LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Le triangle pédagogique

Cette modélisation de la relation entre savoir, enseignant·e et apprenant·e est un outil qui aide à préciser la posture pédagogique et à la faire évoluer selon les situations, les objectifs et le temps dont on dispose pendant la séance.
Média secondaire

Parue en 1988, la thèse d’État de Jean Houssaye « Le Triangle pédagogique. Proposition et pratiques d’un modèle d’analyse de la situation éducative » est devenue rapidement une référence en sciences de l’éducation. Jean Houssaye, professeur de philosophie, de français, formateur à l’Inspé de Paris et direc- teur de colonie durant 40 ans, y définit la situation pédagogique comme un triangle basé sur trois éléments : le(s) savoir(s) ; la personne qui apprend ou qui forme ; l’élève (apprenant·e ou stagiaire). La relation entre ces trois éléments décrit trois processus éducatifs qui permettent d’identifier les types de relation pédagogique que l’on souhaite privilégier selon les objectifs et la situation : enseigner (et alors l’accent est mis sur le rôle de l’enseignant·e), former (et l’enseignant·e est plutôt un guide qui soutient l’apprenant·e dans sa démarche et individualise son approche pédagogique), apprendre (l’apprenant·e est alors situé·e au centre). L’ensemble forme une cartographie ou une grille d’analyse qui aide la ou le pédagogue à se situer et à faire ses choix. 

Car l’acte d’enseigner ou de former mobilise une dynamique entre ces trois relations qui sont toujours en mouvement, toujours à questionner. Dans sa thèse, Jean Houssaye explique que quand on enseigne ou que l’on anime une séance, on est nécessairement conduit à privilégier deux points du triangle au détriment du troisième. Le troisième est négligé : on le fait jouer plutôt qu’il ne joue lui-même, mais son rôle reste indispensable car, sans lui, il n’y a plus de jeu. Changer de pédagogie revient à changer de rela- tion de base et donc de processus.

Se situer et faire des choix 

En réfléchissant à ses objectifs et à la place que l’on souhaite accorder à l’apprenant·e, on pourra favoriser la relation entre l’apprenant·e et le savoir plutôt qu’entre l’enseignant·e et l’apprenant·e, ce qui conduira à promouvoir son autonomie, en lui permettant de prendre en main son propre apprentissage et ses expérimentations. On sort là d’une relation traditionnelle, plus souple et moins hiérarchique. 

Pour Jean Houssaye, il n’y a pas nécessairement de pratique à privilégier en soi : tout dépend du contexte, du temps dont on dispose et des objectifs que l’on se fixe. L’intérêt de ce modèle est de permettre de s’interroger sur ses choix et sur les attentes des personnes qu’on accompagne. Par exemple, en formation Bafa, si je dois former des stagiaires à la règlementation des Accueils collectifs de mineurs (ACM), je peux faire un cours magistral sur le droit (processus « enseigner »), mais alors, je ne donne pas à réfléchir : dans ce processus « enseigner », c’est moi qui porte le savoir, les apprenant·es étant mis à la “place du mort”. Si je considère plutôt qu’ils doivent intégrer ce règlement et pas seulement le connaître, je vais alors proposer des exercices comme des QCM (questions à choix multiples) de mises en situation : c’est le processus “apprendre” qui est mobilisé, et dans ce cas, c’est moi qui m’efface. Mais les questions réglementaires étant larges et évolutives, je peux aussi me fixer comme objectif que les stagiaires soient en capacité d’exercer un rapport critique, pour mieux évaluer et faire évoluer leurs pratiques dans le cadre législatif. C’est alors que l’on entre dans le processus de “former” puisque les stagiaires apprendront à se situer par rapport à leur savoir et à un contexte en constante évolution.

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