Animation en pied d’immeuble le bus aux trésors pour un lundi pas comme les autres
C’est le bus d’Hélène et de son association « Via Terra Cultura », une institution roulante, bien connue dans le Pays de Montbéliard mais aussi dans toute la France (voir à ce sujet les représentations du Théâtre de l’Unité : et tout particulièrement la prose du transsibérien, actuellement), le bus d’Hélène donc s’est garé sur un espace herbeux non loin de deux blocs à dimension humaine et rénovés.
Il restera garé là toute la journée, comme point d’ancrage d’une animation de pied d’immeuble, mise en place par la ville de Montbéliard et en particulier sous la houlette d’Habib, animateur pour celle-ci.
Le maître mot est, pour cette journée : « résistance » et il va être proposé aux enfants et adolescent·e·s de décliner cette notion à travers des activités autour du collage, de l’écriture, du dessin et enfin de la radio ; en effet un enregistrement sonore pourra être effectué par les enfants qui le désireront.
Il faut dire que le bus s’y prête à merveille. Il est aménagé en lieu d’activités avec tables et fauteuils et se transformera l’après-midi en studio d’enregistrement. C’est une véritable structure d’animation itinérante.
Doucement en milieu de matinée les personnes présentes, Michèle, Martine, Hélène, Habib et Marine vident le ventre du bus et installent le matériel et le mobilier (quelques tabourets, des chaises longues, des tréteaux, plateaux, deux tables, un barnum) destinés à accueillir un public qui déjà se profile non loin de là, sur le city-parc mais n’ose encore s’approcher.
C’est un incident bien involontaire (une petite fille, Sirine, fait une chute de trottinette et fond en larmes) qui créera la première relation avec les enfants déjà présent·e·s. Ayoub, Ilyes, Youssouf, Rayan s’installent dans les transats pour écouter une histoire racontée par une sorcière qui passait par là.
Ils la testent, elle est ferme, ils marchent dans la combine de l’imaginaire, ils s’amusent, elle les charme, ils écoutent et participent, le lien est noué, la magie opère. Quelques jeux de présentation plus loin (Sirine, consolée, Johan, Sarah et sa sœur Sanaa ayant rejoint le groupe), la journée est lancée en cette fin de matinée.
Le jerrican d’eau fraîche remplit les verres (chacun·e aura le sien pour toute la journée) afin d’étancher une soif qui est la règle en ce jour d’été où le soleil est enfin au rendez-vous.
Une pause pour manger (mais tous les enfants ne rentrent pas chez eux·elles) et les activités reprendront à 14h.
Une atmosphère de vacances règne, luxe calme et volupté pourraient décrire ces instants. Le luxe de découvrir son quartier autrement, d’y goûter des vacances, le calme d’une sérénité qui durablement s’installe, qui se diffuse alentour (quelques passant·e·s qui rentrent des courses s’arrêtent, regardent, échangent quelques mots, des voitures stoppent pour dire que des enfants viendront cet après-midi), et enfin la volupté parce que les enfants savourent à l’avance ce qui va venir tout à l’heure en début d’après-midi.
Il est déjà quatorze heures et c’est une vingtaine d’enfants réuni·e·s dans une ronde qui vivent des petits jeux de connaissance, histoire de retenir les prénoms. Juste avant, des plus grands (il n’y a que des garçons) ont demandé s’ils pouvaient squatter les transats, la réponse étant positive, ils y resteront jusqu’en fin d’après-midi. Là sans être là, mais là quand même.
Pas absents de ce rendez-vous mais à part, comme l’âge qu’ils ont, le requiert. C’est aussi cela l’animation en pied d’immeuble. Quelques parents resteront aussi, sans participer, qui, ayant du mal à être en entière confiance, surveilleront, sans le dire, ce que font leurs enfants. Une possibilité que permet aussi ce type d’animation qui invite les familles à participer comme elles le veulent aux festivités.
Pendant que les deux plus petites (Selma et Sarah) partent avec Michèle inventer une histoire, le reste du groupe entame un tour du quartier afin que chaque enfant nous le présente à sa façon et si cela convient de renommer les rues. Presque toutes les rues portent le nom d’un scientifique, botaniste, zoologiste, du 18è et début du 19è (Buffon, Linné, Lamarck, Jussieu), et tou·te·s les enfants le découvrent à cette occasion. Ce court périple dans un quartier très vert et où les habitations (maisons individuelles, résidences privées et immeubles) apparaissent plutôt en bel état (un immeuble est en train d’être rénové), fait ressortir deux choses principales : un antagonisme entre les habitant·e·s des propriétés privées et les autres ainsi que le manque de commerces de proximité qui oblige les résident·e·s à se déplacer relativement loin pour remplir les frigos.
Les plus grandes (Lilou, Maelia, Lilia) nous ont quittés en route pour retourner au bus et Kenza nous a rejoints (elle était sur son balcon), appelée par sa copine Assia.
Un petit tour et puis s'en vont !
En rentrant à notre tour, il est temps de mettre en mots les ressentis (j’aime, je n’aime pas) après ce petit tour des propriétaires. Autour des tables, par grappes qui ne dépassent jamais six enfants, chacun·e s’affaire qui à dessiner ce qu’il·elle aimerait bien voir dans son quartier, qui à rebaptiser certaines rues (rue de la fête, rue des magasins de bonbons, rue des fachos, rue des pizzas sans pizza, rue des montagnes russes…), qui à lister les griefs qui restent en travers de la gorge après cette année difficile.
Ce n’est pas simple pour tout le monde, mais bon an mal an les mots viennent (même si au début les jeunes ne déversent qu’injures et insultes), les collages se précisent, les enregistrements se succèdent sans heurts majeurs. Un foot puis une partie de balle au prisonnier permettent à celles et ceux qui en ont assez des activités statiques, de s’évader et de dépenser leur énergie. Et les jeunes adolescents, imperturbables sur leur banc ou dans les chaises longues n’ont pas bougé et sont toujours restés concernés (sans l’être) par cet événement qui constitue une entorse à leurs habitudes.
L’après-midi s’achève, quelques enfants s’attardent encore en tapant la balle dans le city parc, ils (il ne reste que des garçons) ont du mal à partir en sachant qu’il va falloir attendre un an avant qu’une telle opération ne recommence.
Et c’est là que le bât blesse !
En effet pourquoi cette initiative ne devient-elle pas une belle habitude, par exemple une fois par semaine l’été, au lieu d’être unique ?
Aussi louable soit-elle, aussi réussie qu’elle apparaisse aux yeux des enfants qui restent, qui ne partent pas, qui ne sont inscrit·e·s dans aucun centre de loisir, aucune vacance apprenante, aussi maîtrisée et inventive que soit l’animation proposée par une équipe enthousiaste et orchestrée par une cheffe qui connaît sa partie, il n’en reste pas moins que cette manifestation qui fait figure de fête, n’est qu’une goutte d’eau dans un été qui est trop long pour les jeunes qui sont contraint·e·s de ne pas partir.
Cette réserve ne doit toutefois pas faire oublier l’action de l’association « Via terra cultura » qui sillonne avec son bus les routes du nord Franche-Comté pour offrir des animations de toutes sortes aux enfants et aux jeunes qui n’ont pas d’autres occasions d’en vivre. Ni celle d’autres structures qui remettent au goût du jour terrains d’aventure et autres animations de rue qui fleurissaient au début des années 80.
Et quoiqu’en dise une inconscience collective abrutie d’idées reçues, les enfants d’aujourd’hui sont les mêmes que celles et ceux d’hier et s’émerveillent encore d’une belle histoire, comme des plaisirs ressentis à jouer ou à créer.