Goûter ou ne pas goûter

Jusque dans les règlements intérieurs des lieux de restaurations collectives apparaît cette maxime étrange : "Il faut goûter à tout ! Jusqu'à dégoûter de tout ? ou tous ?"
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"Tu en prends un tout petit peu pour goûter..." Ce compromis est très souvent proposé par les adultes, face au refus d'un enfant de manger un plat. Cette situation, qui se veut consensuelle, paraît assez satisfaisante intellectuellement. L'enfant est peut-être rebuté par quelque chose qu'il ne connaît pas. On ne peut pas dire que l'on n'aime pas si l'on n'a pas goûté. II y a une nécessité d'équilibre alimentaire. II faut manger de tout. Ces grands principes sont donc préservés par la phrase rituelle : "II faut goûter..." Et la mission de l'Educateur a été accomplie.
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Pourtant ces belles évidences ne sont peut-être pas toujours aussi simples qu'elles pourraient le laisser paraître. "Comment peux-tu dire que tu n'aimes pas puisque tu n'y as pas goûté?" Oui, mais... L'enfant y a goûté régulièrement, puisque chaque fois on lui fait le coup du : "II faut gouter".

« Ce n'est pas parce que tu as déjà goûté ailleurs, que ce sera la même chose. Ici, c'est cuisiné différemment.» Oui, mais, il a déjà goûté le même plat, ici, la semaine dernière. « C'est important pour la santé de manger de tout.»

Est-ce que réellement, le fait de manger deux haricots (voire même parfois un demi-haricot, dans les cas de négociation intense) change quelque chose à la notion d'équilibre? Mais l'adulte s'accroche à ses certitudes. « II faut goûter! Au moins une bouchée!»,
quitte à nier l'évidence, quitte à ne pas tenir compte des enfants, quitte à en arriver à des conflits. Ne serait-ce pas plutôt une volonté d'avoir le dernier mot ? Cette attitude stigmatise les situations, amène des blocages qui peuvent dégénérer et pousser à des paradoxes ou des situations absurdes. Amener parfois à l'autoritarisme, en retenant un enfant à table jusqu'à ce qu'il ait goûté.

Cemea

Mais également et par opposition, conduire au déni pédagogique pour protéger l'enfant, en « faisant semblant », pour faire croire qu'il a mangé. Ces grands ou petits psychodrames autour de la brandade, de la tranche de rôti ou de la rondelle de carotte me semblent traduire plus souvent des enjeux de pouvoir qu'une simple notion d'équilibre alimentaire.

Je pense que les questions soulevées par « J'en veux pas, j'ai pas faim, j'aime pas ça...», sont souvent complexes et trop vastes pour qu'elles puissent trouver des réponses dans une stratégie toute faite. Johan mange de tout, en général avec plaisir, mais décidément les haricots ne passent pas. Jason, lui, dénigre tout ce qui n'est pas féculent ou steak haché. Sabrina, quant à elle... C'est seulement en créant une convivialité et une
écoute, que ces situations pourront être décodées pour tenter d'y apporter des solutions de bon sens, adaptées à chaque enfant.