« Ce qui fait toute la force de notre projet, c'est le regard que l'on pose sur les jeunes. »
"Banlieues Climat fédère et inspire les jeunes des quartiers populaires afin de faire émerger leur voix"
Ven : Comment avez-vous rejoint l’association Banlieues Climat ?
Sofia Zioui : L’association organisait un voyage à vélo pour faire Paris-Marseille l’été dernier. Une copine m’a proposé de le faire parce que les organisateurs cherchaient plus de jeunes. Je suivais déjà le co-fondateur Féris Barkat sur les réseaux sociaux, mais sans faire partie de l’association. Pendant le trajet, nous en avons appris plus sur le climat. J’ai ensuite participé à une journée de formation en octobre 2024 et j’ai été sélectionnée il y a quelques mois pour devenir formatrice.
Axel Francke : Je n’étais pas du tout intéressé par les questions d’écologie à l’origine. Quand j’étais dans le milieu du sport de haut niveau, la question n’existait pas. S’il fallait utiliser 15 000 litres d’eau pour que la pelouse soit plus verte, on le faisait. Mais j’ai eu plusieurs amis qui ont participé à la formation d’une journée de Banlieues Climat. Les sujets m’ont touché, et j’ai aimé être entre jeunes, porter un projet par et pour les jeunes mais aussi pour le monde. Au cours de mes études de commerce, j’ai réussi à faire le pont avec l’associatif en proposant à Banlieues Climat, dans le cadre d’une alternance, de coordonner l’antenne de Strasbourg et de contribuer aux partenariats ici et avec les autres villes de France.
Ven : Quelles sont les actions de Banlieues Climat ?
S.Z. : L’association vise à fédérer et inspirer les jeunes des quartiers populaires sur les questions environnementales et climatiques afin de faire émerger leur voix mais aussi des projets locaux dans le débat public. Elle sensibilise les jeunes des quartiers sur le dérèglement climatique et fait le lien entre la justice sociale et la justice environnementale. Il s’agit d’accompagner une prise de conscience en expliquant par exemple que les 10% les plus riches sont responsables des deux tiers du réchauffement climatique. C’est important de réaliser que les habitants et habitantes de quartiers populaires, les populations précaires et des pays moins développés sont ceux qui émettent le moins de CO2 mais sont les premiers exposés aux conséquences de ce dérèglement : alimentation, pollution de l’air, santé, etc.
A.F. : Oui, l’association veut contribuer à un monde dans lequel les solutions aux problématiques liées au climat, l’environnement et l’écologie sont portées par celles et ceux qui sont frappés par ces inégalités. L’idée est d’impulser une dynamique réparatrice qui profite à toute la société et protège les plus vulnérables. Concrètement, nous proposons une formation d’une journée aux jeunes des quartiers populaires. Ce parcours est désormais labellisé par des chercheurs du GIEC et par le ministère de l’Enseignement supérieur. Ensuite, il y a la possibilité de participer aux différents événements, conférences, stands, rencontres avec des partenaires pour d’autres sessions de formation. On souhaite mettre les jeunes en position d’agir directement après la formation, qu’ils et elles deviennent le point de départ d’une nouvelle dynamique sur leur territoire. Dans un deuxième temps, on propose à quelques jeunes de devenir eux-mêmes formateurs et formatrices. Durant une semaine, ils rencontrent des scientifiques qui ont co-construit le parcours, des experts et expertes en éloquence, prise de parole et en gestion de groupe qui travaillent les conflits ou les incidents qui peuvent surgir. Les 450 personnes déjà formées viennent de toute la France, et même de l’international. Il y a quelques semaines, nous sommes allés à l’université de Rabat pour former des universitaires et des étudiants et étudiantes marocaines. Nous avons également formé des députées à l’Assemblée nationale, nous étions présentes à la conférence des Nations Unies sur l’océan à Nice et avons organisé, fin juin, le premier rendez-vous de l’écologie et de l’éducation populaire, Ecopop. Une délégation se rendra à la COP30 en novembre 2025 pour porter la voix des quartiers populaires.
Les 450 personnes déjà formées viennent de toute la France, et même de l’international. Il y a quelques semaines, nous sommes allés à l’université de Rabat pour former des universitaires et des étudiants et étudiantes marocaines. Nous avons également formé des députées à l’Assemblée nationale, nous étions présentes à la conférence des Nations Unies sur l’océan à Nice et avons organisé, fin juin, le premier rendez-vous de l’écologie et de l’éducation populaire, Ecopop. Une délégation se rendra à la COP30 en novembre 2025 pour porter la voix des quartiers populaires.
J’ai aussi rencontré des gens avec qui je peux maintenant mener des combats contre les injustices qui me tiennent à cœur.
Sofia Zioui
Ven : Qu’est-ce que l’association a changé pour vous ?
S.Z. : D’un point de vue personnel, Banlieues Climat a changé beaucoup de choses. Ça m’a permis de développer mes compétences à l’oral. Prendre la parole quand le public ne se sent pas concerné, c’est très formateur. D’un point de vue professionnel, j’ai pu mettre dans mon cv que je suis formatrice Banlieues Climat, avec les compétences et qualités associées. Devenir formatrice m’a aussi fait réaliser que peu importe le métier que je ferai, j’ai envie de transmettre des connaissances en faisant de l’éducation populaire. J’aime adapter ce que je veux transmettre au public auquel je m’adresse etrendre les gens acteurs et actrices de leur émancipation. J’ai aussi rencontré des gens avec qui je peux maintenant mener des combats contre les injustices qui me tiennent à cœur. Je sais que je trouverai du soutien. Quand on trouve des personnes qui nous ressemblent, avec qui s’engager, qui ont les mêmes envies et parfois le même vécu, on a beaucoup plus de force et on se sent bien plus capable de faire les choses.
A.F. : Lors de notre première session de formation de formateurs, Jean-Marc Jancovici, spécialiste des questions climatiques et environnementales, nous a dit quelque chose de très important : « Il faut garder deux choses en tête quand on transmet des connaissances à quelqu’un. Que va-t-il en faire ? Comment éviter qu’il reste seul ? » C’est ce que l’on vise à Banlieues Climat.
Ven : Comment se déroule la journée de formation ?
S.Z. : Pour commencer la formation, des jeux sont proposés pour mettre les jeunes à l’aise et briser la barrière qu’il peut y avoir entre les formateurs et les formés. « Si moi je suis devant vous pour parler d’écologie, c’est que tout le monde peut le faire et s’y intéresser. » Dans nos méthodes de formation, on évite de ressembler à l’école, d’imposer un savoir, les réponses doivent venir des jeunes, on n’est pas dans la compétition et on développe l’écoute.
Le matin, on présente des chiffres et des décryptages pour comprendre le réchauffement climatique, et l’après-midi ce sont les jeunes qui prennent notre place. Ils passent alors au tableau pour nous expliquer ce qu’ils ont compris, impliquent leur public, le tout dans une ambiance bienveillante. C’est très interactif. Cette formation par les pairs permet aux jeunes, qui ont parfois eu des soucis avec l’école, de se sentir à l’aise pour dire ce qu’ils pensent. Ils osent et s’encouragent mutuellement.
A.F. : Au fil de la journée de formation, les jeunes prennent confiance, s’autorisent à s’approprier les contenus de formation, à émettre des hypothèses, à questionner, etc. et arrivent à convaincre et à porter les sujets. Le but est que les participants et participantes se rendent compte qu’ils peuvent dé- ployer un projet avec des amis, qui a du sens pour eux et pour la société, qu’ils peuvent avoir une action sur les désordres du monde. Je crois que ce qui fait toute la force de notre projet, c’est le regard que l’on pose sur les jeunes, qui leur permet de prendre confiance en eux, de se lancer et aussi, quand ils deviennent formateurs, de tout faire pour être à la hauteur.