LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Construire une flèche faitière kanak

La flèche faîtière, à la signification culturelle profonde, est une sculpture liée au sommet des cases traditionnelles.
Média secondaire

Lors du dernier congrès des Ceméa, la délégation de  la Nouvelle Calédonie a proposé de partager une activité, liée à la culture Kanak, Florenda confie que « la flèche faîtière est une sculpture liée au sommet de leurs cases et dans la région Hoot Ma Waap, ça représente un homme debout dans son espace ». La flèche a été retraduit en outil pédagogique, inscrit dans l’Education nouvelle, qui sert deux objectifs principaux : pour celui qui n’a jamais fait le bonjour, quand il arrive pour la première fois dans une maison, le discours qu’il va produire sur sa flèche peut être considéré comme un discours de bonjour ; se mettre debout devant une assemblée et parler de soi. Cette activité de réalisation d’une flèche faîtière s’inscrit dans inscrit dans une démarche porteuse d’un enjeu culturel et d’éducation important. Cette activité pour les Ceméa de Nouvelle Calédonie, Pwärä Warö est une expérimentation qui dure depuis 4 ans. L’objectif étant d’arriver à 1000 flèches. Le groupe Pwärä Warö a pu ramener 980 flèches réalisées par différents publics de 5 à 83 ans.

" Mon savoir sur la sculpture vient du peu qu’il reste sur le terrain, de ce que j’ai appris à l’école de Doo Huny au centre culturel provincial GOA ma BWARHAT à Hienghène et des lectures que j’ai faites sur le sujet. De ma génération, peu de sculpteurs ont appris des anciens qui avaient eux-mêmes appris d’autres anciens... Dans la pratique, beaucoup sont autodidactes et commencent avec un ciseau plat de menuisier… Beaucoup d’outils sont maintenant accessibles et n’importe qui peut s’en procurer. Cela ouvre le champ d’expression chez ceux qui sont doués." Jean Philippe Tjibaou

Les notions que j’ai apprises pour la réalisation de la flèche faîtière sont simples et sont celles pour l’aire HOOT ma WHAAP (Province Nord). La flèche est une représentation de l’homme qui occupe la case du haut de l’allée centrale de la chefferie. Elle fait partie des parures honorant la personnalité de cet homme avec les autres sculptures et symboles magnifiant sa maison. La flèche est le point où les hommes terminent la sculpture de l’espace de la chefferie, après y avoir fait du remblais, planté des arbres et de la pelouse, implanté des constructions et des symboles… L’espace est conçu de telle façon que, lorsque le visiteur arrive au bas de l’allée centrale, la flèche soit pour lui un point d’équilibre d’une image globale cohérente de la chefferie. Dans l’image créée, la sculpture est au sommet de la case, au milieu de l’allée de sapins, avec un fond constitué du ciel ou d’une élévation vers un sommet. La flèche représente donc un homme debout dans son espace, face à la porte où se présente le visiteur.

Les règles techniques de bases pour réaliser une flèche sont trois ronds empilés.

  • Le premier rond à la base de la flèche représente la poitrine. Dans la procédure entre gens du Nord, les hommes se présentent debout pour se parler. L’échange verbal ou physique se passe dans un ordre défini suivant l’occasion. Le groupe qui écoute présente sa poitrine comme cible à l’envoi de celui qui parle. La réponse s’effectue dans les positions inversées.
  • Le second rond c’est le visage. Les sens mis en avant sont l’odorat, l’ouïe et la vue… La bouche, la parole est l’outil de communication par excellence, pour répondre à ce que l’on sent, ce que l’on voit, ce que l’on écoute. On énonce son nom, sa lignée…
  • Le troisième rond est la nuque. Symboliquement, c’est le siège de ce que l’on appelle en français « un diable ». Cette partie de la personnalité est considérée comme mauvaise parce qu’elle est incapable de tenir sa langue, de porter un masque. Elle empêche l’homme d’être hypocrite. Mais elle est placée derrière la tête… Sur la flèche, cette partie est donc développée (dépliée) vers le haut, pour faire face au visiteur et lui indiquer ainsi les règles à suivre pour ne pas être en danger, ou mettre en danger l’espace qui l’accueille.

Dans la lecture, on part du bas vers le haut comme l’arbre qui pousse.

  1. Dans le premier rond :
    J’exprime ce que je suis fier d’avoir réalisé dans ma vie par un dessin, un mot, une phrase ou un paragraphe, un motif…
  2. Dans le deuxième rond :
    J’exprime le nom que je porte et d’où il vient, d’où vient le nom de ma mère par un dessin, un mot, une phrase, un motif….
    J’exprime si j’ai une faiblesse physique en ne dessinant pas un œil, une oreille, la bouche (si j’ai du mal à m’exprimer)
  3. Dans le troisième rond :
    J’exprime une règle de conduite par un dessin, un mot, une phrase, un motif… qui va m’aider durant ma formation à venir, mon chemin à parcourir.

Je gère mon temps. J’ai une heure pour décorer et personnaliser ma flèche au maximum. C’est celle là que j’ai affûtée pour être à ma place aujourd’hui. Je la présente devant le groupe en partant du bas vers le haut de la flèche.

Je commence ma présentation par : «  Bonjour à tous ! Ce dont je suis fier (fière !) aujourd’hui c’est … ». Je termine ma présentation par mon Nom et mon aire d’origine, et « Merci de m’avoir écouté. »

JEAN PHILIPPE TJIBAOU, Président de l’Association Territoriale de la Nouvelle Calédonie