LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

L'éducation des enfants à l'école, comme à la maison

La question de l'éducation et de la transmission des savoirs ne devrait pas être réduite à un canal pour chaque mission. L'école, autant que la maison ou même Internet peuvent tous éduquer et apprendre, dans une ère où les sources et les ressources se multiplient.
Média secondaire

Tous les adultes jouent un rôle dans l'éducation des enfants

« Le rôle de l’école, c’est d’apprendre. L’éducation, c’est à la maison! », une phrase de ce type, prononcée en salle des profs, n’invite pas vraiment au dialogue... Elle s’affirme comme une vérité, comme la seule voie d’un retour à la "bonne manière de faire". Souvent, les arguments manquent pour y répondre et on laisse dire... Cette sentence traduit une vision dichotomique du développement de l’enfant où l’école devrait être le lieu privilégié de transmission des savoirs et où la famille serait responsable de l’éducation. Les Ceméa affirment que l’éducation est de tous les instants, que l’enfant apprend tant en classe qu’en famille, qu’au club de sport ou que devant son téléviseur... De plus, à l’heure du Net, l’enfant est confronté a bien plus de savoirs dans ses temps non scolaires qu’à l’école. Tout moment peut donc être générateur d’apprentissages. Et si l’école n’est pas la seule source de «savoirs », pourquoi s’interdirait-elle d’être également source d’éducation ?

Les partisan·es d’une école prioritairement transmetteuse de savoirs invoquent souvent la "culture générale" à inculquer aux élèves. Mais est-ce vraiment les "leçons de choses" qui permettent de la développer ? N’y a-t-il pas plutôt un sens de la curiosité, un intérêt pour l’inconnu, un soutien à la démarche de recherche de chaque enfant à aiguiser et à accompagner ? 

Si vous avez répondu positivement à cette dernière question, vous croyez au rôle éducatif de l’école. En effet, il ne s’agit pas de « déverser » du savoir dans les cerveaux des enfants, mais bien de les outiller pour leur permettre de répondre à leur soif d’apprendre. Chaque adulte joue un rôle auprès de l’enfant (parent, enseignant·e, éducateur·trice, accueillant·e, grand-parent. . .). Il l’instruit et l’éduque en même temps.

Si l’école accepte son devoir éducatif, elle pourra également être un véritable lieu d’émancipation individuelle et collective.

La mission éducative de l'école

L’école doit donc réfléchir aux moyens pour garantir que chacun·e puisse bénéficier, en son sein, d’une instruction et d’une éducation. Son rôle est de considérer chaque enfant dans sa globalité comme un être en devenir, tant au niveau de ses savoirs qu’au niveau de son éducation, de ses émotions, de sa personnalité... Il est grand temps que l’école arrête de se réfugier dans la seule instruction en rejetant les questions d'éducation sur les familles, surtout celles considérées « en manque ou en mal » d’éducation ! L’école, en tant qu’institution, est le lieu privilégié pour proposer et faire vivre collectivement des manières de faire, de penser, d’agir avec soi-même et avec les autres. En acceptant sa mission éducative, l’école pourra enfin mettre en place des fonctionnements, des organisations, des façons de penser qui amèneront les enfants à une autre forme de relation à soi, à l’autre, au groupe dans une vision plus juste de la société.

À l’heure des consommations individualisées comme les plateformes de vidéos ou la console de jeux, l’école demeure le principal espace de socialisation de l’enfant à l’échelle du temps qu’il y passe. Laisser l’éducation exclusivement à la famille revient à restreindre l’école dans sa mission d’instruction plutôt que de s’enquérir de la vie en société des individus. Si l’école admet son devoir éducatif, elle pourra offrir à chaque enfant une vraie place en partant de sa personnalité, tel qu’il débarque dans la classe, le considérant comme une personne digne d’intérêt, d’attention et de soins quelles que soient son origine, sa culture, son identité... son éducation.
Si l’école accepte son devoir éducatif, elle pourra également être un véritable lieu d’émancipation individuelle et collective. En effet, déclarer que l’école ne peut avoir un but éducatif (ou alors tout à fait secondaire) équivaut à énoncer qu’elle doit continuer a mettre au tableau d’honneur celles et ceux qui, par leur naissance, ont déjà les bases d’une culture générale, d’une culture scolaire. C’est s’obstiner à reléguer les autres, qui n’en possèdent pas les codes. . . Bref, continuer à faire en sorte que l’institution scolaire reste un formidable outil de reproduction sociale...3

« Éduquer quelqu’un, c’est lui apprendre à penser par lui-même et à n’effectuer que les actes qu’il aura librement décider. » Philippe Meirieu4

Education à l'école : pistes pour la classe

  • Oser prendre le temps de l’éducation : résoudre un conflit dans le groupe, organiser son travail, concevoir des projets collectifs, vivre des expériences communes riches... Ce ne sont pas des temps perdus, mais bien des moments indispensables pour garantir un apprentissage riche à long terme.
  •  Organiser un conseil de classe pour que le vécu du groupe, ses relations comme ses projets, soient pris en compte par l’enseignant·e.
  •  Réaffirmer le partenariat avec les parents au point de vue de l’éducation, en arrêtant de dire que c’est la responsabilité de l’autre. Et construire une relation éducative où tou·tes les adultes qui entourent l’enfant font leur part de son éducation. Pour cela, il est intéressant de nouer des liens avec les parents : aller à leur rencontre dans des moments où on est disponible pour discuter avec elles-eux, leur proposer de participer selon leurs capacités ou envies à la vie de la classe, de l’école, leur expliquer le fonctionnement
    de la classe...
  • Entrainer la classe à la vie démocratique de groupe, qui prépare à une vie en société. Arrêter de préparer l’élève à être un « winner » qui écrase la concurrence, mais lui apprendre à faire profiter la collectivité de ses talents, de ses compétences. Pour cela, il est important d’encourager chacun-e à être au service de la collectivité, pour réussir à progresser ensemble plutôt que gagner seul·e.

Education à l'école : pistes pour l'école

  • Réagir à cette phrase en équipe, ne pas la laisser sans réponse lorsqu’elle est dite par un·e collègue, la direction, un·e accueillant·e, un parent. L’école doit avoir des ambitions éducatives si elle s’affirme comme un lieu éducatif. Il est donc nécessaire qu’elle ne laisse pas dire le contraire pour affirmer qu’elle n’est pas la seule à avoir ce rôle.
  •  Développer les pratiques démocratiques, pour les enfants, au sein des classes, dans des conseils d’école, dans la mise en place de délégations d’élèves. Sans oublier une organisation démocratique de l’équipe éducative et ce, pour tou·tes les membres de l’équipe qui travaillent auprès des enfants. C’est primordial que l’équipe éducative puisse fonctionner de cette manière si l’on veut que les adultes soient à l’écoute des besoins, des demandes, des propositions des élèves.
  •  Organiser le décloisonnement progressif des classes d’âges. Notre société n’est pas séparée selon les âges. Par exemple, dans le monde du travail, le tutorat des plus ancien·nes est valorisé. L’école doit permettre aux élèves de croiser et côtoyer des écoliers-ères de différents âges.
  • Accorder du temps à la parole de l’enfant sur son vécu en dehors de l’école. Donner du temps pour le dialogue, pour que la vie scolaire de l’enfant ne soit pas un temps artificiel ignorant une partie de sa vie réelle. Il est aussi important de pouvoir s’entrainer à confronter des avis en respectant celui de l’autre.

Education à l'école : pistes pour l'institution scolaire, pour la société

  • Garantir une relation bienveillante envers les parents, qu’elles-ils soient ou non en difficulté dans l’éducation de leur enfant. Leur permettre de comprendre la culture scolaire, donner les clés de l’école à tous et toutes, faire preuve de pédagogie et d’empathie, aussi dans l’accueil de leurs incompréhensions.
  • Affirmer que l’école œuvre à l’éducation autant qu'à l’instruction, c’est se positionner en partenaire des familles autour des enfants.
  • Penser le système scolaire avec les deux premiers points, c’est aussi s’assurer d’autres rythmes, repenser le temps scolaire, pour donner de la place au théâtre, aux arts, aux sports, aux travaux manuels, aux intelligences multiples et ne pas rester cantonné-e aux seuls apprentissages scolaires certifiables. L’école, si elle a un rôle éducatif, doit former des individus complets, pas uniquement des spécialistes de leur domaine.
  • Repenser la formation initiale des enseignant·es, trop centrée sur les matières à transmettre. Pour faire des futur·es enseignant·es de « bon·nes » éducateur·trices, il est primordial de les amener à être surtout des praticien·nes réflexif·ves de l’éducation.
  • Bannir de l’école tout objectif de « rentabilisation capitaliste » tel que la société actuelle nous l’impose. Le système doit préparer l’élève à la vie dans une société en évolution dans laquelle il peut agir pour la transformer, pas à l’employabilité et à la conformité à l’existant.

3 Au fait, connaissez-vous une catégorie sociale qui réussit à l’école en surclassant même les plus nanti·es? Les enfants d’enseignant·es !
4 Philippe Meirieu, Apprendre... Oui, mais comment, ESF, 2017.

Et si l’école…22 chroniques pour changer l’éducation

Cet article est issu de l'ouvrage Et si l’école…22 chroniques pour changer l’éducation publié par les Ceméa Belgique en 2020 

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