La plupart de ce que nous avons collectivement mis en œuvre dans les écoles ne fonctionne pas. Les élèves fragiles tendent à se décourager, les meilleurs progressent mais sans réel plaisir, les performances scolaires générales ne s’améliorent pas et, pire, les enseignants se dégoutent de tous ces efforts vains et de l’énergie gaspillée à gérer l’hétérogénéité de leurs élèves.
Travailler en groupe à l’école
Laurent Bernardi plaide dans Vers l’Éducation Nouvelle pour des groupes créés à des moments précis d’un apprentissage, limités dans le temps et s’inscrivant dans des pratiques coopératives ou de tutorat pour éviter toute stigmatisation. Il est d'usage de répartir l'effectif global des élèves d'un établissement en groupes classes, ces groupes classes peuvent être encore divisés de manière institutionnelle ou par les enseignant·es en différentes formes de groupes plus petits, au-delà de leur intérêt pédagogique la façon dont il sont composés peut avoir des effets de long terme opérant une forme de différenciation sociale par tris successifs.
La différenciation pédagogique peut prendre un tout autre chemin, Sylvain Connac, livre dans un entretien au Café pédagogique sa réflexion sur cette question en proposant des approches qui équilibrent trois modes d’organisation du travail des élèves : des temps collectifs, sans prise en compte des différences individuelles permettant une cohésion et une dynamique commune, des temps individuels où les élèves disposent de consignes pour progresser et des situations de coopération pour développer la motivation et l’entraide. Il relate que des expériences de personnalisation des apprentissages fonctionnent quand elles arrivent à équilibrer les modalités d’organisation et déplore que les personnels ne soient pas assez formés en la matière.
Sylvain Connac
Chercheur en sciences de l’éducation et de la formation
Extrait de l'entretien avec Lilia Ben Hamouda
Dans le Café pédagogique du 4 juillet 2024
De l'enseignement mutuel du XIXème siècle à l'enseignement simultané
Aujourd'hui les différents modes d'organisation du travail des élèves s'intègrent dans la forme scolaire la plus répandue issue de la "méthode simultanée", Philippe Meirieu en répondant aux questions de Canotech revient sur l’histoire des différentes formes scolaires, il présente l’apport des pédagogies actives et rappelle que la classe de 20 à 30 élèves ayant le même âge, à peu près le même niveau et faisant la même chose en même temps est une forme scolaire apparue à la fin du XIXème siècle qui n’est pas du tout vouée à l’éternité. Ce qui avance de nos jours, dit-il c’est que « beaucoup d’enseignants s’interrogent sur la possibilité d’adapter cette forme pour mettre l’élève au travail et pour organiser le travail en classe de telle façon à ce que chacun puisse s’y investir ».
De nombreuses initiatives adaptent la forme traditionnelle, l'atelier Canopé de Laval en dresse un inventaire : la classe inversée, la classe mutuelle, la classe accompagnée, la classe flexible, la classe coopérative, la pédagogie de projet, la classe dehors.
Vous avez dit « pédagogies actives » ?
La notion de pédagogie active est très ancienne, comme l’illustre la manière qu’a Socrate d’interroger l’enfant, ou encore la mise en situation de l’élève par Rousseau. Les psychologues comme Piaget ont considérablement contribué au développement de cette notion en insistant sur l’engagement de l’élève dans les apprentissages.
Une interview de Philippe Meirieu sur Canotech
Créer des routines coopératives
Le travail de groupe est l'occasion de développer la motivation, l'intérêt et la coopération entre pairs. Céline Buchs présente dans Le passeur l’importance de structurer le travail en groupe pour susciter l’engagement des élèves. Elle met en avant les paramètres qui vont influencer la participation des élèves : la personnalité, le niveau scolaire, les compétences dans une matière, mais aussi l’appartenance à un groupe social. Les relations au sein du groupe, et particulièrement le statut de chacun·e parmi ses pairs, va déterminer sa façon de participer avec des phénomènes d'exclusion, de participation discrète, de co-construction active, ou de domination.
Pour être efficace l’organisation du travail en groupe doit chercher à rendre chaque contribution d’élève nécessaire et complémentaire. Par exemple, une structuration en petites équipes de 2 à 4 élèves permettra à l’enseignant·e de proposer des consignes qui poussent à l’interdépendance et à la responsabilité de chaque participant·e. Ces mini-structures coopératives permettent d’alterner différentes modalités d’organisation dans lesquelles les interactions entre élèves sont favorisées.
Le Passeur, lettre du conseil scientifique de l'éducation nationale
LE TRAVAIL EN GROUPE : POURQUOI EST-CE IMPORTANT DE LE STRUCTURER ET COMMENT S’Y PRENDRE ?
Télécharger le PDFLe travail de groupe n’est pas un dispositif magique, il nécessite beaucoup d’essais et d’ajustements dans l’organisation du temps, l’élaboration des consignes et des supports pédagogiques adaptés, dans l’organisation matérielle des espaces que ce soit dans la classe elle-même ou dans l'établissement.
En poursuivant ce fil rouge de l'organisation des groupes, des temps et des espaces on peut aussi venir à croiser la question de l’architecture scolaire qui est plus souvent subie que conçue par celles et ceux à qui elle est destinée. La forme scolaire est induite ou tout au moins doit prendre en compte les contraintes liées à la conception des bâtiments, contraintes dont certain·es enseignant·es s'extraient en allant au dehors.
L'architecture scolaire
En librairie : "Coopération et différenciation"
Ouvrage collectif coordonné par Sylvain Connac, professeur des universités à l’Université Paul Valéry de Montpellier, attaché au Laboratoire interdisciplinaire de recherches et éducation formation (LIRDEF).
Cet ouvrage présente les conclusions d’une recherche collaborative menée par un collectif d’une cinquantaine d’enseignantes et d’enseignants du primaire et du secondaire du territoire du lyonnais, qui a travaillé sur ce projet pendant quatre années. Il en ressort qu’il ne suffit pas de faire coopérer les élèves pour que chacun progresse. En revanche, plusieurs conditions d’organisations ont pu être esquissées. Elles sont exemplifiées par différents fonctionnements directement observés dans les classes. Cet ouvrage propose donc autant de repères précis pour articuler coopération à différenciation que de descriptions pédagogiques concrètes et accessibles au plus grand nombre.