Droits-créances et droits-libertés

La Convention internationale des Droits de l’Enfant rend hommage aux combats de Janusz Korczak en énonçant deux types de droits.
Média secondaire

Janusz Korczak, dont on sait l’importance du combat pour la reconnaissance des droits de l’enfant, voyait, à leur origine, la nécessaire reconnaissance par les adultes de l’enfant comme un être, tout à la fois, « complet » et « inachevé », « sujet à respecter » et « sujet à promouvoir». « Sujet à respecter » parce qu’un enfant est déjà un être qui participe pleinement de « l’humaine condition » ¬ « Les chagrins des petits ne sont pas de petits chagrins », rappelle-t-il très justement. Et « sujet à promouvoir », car l’enfant, inachevé, est un être fragile à qui nous devons garantir les droits fondamentaux lui permettant de vivre et de se développer.

Les « droits-créances » sont « les droits à… »


Ils doivent être garantis par toute société à ses enfants et ils constituent autant d’obligations pour les adultes : droit à un nom et une nationalité, droit de connaître ses parents, droit à un cadre familial, droit à être correctement nourri et logé, droit d’accès aux soins, droit d’une aide adaptée pour les enfants handicapés, droit à l’éducation scolaire, droit à sa vie privée, droit à être protégé contre toute forme de maltraitance et d’exploitation économique, droit de bénéficier de toutes les garanties judiciaires requises en cas de suspicion d’infraction à la loi pénale…

 

Les « droits-libertés » sont « les droits de… »


Énoncés dans les articles 12 à 15 de la Convention, ils reconnaissent la possibilité pour l’enfant d’exercer lui-même diverses libertés civiles : « exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant », « être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant », bénéficier de « la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations ou des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique ». Plus encore, « les États parties respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion », comme « les droits de l’enfant à la liberté d’association et à la liberté de réunion pacifique. » Mais tout cela est subordonné « à son âge, à sa capacité de discernement et à son degré de maturité ». Or, si l’effectivité des « droits-créances » fait régulièrement l’objet d’évaluations scrupuleuses, celle des « droits-libertés » pose, de toute évidence, problème parce que, si les « droits-créances » relèvent d’un « dû », les « droits-libertés » relèvent d’un « devoir ». Alors que les « droits-créances » peuvent — ou, plus exactement, pourraient — être appliqués par des institutions au regard de textes réglementaires qui en fixent précisément les contours, les « droits-libertés » ne peuvent s’exprimer que dans des situations où les adultes assument pleinement, à côté des enfants, leur « devoir d’éducation ». Si le « droit à un domicile » peut faire l’objet d’une « application », le « droit d’exprimer son opinion » doit faire l’objet d’une éducation. Sans accompagnement éducatif exigeant, sans situations adaptées permettant à l’enfant de se dégager de ses pulsions primaires, des stéréotypes sociaux et publicitaires comme des situations d’emprise affective, idéologique ou commerciale, les « droits-libertés » de l’enfant sont des « droits vides ». Plus encore : ils desservent la cause des droits de l’enfant car en faisant mine de les « attribuer » à des enfants qui n’ont pas été formés à leur exercice, on s’expose, dans l’immense majorité des cas, à des situations d’échec, voire à des agressions, qui serviront de prétexte aux spécialistes du « je vous l’avais bien dit » pour écarter ces droits et les considérer comme de dangereuses impostures.