Jeunes invisibles : Comment aller vers celles et ceux qui ne sont « ni en éducation, ni en emploi, ni en formation » ?

en 2023, 730 000 jeunes ne sont « ni en éducation, ni en emploi, ni en formation ». Constat et pistes pour l'insertion de cette population.
Ils et elles ont entre 15 et 29 ans et échappent aux dispositifs d’accompagnement. Une fois comptabilisés, les jeunes inscrits dans la scolarité obligatoire dont les « raccrochés » sans diplôme, les engagés en mission de service civique ou en formation professionnelle, les travailleurs, les décrocheurs suivis ici ou là, restent les recensés de « nulle part » : 730 000.
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Le baromètre « DigiNEET » du projet « Maraude numérique » dénombre fin 2019 plus de 4 millions de jeunes de 15 à 29 ans concernés par l’emploi précaire, le chômage et l’inactivité, ces deux derniers composant les « NEETs » – Not in Education, Employment, or Training.
Claire Bernot-Caboche, docteure ès sciences de l’éducation et autrice de la thèse Les jeunes invisibles en 2016, ajoute « ni en accompagnement » pour mettre le projecteur sur les « invisibles » empêchés d’entrer dans leur vie. Elle parle d’une société inadaptée à sa jeunesse plutôt que de jeunes inadapté·es, dont l’aveuglement produit des effets dramatiques : perte de confiance, d’autonomie, effacement des solidarités familiales ou amicales, perte de revenus, précarité, dégradation de la santé physique ou mentale, et/ou désocialisation.

La mission locale, à l’image d’un chef d’orchestre, doit participer à la coordination des partenariats avec les structures d’accueil qui pourront répondre, sur du temps long, aux besoins spécifiques de ces jeunes.

Claire Bernot-Caboche

Changer les modes d’action

Il faut agir vite et toutes les personnes qui sont au contact ont un rôle à jouer. « Plus l’âge augmente, plus les jeunes sont en risque de tomber en invisibilité, 4 % des 15-19 ans, 7 % des 20-24 ans, 8 % des 25-29 ans, sont invisibles » lit-on sur DigiNEET. « 40 % des invisibles sont issus de familles plutôt favorisées et seulement 13% des zones urbaines sensibles. Cela rebat les cartes en matière de politiques publiques et devient l’affaire des pairs, des proches, des acteurs de terrain et des élus », insiste Claire Bernot-Caboche en ciblant les missions locales qui « ne doivent plus attendre les jeunes dans leurs locaux mais aussi sortir des murs, aller vers ces jeunes invisibles en territoire urbain, périurbain ou rural, aller chercher celles et ceux qui ont besoin de leurs services et ignorent souvent leur existence ».

La chercheuse pointe le besoin de coordination entre les équipes « La mission locale, à l’image d’un chef d’orchestre, doit participer à la coordination des partenariats avec les structures d’accueil qui pourront répondre, sur du temps long, aux besoins spécifiques de ces jeunes, telles des sas de respiration, de remobilisation et de formalisation d’un projet de raccrochage avant de pouvoir envisager une formation ou un emploi ».

Ces coopérations inciteront les professionnels à sortir des frontières dressées par les dispositifs, concernant les limites d’âge. « Le cloisonnement étanche entre le statut d’adulte et celui de jeune n’est pas indispensable, poursuit Claire Bernot-Caboche. Il faut que tous les citoyens aient accès à la connaissance, à la liberté, à la créativité, à l’éducation et à la formation ou l’emploi, sans contrainte excessive, tout au long de la vie et en toute sécurité. Il nous faudra cependant répondre à la question de la durée de l’état de jeunesse, celle-ci s’allongeant progressivement. Le Québec vient de la repousser à 35 ans.»

Le baromètre digiNEET

Comprendre les chiffres et les études à propos des jeunes invisibles
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A retrouver dans la revue VEN #590

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