Aujourd’hui, c’était les vacances, pourtant je n’ai presque pas pu consacrer de temps à mes enfants
Hiérarchisation
Une phrase étrange et emprunte de culpabilité, qui m’amena demander des précisons au parent qui venait de la prononcer. J’appris ainsi que ce qui était sous-entendu par le fait de consacrer du temps à ses enfants ne faisait référence qu’à des activités comme lire une histoire, jouer à un jeu de société, aller visiter un musée, voir un spectacle… Exit, tous les actes de la vie quotidienne : se lever, s’habiller, faire sa toilette, aller au marché, préparer le repas, manger… tous ces moments, qui relèvent du fait de « prendre soin » d’un enfant et contribuent à lui permettre de construire une représentation du monde et une autonomie de vie.
Ces temps éducatifs majeurs étaient relégués au second plan et n’entraient pas dans le schéma des activités d’importance. Aller au marché, accompagné d’un enfant est pourtant bien plus riche que jouer au loto des fruits et légumes à la maison. Parcourir les étalages, pour choisir des abricots, des courgettes ou des tomates, mêle aux représentations et à la construction d’un savoir lexical, des odeurs, des couleurs, des sons, de goûts et une perception des relations sociales.
Hiérachisation des activités
Mais étonnamment, ce parent ne considérait pas que le fait d’être allé au marché était du temps consacré à son enfant. De même, des activités comme les repas, l’habillement, la toilette… ne lui apparaissaient pas comme ayant une valeur pédagogique importante, alors que cet apprentissage de l’autonomie avec l’aide de l’adulte relève de moments éducatifs essentiels. Qu’un adulte ait le sentiment de ne pas avoir consacré de temps à ses enfants, alors que cela n’a pas du tout été le cas, interroge.
Cette hiérarchisation des activités et de leur représentation nous renvoie sans doute à notre histoire et à une construction sociale qui a imprégné l’inconscient collectif, avec des statuts inégalitaires selon son sexe et sa condition. Ce qui relevait de la vie quotidienne et de l’éducation des enfants à une autonomie domestique était quasi exclusivement dispensé par les femmes. Le reste des apprentissages et des connaissances relevant d’un autre statut social, souvent masculin. Mais cela nous renvoie également à une hiérarchisation des tâches et des métiers. Les rapports ne se traduisant pas par une logique de complémentarité, mais de subordination sociale et salariale. La société évolue et remet progressivement en cause ces schémas de fonctionnement. On ne peut que s’en réjouir. Mais c’est une évolution lente et progressive, qui nécessite de repenser les non-dits et les représentations.
Accompagner des enfants dans leur quotidien, un temps essentiel d’éducation à leur consacrer.