Pratiques numériques des jeunes : nécessité d'un cadre/d'une éducation pour un usage plus apaisé

A l’heure où la révolution numérique a transformé nos usages, et bouleversé nos habitudes, les réseaux sociaux font aujourd’hui partie intégrante de la vie quotidienne et notamment celles des jeunes. Mais connaissons-nous vraiment leurs pratiques ?
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Crédit photo : Sara Kurfess sur Unsplash

 

Définir les usages numériques des jeunes est difficile, tant la diversité de la jeunesse est grande au niveau de sa culture, de son environnement éducatif, social et familial. Les pratiques numériques des jeunes, sont multiples : informationnelles, communicationnelles, culturelles, etc. Internet et les réseaux sociaux font désormais partie de la vie, autant sociale, que scolaire, des adolescents.

Baptisés « Millenials » ou « Digital Natives », ces jeunes dits « hypers connectés », ne sont cependant pas tous des experts du numérique.

A travers 6 vidéos, Sophie Jehel revient sur le rôle des réseaux sociaux dans la vie sociale des jeunes, ainsi que des politiques émotionnelles menées par ces plateformes à travers leur fonctionnement algorithmique.

Ces échanges font suite, à l‘intervention de Sophie Jehel, « les jeunes et les plateformes numériques : les nouvelles lois de socialisation », lors des journées d’étude sur la jeunesse, du 18 au 20 mars 2021.

Les pratiques des jeunes sur les réseaux sociaux numériques

Pourquoi sommes-nous sur les réseaux sociaux numériques (RSN) ? Chacun aura une réponse différente basée sur son vécu et ses pratiques. Beaucoup diront que c’est pour rester en contact avec leurs amis. On remarque aussi que les exercices de séduction se sont profondément numérisés. On peut passer par les réseaux sociaux numériques soit pour rester en contact soit pour trouver des informations sur la personne que l’on cherche à séduire justement (passion, activités, etc.)

Sophie Jehel, chercheuse à l’université Paris VIII, nous explique à quoi servent les réseaux sociaux pour les jeunes et quelles sont leurs pratiques. Elle insiste notamment sur la pluralité des usages en fonction des publics.

L’hyper présence des réseaux sociaux dans les relations sociales

La notion de sociabilité est primordiale dans notre utilisation des réseaux sociaux. Ils ont été créés avec cette vision utopiste de rapprocher les gens entre eux en supprimant toutes les barrières physiques. Pour accroitre leur chiffre d'affaires, ils ont besoin de stimuler les interactions sociales entres les individus. Ils vont encourager à la publication de contenus relevant parfois de la vie privée.

Pour se sentir accepté et en confiance, on va souvent mesurer notre sociabilité à l’approbation virtuelle des autres utilisateurs qu'on les connaisse dans la vie réelle (In Real Life : IRL) ou pas.

Dans cette vidéo, Sophie Jehel nous explique que non les réseaux sociaux numériques ne sont pas nécessairement indispensables à la construction de sa vie sociale. Elle rappelle l’importance de savoir limiter nos interactions sociales dessus sans oublier qu’elles n’ont rien de virtuel.

Cyber-harcèlement et cyberviolence

Le harcèlement chez les jeunes ne date pas d’aujourd’hui et il a fallu beaucoup de temps avant que les professionnels de l’éducation ne s’emparent de cette problématique. Avec l’apparition des réseaux sociaux, le harcèlement a pris une autre dimension. Avant, le harcèlement était souvent limité au milieu scolaire. Aujourd’hui, quand on est victime, il devient extrêmement compliqué d’échapper à ses harceleurs sur les réseaux.

Protégés par un écran, ils semblent penser bénéficier d’une impunité totale.  « Il est temps de faire évoluer les mentalités pour que ces gens comprennent que les insultes sur les réseaux sociaux numériques n’ont rien de virtuel et qu’il s’agit d’une transgression » , insiste Sophie Jehel.

Dans cette vidéo, Sophie Jehel décrypte les mécanismes de cyber-harcèlement et de cyberviolence et alerte sur les différents types de populations susceptibles d’apprécier et de partager ce type de contenus.

Esprit de compétitions : le concours des « likes » .

Les réseaux sociaux numériques ont créé une addiction aux « likes ». Ils en font l’alpha et l’oméga de la vie numérique. On est jugé en fonction du nombre de likes ou de vues. Plus on en a, plus on est intéressant et populaire. C’est du moins que ce dont les réseaux sociaux numériques cherchent à nous persuader. « Ces réseaux favorisent le mimétisme parce que l’utilisateur passe son temps à se comparer aux autres » , analyse justement Sophie Jehel.

S'appuyant sur de nombreux entretiens individuels avec des jeunes sur leurs pratiques des réseaux sociaux numériques, Sophie Jehel ici nous alerte sur les dérives de cet « esprit de compétition » qui pousse à juger systématiquement l’apparence de l’autre.

Le pouvoir des algorithmes

Selon la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) un algorithme est « une suite finie et non-ambiguë d’instructions permettant d’obtenir un résultat à partir d’éléments fournis en entrée ». Dans les réseaux sociaux numériques, les algorithmes servent à créer une expérience personnelle adaptée pour chaque utilisateur. Il y a une croyance populaire assez tenace (appuyée sur un discours médiatique simpliste) qui dit que les réseaux sociaux numériques nous manipulent de bout en bout.

C’est peut-être leur volonté d’orienter à leur guise notre consommation de contenus. Toutefois, la question de la responsabilité individuelle est peu mise en avant au grand dam de Sophie Jehel « les plateformes ne décident pas pour nous de savoir si on va acheter tel livre, regarder tel programme etc […] par exemple dans le domaine de la musique, l’attitude privilégiée par les usagers, c’est de se constituer leurs propres playlists et ainsi échapper aux recommandations »


Ici, Sophie Jehel encourage l’initiative individuelle. Selon elle les discours dénonçant la manipulation des RSN (voir GAFAM) sont proches des discours complotistes.

Instagram pour les moins de 13 ans : une fausse bonne idée ?

Le 18 mars dernier, un mémo provenant de Facebook a fuité annonçant que le géant du numérique américain travaillait sur une version de son réseau social Instagram pour les moins de 13 ans. Cette annonce a suscité beaucoup de perplexité notamment chez Sophie Jehel qui rappelle très simplement « qu’est-ce Facebook peut apporter comme protection au moins de 13 ans qu’il ne pourrait pas déjà faire aujourd’hui ». Touché.

En la théorie, on n'a pas le droit d’avoir un compte sur Instagram avant 13 ans. Or, dans les faits, il est très simple de falsifier son année de naissance lors de la création de son compte puisque Facebook ne procède à aucune vérification d’identité. Rien n’empêche aujourd’hui un enfant de moins de 13 ans de se créer un compte Instagram adulte lui permettant d’accéder à tous les contenus du réseau même les moins appropriés à un public de son âge (nudités).

Sophie Jehel nous rappelle justement que beaucoup d’enfants de moins de 13 ans sont déjà inscrits sur plusieurs RSN.