Un espace de relaxation
Quand le projet pédagogique est gorgé de sens et réfléchi en profondeur, il permet l’émergence d’initiatives originales et l’invitation de prestataires compétent·e·s et formé·e·s qui font partie intégrante de l’équipe. Ici, il s’agit de la mise en place d’un atelier de relaxation par une infirmière somato-relaxologue. Cet atelier qui se fond dans la journée s’adresse aux enfants qui le choisissent et permet une pause, une respiration et au-delà délie les langues et les postures. Un exemple édifiant de ce qui est possible en colo.
Le centre de vacances de Montrem où séjournaient 87 enfants de 7 à 11 ans de la ville de Saint-Denis, a imaginé de créer un espace de relaxation, dans une salle isolée et tranquille, un espace à part propice à la détente et à l’écoute bienveillante, animé par une intervenante, infirmière somato-relaxologue qui a proposé des activités de relaxation en fonction des demandes des enfants ou des animateurs.
La demande des enfants de fréquenter l'espace de relaxation a été forte et le nombre de passages prouve s'il en est que cette activité a bien sa place dans un séjour de vacances. L'idée même de relaxation plaisait aux enfants, même s'il ne savaient pas exactement ce que je proposais.
J'ai vraiment eu l'impression de leur offrir une « bulle » un « cocon », un espace à part, dont les règles propres- le rituel de la tisane par exemple, le chuchotement qui s'installait spontanément après- étaient une respiration pour repartir explorer l'univers de la colonie et retrouver le grand groupe.
Ce fut pour moi un temps formidable de découverte d'un public certes pas simple, mais chaleureux et dynamique, très vif, déroutant et charmeur. Aussi touchant dans les rencontres individuelles que capable d'être « insupportable » en grand groupe. Parfois tirant sur les limites de la patience des uns et des autres pour, d'un revirement aussi rapide qu'inattendu, être attentif et calme !
Ces enfants sont extrêmement pudiques, ne se livrent que très peu mais ont des paroles qui peuvent être de véritables perles, poétiques ou encourageantes. Peu de mots sont échangés et c'est avant tout dans les attitudes ou les mimiques que j'ai progressivement deviné que ce qui se passait dans le cadre de l'atelier leur était bienfaisant : un sourire, un air surpris mais heureux, « ça fait du bien! » voilà ce qui a été ma récompense!
Ce qui m'a surprise ce sont les nombreux questionnements sur l'identité, les origines. Je me prénomme Myriam, aussi il n'était pas rare de m'entendre demander si je ne venais pas d'Algérie, de Tunisie ou autre... La place et le questionnement sur la religion était aussi important.
Ce qui m'a choquée c'est la sensualité extrêmement présente dans une tranche d'âge ou en principe avec la « période de latence » telle que définie par Freud, les changements psycho-corporelles sont au repos avant le grand bouleversement de l'adolescence. C'était surtout très présent dans les chorégraphies, souvent très érotisées du spectacle final. J'avoue que cela m'a mise mal à l'aise.
Fonctionnement de l'atelier au quotidien
L'atelier relaxation a eu lieu tout au long du mois de juillet où séjournaient les 87 enfants de la colonie, âgés de 7 à moins de 12 ans et hébergés dans trois maisons distinctes.
L’atelier était situé dans une aile du château, dans une salle carrée en duplex. Au premier niveau se trouvait l'accueil avec une table, des chaises, le nécessaire pour la tisane et les activités manuelles, ainsi qu'un évier. Dans la mezzanine étaient disposés des tapis et des cousins pour les massages.
Les horaires, de 13h30/ 14h à 21h30/22h, étaient adaptés à la « courbe des rythmes de la journée » et découpés ainsi : un temps pendant le temps calme, un ou plusieurs temps pendant le temps d'activité, un autre avant le « quoi de neuf », le dernier après le repas.
Je passais dans les différentes maisons pour relever les noms des enfants intéressés et je leur fixais un rendez-vous en accord avec leur animateur. Ceux qui ne pouvaient pas venir dans la journée étaient intégrés à une liste d'attente et prioritaires pour les prochaines fois. Je pouvais avoir des petits groupes de quatre maximum, comme des individuels. C'était très souple, tenant compte aussi bien des souhaits de jeunes eux-mêmes que des remarques des animateurs ou des directeurs adjoints quand ils me signalaient un jeune à voir particulièrement.
A leur arrivée, nous nous installions autour d'une table et commençait alors le rituel de la tisane. Je mettais en fond sonore une musique douce et apaisante et aussitôt les voix baissaient d’un ton et c’est tout naturellement que le chuchotement s’imposait à tous. En même temps que la musique, je faisais diffuser des huiles essentielles dans la pièce, l'ambiance olfactive renforçant l'ambiance sonore propre à cet espace à part !
Dans un joli service en porcelaine était versée l’eau chaude, chacun ayant choisi sa tisane, plongeait son ou ses sucres, remuait doucement sa cuillère… Pendant ce temps je proposais et j’expliquais à chacun les possibilités qui lui étaient offertes : les activités de massage (massages de la tête et des épaules, des massages et auto-massages des mains) et de relaxation (relaxations « bonbon » utilisant les 5 sens et la respiration) mais aussi des activités manuelles. Quelques fois le jeune savait déjà ce qu’il voulait et après avoir bu nous commencions. D’autres fois les membres du groupe voulait un massage individuel, alors pendant qu’un jeune vivait ce moment de détente dans la mezzanine, les autres patientaient en dessinant des mandalas ou en réalisant des furoshiki (technique de pliage de tissus japonais) ou des origami (pliages de papier),
A la fin bien souvent je les raccompagnais pour aller chercher d’autres jeunes ou vivre des temps en commun avec eux. De manière amusante dès la porte passée le ton de la voix redevenait normal.
Une fréquentation soutenue de l'atelier
Sur les quinze jours, 66 enfants sont passés à l’atelier et certains sont venus deux fois. Les trois quarts des jeunes de la colonie ont donc utilisé cet espace qui leur était dédié, tout particulièrement pour les activités de massage mettant en lumière l'importance qu'a eu le toucher chez ces jeunes en termes de demande de massage. Les retours des enfants furent bons à très bons en général. J'ai pu constater un soulagement, une expression de bien-être, que ce soit en termes verbaux ou non verbauxl, aucun n'a manifesté de mécontentement à part celui de ne pas venir immédiatement ou que ce soit déjà fini.
Auprès de l'encadrement, j'ai effectué un rapide questionnement verbal auprès des directeurs adjoints sur ce qu'ils avaient pu remarquer dans leur groupe. Pour certains jeunes l'effet était de courte durée et une fois revenus en grand groupe le comportement était le même. D'autres ont exprimé publiquement une satisfaction lors du « quoi de neuf » et d'autres ont mis en place des séances de « massages » pour les copains. Un cas assez remarquable est à signaler pour un jeune qui au début du séjour posait de sérieux problèmes lors du coucher, le passage à l'espace relaxation lui a apparemment permis de s'apaiser et les couchers suivants ont été beaucoup plus sereins.
Les animateurs ont également fréquenté l'espace relaxation. Six d'entre eux (sur seize) sont venus me voir pour un massage et/ou une écoute ; deux massages antalgiques ont été effectués sur des douleurs cervicales notamment. Là aussi, un tiers des animateurs ont utilisé mes services ce qui est assez intéressant et montre l'intérêt d'une telle proposition pour l'encadrement.
Une activité relaxation intégrée au projet pédagogique
Associée à la préparation du séjour et partie prenante du projet pédagogique, j’ai participé ponctuellement à des réunions d’équipe et à des réunions d’enfants. Cela a permis d'inscrire l'activité relaxation dans le projet pédagogique du séjour. Ainsi, j'ai pu mettre en œuvre l'intention de “Favoriser l'autonomie et l'initiative” dans la mesure ou la prise de rendez-vous s'effectuait avec le jeune en accord avec son animateur, et qu'il devait parfois faire des choix dans ses activités, je considère l'objectif atteint. Pour ce qui est de “La coopération, le partage et la solidarité” certains jeunes sont venus avec des amis, d'autres se sont retrouvés avec des jeunes qu'ils connaissaient moins, je pense que l'objectif est aussi atteint même si sa concrétisation doit être perfectionnée. Mais c'est surtout dans “La valorisation de l'enfant”, la prise en compte de sa personne que l'objectif nous semble particulièrement atteint.
J'insisterais sur le fait qu'à mon sens cet atelier apporte un vrai plus aux jeunes de la colonie et qu'il a toute sa place dans les diverses propositions qui peuvent leur être faites. Il constitue un temps individualisé, sur mesure, clairement placé en dehors de toute institutionnalisation tout en étant vraiment intégré. Dedans, mais un peu à part.
Prendre soin de soi pour ces jeunes n'est pas simple : ballotté dans des questionnements identitaires, dans des familles parfois nombreuses, la place de l'individu comme personne unique et respectable, est un des plus qu'apporte l'espace relaxation qui se définit dans la proposition générale de la colonie. Il en est ainsi partie prenante tout en ayant sa petite touche particulière.
Cet article est issu des Cahiers de l'Animation - Vacances Loisirs