LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Grandir dehors

Dans le jardin d'enfants d'Aarhus au Danemark, les enfants prennent le car tous les matins pour aller passer la journée en forêt. Ils, elles jouent au milieu des arbres où se trouvent un tipi, des tables et balançoires ainsi qu'un abri muni d'un foyer pour se réchauffer l'hiver.
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Média secondaire

En France, tout est pensé pour que l’enfant soit sous le regard de l’adulte en permanence, en surveillance comme dans le modèle panoptique. Le terrain est de plus peu propice à l'aventure et la prise de risque est très limitée. L’adulte façonne l’extérieur afin d’éviter tous les potentiels dangers, en présupposant que l’enfant ne posséderait pas, ou ne maîtriserait pas, ses capacités. Quelques autres règles sont fréquentes comme celles de « ne pas se salir », « ne pas sortir quand il pleut ou quand il fait froid »… Elles ont pour effet de limiter les explorations des enfants non en fonction d’observations tangibles mais en fonction des craintes et appréhensions de l’adulte présent. La plupart du temps, nous ouvrons plutôt l'accès aux espaces extérieurs lorsque les enfants sont énervés, donnant ainsi à ces lieux, un caractère d'espace de défoulement et non pas de lieu d’activité sereine. Peut-on encore parler d'enfant en sécurité dans ce type de situation ? Suite à mon séjour au Danemark, j'ai pu observer des conditions d’accueil en extérieur très différentes.

Une journée dans un jardin d’enfants à Aarhus

Ils sont une quinzaine, âgés de trois-six ans, formant un groupe constitué, à prendre le car tous les matins pour aller passer la journée en forêt. Munis de leur sac à dos, combinaisons de ski, bottes, gants et bonnets, accompagnés de trois adultes, ils marchent le long d’un sentier de 1,5 km à travers la forêt avant d’arriver à leur campement.

Chacun marche à son rythme observe, saute dans les flaques d’eau, s’arrête pour marcher dans la boue. Impossible d’avoir une vue d’ensemble du groupe, peu importe chacun connaît très bien le chemin. Au campement, les enfants bénéficient d’un espace délimité pour jouer. La délimitation est symbolisée par du ruban de chantier accroché à certains arbres. Une partie de la limite est aussi formalisée par un chemin public et un étang gelé à cette époque de l’année.

Un bâtiment est à disposition des enfants, comprenant des sanitaires une cuisine et une salle polyvalente aménagée très sommairement. Au milieu du campement se trouve un abri construit au-dessus d’un foyer permettant de faire du feu l’hiver.

L’aménagement extérieur consiste en deux balançoires créées à partir de sacs de chantier, un tipi fait de branches d’arbres et un espace avec du sable, de la terre et des objets de transvasements. Le terrain est vallonné et la végétation abondante aux endroits où les enfants ne jouent pas.

Arrivés aux espaces de jeux, les enfants vaquent à leurs occupations. Deux adultes préparent le repas, un autre coupe du bois avec un enfant pour préparer le feu.

D’autres enfants sont installés à une table extérieure à faire des jeux de transvasements, des pâtés de sable, à mélanger de la terre avec de l’eau ; en parallèle, les éducatrices préparent le repas. D’autres enfants sont à l’autre bout de l’espace, en haut d’un monticule.

Ils glissent, ils courent en dévalant la pente, puis un jeu s’organise autour de la réalisation d’un parcours fait de tranchées dans cette même pente. D’autres enfants encore grimpent aux arbres, montent sur les balançoires, jouent sous le tipi.

Le groupe est complètement éparpillé, parfois certains enfants sont isolés, en dehors du regard de l’adulte.

Un environnement qui facilite la découverte

C’est à partir de ce jour-là, que je me suis posée la question de l’influence de l’environnement sur l’activité de l’enfant. Par le terme environnement, j’entends l’ensemble des éléments qui entourent l’enfant, tels que la forêt, les bâtiments, les adultes…

J’ai pu observer que ce n’est pas l’adulte qui a adapté l’environnement aux enfants mais ce sont les enfants qui s’adaptent à leur environnement naturel et créent leur activité en fonction de là où ils sont avec les éléments qui sont à leur disposition.

Cet investissement est évolutif, car l’environnement se modifie en fonction des saisons, des températures, de la luminosité, du temps…

La découverte est sans cesse renouvelée et procure chaque fois des informations différentes aux enfants. Toucher l’herbe, les fleurs, la mousse, les arbres, pour les tout-petits, c’est découvrir des espaces sensoriels très riches et concrets. Marcher ou faire du quatre pattes sur différents types de sols leur apprend à chercher sans cesse de nouveaux équilibres et leur permet de se découvrir de nouvelles capacités.

L’enfant qui a un développement moteur harmonieux, avec de multiples possibilités pour se mouvoir, acquiert la confiance nécessaire pour partir à la découverte, à l’aventure. En allant vers le nouveau, l’inconnu, il expérimente toujours (langage, motricité), prend des risques

Pour cela il lui faut un environnement riche et varié qui correspond à ses besoins et des adultes « disponibles ». La somme d’informations reçue à travers la découverte est d'autant plus bénéfique qu’elle se réalise au rythme de chaque enfant, avec ce qu’il est à ce moment-là, dans sa disponibilité, ses émotions, ses envies…

Ces espaces sont très riches en termes d’éveil sensoriel et surtout naturels. Pas besoin de parcours sensorimoteurs ou d’images pour apprendre et découvrir différentes matières.

Malgré ce bilan plutôt positif quelque chose semble tout de même manquer. Je pense que j’aurais amélioré cet espace en y ajoutant des ponts de singe, des balançoires en bois, des cordes, des tyroliennes, des ballons, des jouets à rouler, à tirer… Pour autant, aucun enfant n'a l’air de s’ennuyer.

Les questions que cela soulève ? L’environnement naturel est il suffisant pour satisfaire le besoin de découverte de l’enfant ? Qu’est ce qui pousse à proposer plus d’activés, plus de possibilités de découvertes ? Comment aménager des espaces collectifs tenant compte des individualités et des besoins de chaque enfant ? Et la place de l’adulte dans tout cela ?

Les aménagements extérieurs construits uniquement par des adultes, telles les structures à grimper, les cabanes, dans un espace clôturé, limitent l’exploration et orientent l'activité de l’enfant.

Les normes imposées par la législation sont en partie responsables du peu de diversité des aménagements. Issues du tout sécuritaire, elles poussent parfois les adultes vers des interventions qui peuvent empêcher le jeu, frustrer les enfants et les entraîner parfois à braver les interdits.

Nous pouvons peut-être essayer d’imaginer :

  • Un espace sécure et adapté dans lequel l’enfant est autonome, dans lequel il apprend à respecter son environnement, à gagner la confiance de l’adulte.
  • Un environnement riche, accueillant, respectueux de la nature dans lequel l’humain s’adapte, au fil des saisons, à ce qui l’entoure.
  • Un espace conçu pour un groupe dans lequel chacun trouve sa place.

Deux concepts émergent de cette expérience : liberté et respect

Le respect de l’enfant, de l’adulte, de l'environnement, du milieu, du groupe, du matériel, sont autant d’éléments que doivent induire les espaces dans lesquels les enfants sont accueillis. Peut-être que ce n’est pas la « nature » seule qui induit des comportements spécifiques, mais également en partie la manière dont l’éducateur propose de la découvrir. Ce dernier doit-il intervenir auprès des enfants à chaque découverte ? Laisser le temps à l’observation ? Est-ce utile pour les moins de six ans ?

Respecter le rythme d’apprentissage des enfants, c’est leur laisser la possibilité d’observer tranquillement l’évolution du monde qui les entoure. Ils peuvent alors forger des savoirs concernant les éléments naturels sur lesquels l’humain n’a pas de maîtrise.

C’est en laissant cette liberté d’agir que l’on participera à une éducation environnementale respectueuse de la nature dès l'enfance.

Un sentiment de liberté s’impose à nous dans tous ces espaces naturels. Tout d’abord, l'immensité au regard de la taille de l'enfant, l’espace non délimité, une végétation abondante, permettent une multitude de déplacements, de mouvements et y compris la possibilité d’isolement. La forêt impose par sa grandeur et son silence, le calme et la quiétude, des espaces suffisamment grands et divers pour que chacun y trouve son compte, une découverte permanente pour les enfants qui se fait au fil des saisons.

Ce voyage d'étude m'a permis de prendre le temps d’observer et me réinterroger sur l'importance du dehors. J'ai pu rencontrer des enfants très autonomes, peu agités, pas de conflit ou très peu, peu d'enfants qui « errent », beaucoup de création et une place omniprésente laissée à l'imaginaire. Je compte intégrer une réflexion plus approfondie sur le vivre dehors dans les formations « aménagement de l'espace » et « activité » chez le jeune enfant.

Cette expérience devra être partagée avec les militants des Ceméa et au sein du lieu d'accueil enfants-parents que nous avons mis en place. Partager cette expérience avec les familles permettra au travers de nos observations d'approfondir notre action recherche.

Rappel sur l’intérêt de vivre et jouer dehors selon les études universitaires de Aarhus Être en extérieur, vivre dehors prévient de l’obésité, renforce le système immunitaire et diminue les risques infectieux.

Conséquences du vivre dehors : baisse de l’agressivité et du stress, plus de jeux et de mouvements physiques, motricité plus importante et grands mouvements, endurance, meilleure concentration, développement du langage plus rapide et meilleur, meilleure réflexion et plus d’esprit de découverte, plus de questions plus de choses à apprendre, plus d’autonomie.

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