation, quand Emilia s’approcha de moi, soutenue par une de ses copines. Son visage était retourné et elle ne semblait vraiment pas bien. Je lui demandai ce qui n’allait pas. Ce fut la copine qui me répondit : « Elle a mal, M’sieur ! » Emilia me montra sa main. A l’un de ses doigts, il manquait un ongle. Elle avait les larmes aux yeux : « Ça me fait mal ! » En regardant son doigt, je vis que la blessure était ancienne et tout à fait cicatrisée. Son ongle avait dû tomber suite à un choc subi il y a longtemps. La pulpe n’était ni tuméfiée, ni gonflée, ni enflammée. Nous parlâmes un peu de ce qui lui est arrivé et de son doigt qui s’était retrouvé coincé dans une porte. Quand je lui dis que je ne voyais rien qui semblait inquiétant et qu’il fallait simplement protéger la pulpe qui reste fragile en attendant que l’ongle repousse, je vis son visage s’éclairer :

- Ça va repousser ? Tu es sûr ?

- Tu pensais  qu’il ne repousserait plus ?

Emilia acquiesça d’un hochement de tête. Je lui montrai le début d’ongle qui commençait à pointer au niveau de la matrice et je lui racontai qu’il m’était arrivé la même mésaventure. Puis, je lui proposai de mettre un petit pansement pour protéger le bout du doigt. Mais elle me dit que ce n’était pas la peine.

- Tu n’as plus mal ?

- Non, ça va...

Et elle partit en courant pour aller rejoindre des enfants de sa classe, qui jouaient un peu plus loin.

La douleur est subjective. Une subjectivité dans laquelle l’inquiétude et l’incertitude jouent un rôle non négligeable, comme nous le démontre Emilia. Une inquiétude et une incertitude, qui naissent souvent de l’absence d’explicitation des situations vécues ou entendues.

Beaucoup d’informations que les enfants perçoivent au quotidien ne sont pas décodées et certaines les laissent dans une incertitude délétère.

Ils entendent les médias, les conversations, voient des images, des textes, auxquels les adultes ne font plus spécialement attention, ou qu’ils décryptent et relativisent à l’aulne d’enjeux politiques ou commerciaux…

Récemment, un élève de la classe est allé se cacher sous un bureau, parce que son meilleur copain était revenu avec des traces très marquées après des boutons de varicelle. On avait dit à la télé et à la radio que l’on pouvait mourir de ce genre de maladies contagieuses. La peur n’était pas feinte et l’angoisse réelle….

Pour pouvoir se projeter vers l’avenir, il est important pour les enfants de s’appuyer sur des réalités. Il ne s’agit ni d’embellir le monde qui les entoure, ni de décrypter systématiquement toutes les informations. Mais il est essentiel que les enfants puissent compter sur les adultes pour parler de toutes ces choses inquiétantes. Des espaces de parole pour expliciter ce qui est perçu et venir déposer ses troubles et ses peurs. Savoir que l’on peut venir parler à un adulte de ce qui vous inquiète évite parfois d’avoir mal à son avenir.


Vers l'Education Nouvelle (n°574, avril 2019)

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