Pour une culture vivante au quotidien

Parti pris : désacraliser la culture avec un grand "C" pour favoriser les expériences artistiques et culturelles.
Pendant le confinement, des voix se levaient pour clamer : « La culture est essentielle ». Quand les spectacles, les programmations de films, les concerts, les expos ont pu reprendre, les lieux ont constaté un retour frileux, voire une désertion du public. Est-ce à dire que notre société traverse une crise de fréquentation des lieux culturels ? Ce qui a manqué pendant le confinement n’était-il pas d’abord de pouvoir se retrouver, partager des moments communs, se parler ?
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Culture(s) collective(s)

Aujourd’hui, on observe l’essor d’espaces de rencontres, de lieux où se vivent des expériences sociales, souvent participatives et où les pratiques artistiques, dans un contexte de convivialité, sont un vecteur privilégié d’expériences collectives.
Photo - La Poudrerie

Cette approche des expériences culturelles et artistiques participe à la construction de l’estime de soi, à l’ouverture aux autres, et à l’émancipation des personnes. Grâce à l’engagement d’artistes, d’équipes enseignantes et d’animation, dans les écoles, les prisons, les quartiers populaires, les Ehpad, les IME se vivent des expériences fondatrices, transformatrices parfois.

L'art au service de toutes et tous

De plus en plus de structures culturelles travaillent avec ces publics dans une logique d’inclusion et d’égale dignité des personnes. Pourquoi, alors, persiste-t-il une défiance vis-à-vis des bienfaits de l’expérience artistique auprès de nombreux éducateurs ?

Une réponse viendrait peut-être de la représentation intimidante que l’on se fait d’un pouvoir « bienfaiteur » de la Culture avec un grand « C », et de la place prédominante des artistes vus comme les seules personnes habilitées à donner vie à ces expériences. Il ne faudrait donner accès qu’à des expériences considérées a priori comme à « haute valeur ajoutée ».

Pour reprendre l’idée de Christian Ruby, dans son article « La fable désastreuse de la santé culturelle », la bonne santé culturelle serait « spécifiquement appliquée à l’exécution d’une distinction interne à la population, sur une partie de laquelle elle incite à entreprendre des actions culturelles différenciées. Cette distinction repose sur l’appréciation de la bonne et de la mauvaise santé culturelle des individus. » Il souligne donc une hiérarchie, un rapport surplombant qui favorise une distinction entre les cultures.

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Question de valeurs

En témoigne l’expression des pouvoirs publics avec le décret relatif aux attributions du ministère de la culture où l’objectif est formulé en ces termes : « rendre accessible au plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité et d’abord de la France ».

Photo - Liu Bolin

Cette conception fait débat et potentiellement écran à l’appréciation des vertus de l’expérience culturelle et artistique. Le rapport à la création artistique, sans parler des grandes œuvres, est un sujet des plus clivants, puisqu’il attribue une « valeur » aux pratiques culturelles. Les volontés de subvertir ce rapport ne datent pas d’aujourd’hui. Comment permettre à des personnes de s’approprier des œuvres dont une classe sociale semble détentrice et dont on se sent éloigné ? Comment autoriser les apports culturels de toute personne, quelle que soient son origine et son appartenance sociale ? Comment la création artistique peut-elle devenir une pratique ordinaire qui fait tout simplement partie de la vie ?