Du temps d'écran à encadrer

Penser la place du smartphone chez les plus jeunes, c’est d’abord interroger les notions d’accessibilité et d’exposition aux écrans dans une société qui les a fortement démocratisés.
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L’accessibilité et l’usage des écrans dans notre société se sont fortement démocratisés. Chez les plus jeunes, ils posent la question du temps d’exposition aux écrans.
Média secondaire

Si un courant alarmiste considère que les jeux vidéo accentuent et/ou provoquent des comportements violents, que la télévision rend bête ou encore que les réseaux sociaux rendent vulnérables, le fait est que la communauté scientifique peine à se mettre d’accord sur la réelle influence néfaste des écrans. Toutefois, comme tout usage excessif, le temps d’exposition aux écrans doit être un sujet pris à cœur par les parents et les acteurs éducatifs qui encadrent et accompagnent l’enfant dans l’univers numérique qui s’offre à lui.

Quelques chiffres

Les 13-19 ans passaient en moyenne 15h11 par semaine sur Internet. Les plus jeunes sont également concernés puisque les 7-12 ans passent en moyenne 6h10 sur le Web par et les 1-6 ans 4h37. (Source : Ipsos Junior’s connect 2017).

90% des 12-17 ans déclarent posséder un téléphone mobile. L’écart est cependant sensible entre les 12-14 ans (81% d’équipement) et les 15-17 ans (99%). (Source : Baromètre du numérique, ARCEP, 2018)
 

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Un manque d’informations

La grande majorité des parents et des professionnels ne sont pas sensibilisés à l’importance d’encadrer le temps d’écran. La télévision étant déjà centrale dans la majorité des foyers et ce depuis longtemps, il est instinctif de placer l’enfant tôt devant l’écran

Après tout, si le programme est adapté à sa tranche d’âge, c’est qu’il est là pour être consommé. Sur l’écran le plus utilisé, le smartphone, des jeux sont proposés pour le plus jeune âge et des chaînes dédiées Youtube et Twitch les complètent. Difficile dans ces conditions de ne pas cultiver l’idée que si le contenu est réfléchi pour l’enfant, c’est qu’il est bon pour lui.

Il y a-t-il /quels sont les risques ?

Des mécaniques addictives ont été repérées dans le rapport à l’écran, sans qu’elles soient considérées comme une addiction à proprement parler.

Sans chercher à prouver un lien direct de l’écran sur l’enfant, comme un effet « abrutissant » dont on entend souvent parler, il semble juste d’affirmer que les temps d’exposition à l’écran en dessous de 2-3 ans – là aussi, il y a souvent désaccord – privent le tout-petit d’un tas de jeux, de manipulations, observations… primordiaux à son développement cognitif. La surexposition aux écrans peut également affecter les capacités de concentration, la sécurité affective, la santé ou encore le comportement d’un enfant. Mais cela n’enlève rien à la possibilité d’accéder aux écrans, de manière progressive et encadrée.
 

Des repères pour encadrer

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) émet plusieurs recommandations fondées sur des constats scientifiques. Parmi elles : proscrire les écrans en dessous de l’âge de 3 ans sans interaction parentale, ne pas laisser l’enfant devant un écran une heure avant l’endormissement, limiter le temps d’utilisation pour consacrer du temps aux autres activités, être capable de repérer les signes d’alerte. Le soutien à la « parentalité » et la formation des adultes doit intégrer la question des écrans. D’autres entités vont plus loin dans les recommandations en préconisant des temps « repères » en fonction des tranches d’âge. C’est notamment le cas de l’Unaf du Cose ou encore de l’Afpa (Association française de pédiatrie).

On peut aussi évoquer le psychiatre Serge Tisseron et sa « règle du 3-6-9-12 » : « Avant 3 ans : Jouons, parlons, arrêtons la télé. De 3 à 6 ans : limitons les écrans, partageons-les, parlons en famille. De 6 à 9 ans : créons avec les écrans, expliquons-lui internet. De 9 à 12 ans : apprenons-lui à se protéger et à protéger ses échanges. Après 12 ans : restons disponibles. » (en savoir plus)

La psychologue-clinicienne Sabine Duflo évoque pour sa part des principes visant davantage à délimiter les temps et les espaces de consommation de l’écran. C’est ce qu’elle a nommé « la règle des 4 pas » : pas d’écrans le matin, pas d’écrans durant les repas, pas d’écrans avant de s’endormir, pas d’écrans dans la chambre de l’enfant. (en savoir plus). 

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Seulement une question de durée ?

En plus de la question du temps, se pose celle du cadre. A commencer par une question centrale quand il s’agit de pédagogie : à qui s’applique la règle ? Une étude Elabe de 2019 affirme :

« Les parents, convaincus de l’impact du temps passé devant les écrans sur la santé physique et mentale de leurs enfants – 87%, dont 56% en sont certains – sont 77% à déclarer faire attention à leurs comportements en présence de leurs enfants, notamment lorsqu’ils sont jeune s– moins de 6 ans. Si la plupart des parents estiment plutôt donner le bon exemple, leurs pratiques diffèrent pourtant bien peu de celles des adultes sans enfant. Comme les non parents, il leur arrive de consulter un écran pendant un repas en famille – 20%, pour 19% des non parents – alors que 66% jugent la pratique inacceptable […] »

L’accompagnement doit impérativement passer par l’interaction entre l’enfant et l’adulte, car c’est là que ce dernier aura le loisir d’expliquer, resituer et évaluer l’expérience en se rendant disponible. Au milieu de toutes ces recommandations et ces avertissements, difficile de savoir quel cadre précis mettre en application. La Société canadienne de pédiatrie souligne comme bienfaits : « les émissions […] diffusées ou en ligne qui sont adaptées […] peuvent être des expériences d’écran immersives et informatives ; les médias sur écran peuvent améliorer la performance scolaire des enfants, enrichir leurs connaissances […] les jeux vidéo […] peuvent occuper la même fonction que les jeux traditionnels et contribuer au développement de l’identité, de la cognition et de la socialisation […] ».  (en savoir plus)

La règle éprouve ses limites dans la vie quotidienne, en structure comme à la maison, et doit être davantage un repère qu’une doctrine. Un contenu choisi par le parent ou l’encadrant, adapté à l’âge de l’enfant et jugé comme pertinent sera-t-il forcément néfaste s’il dure 35 minutes plutôt que 30 pour un mineur de 3 ans ? Evidemment non, il nous appartiendra de juger si un temps d’écran est pertinent en fonction de son contenu, de le recontextualiser avec son usage quotidien, de permettre au jeune qui joue de « déborder » un jour s’il a été raisonnable le reste de la semaine, à l’enfant qui regarde un film de le finir si cela est possible.


Pour mémoire

  • le temps doit être limité mais surtout progressif en fonction de l’âge 
  • le contenu doit être adapté à l’âge de l’enfant et contrôlé 
  • le parent ou l’accompagnant doit être disponible et créer l’interaction autour du contenu consommé 
  • les moments de la journée et les espaces doivent être balisés pour s’exposer aux écrans 
  • les parents et les encadrants doivent réguler leur propre usage des écrans