Autorité(s) en éducation, une notion souvent malmenée

Disons les choses d’emblée : l’autorité ne doit pas être confondue avec la violence et l’usage du pouvoir pour dominer.
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Média secondaire

Dès le 19 e siècle, l’Éducation nouvelle s’est écartée des logiques coercitives, contraignantes et humiliantes, entraînant obéissance par soumission (autoritarisme), ou révolte (délégitimation de l’autorité). Marie-Laure Viaud, maîtresse de conférences en Sciences de l’éducation, synthétise trois logiques majeures*. 

Dès la fin du 19e siècle, celle d’une autorité plus douce, qui se traduit sans exhaustivité par un cadre considérant davantage les besoins des personnes, des liens plus approfondis entre les éducateur·rices et les éduqué·es et l’abandon des punitions visant à soumettre. 

Une deuxième logique est expérimentée à partir de 1919 : celle d’un modèle non-directif, où l’autorité ne se base plus sur la garantie du cadre par les adultes, mais par des fonctionnements démocratiques dans lesquels les enfants ont la même capacité de décider que les adultes. Bien qu’il soit très marginal de nos jours, ce modèle reste en grande partie responsable de l’imaginaire autour du laisser-faire dans les espaces d’Éducation nouvelle. 

Différentes formes d'autorité coexistent 

Enfin, dans la deuxième moitié du 20 e siècle, l’idée a été plutôt d’envisager une autre conception de l’autorité, passant par la pédagogie institutionnelle. L’idée est de structurer le groupe en établissant collectivement des règles de vie précises et souvent revues, ou d’utiliser le groupe pour élaborer et mettre en œuvre des médiations. Contrairement à la logique de l’autorité douce, la pédagogie institutionnelle accorde un pouvoir à toutes les personnes du groupe. Et contrairement à la logique non-directive, une différence de statut est affirmée entre les éduqué·es et l’éducateur·rice, qui reste garant·e du cadre.

Réfléchir à exclure ou non l’autorité des situations éducatives est un faux problème, puisque le savoir produit nécessairement des manifestations d’autorité fondées sur l’expérience (capacités et connaissances). Ce type d’autorité se manifestent extrêmement fréquemment dans toutes les sphères de la vie (familiale, amicale, scolaire...) et dès lors qu’il y a collectif, quel que soit son âge ou sa position. Différentes formes d’autorité coexistent, et renvoient les unes aux autres. 

Les punitions ne changeront jamais la brutalité en douceur ni la paresse en activité. Elles donneront aux enfants le sentiment de leur faiblesse devant notre puissance, qui se traduira par une résignation ou une révolte aussi dangereuses l'une que l’autre.

Gisèle de Failly

À l’autorité fondée sur l’expérience s’ajoute celle fondée sur le statut en lien avec les fonctions et les responsabilités. Ou encore l’autorité basée sur la qualité de la relation et les ententes informelles qui permet d’accroître la confiance mutuelle, le sentiment d’empathie, la profondeur des liens interindividuels. L’autorité en Éducation nouvelle n’est pas pensée comme un combat entre les personnes qui la détiendraient et celles qui la subiraient. Ainsi, corollairement à un cadre mouvant s’adaptant aux situations et aux besoins de chacun·e, des éducateurs et éducatrices tentent d’allier compétences et relation pour faire vivre une autorité juste. Cela permet par ailleurs d’accroître leur autorité de statut. Cela n’exclut pas la dissymétrie, car ces formes d’autorité constituent des moyens d’influencer ; mais contrairement à l’autoritarisme, elles ne visent pas à dominer. 

* La question de l'autorité au fil de l’éducation nouvelle dans Prévenir les violences à l'école, PUF, 2012