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L'accueil des parents et des enfants en milieu rural

Isolés dans la vallée de l’Estéron, au cœur des Alpes-Maritimes, des parents se retrouvent chaque semaine dans un lieu d’accueil enfants-parents. Un dispositif porté par l’association Bulle d’Aires qui considère que les parents sont des personnes en quête d’émancipation.
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"Y aura-t-il des parents aujourd’hui ?" C’est la question que se posent Laetitia Lebouleur et Tania Perreau lorsqu’elles ouvrent les portes de la salle du foyer rural de Roquestéron dans les Alpes-Maritimes. Un espace municipal qu’elles peuvent utiliser pour animer tous les jeudis matin un lieu d’accueil enfants-parents (LAEP). En plus d’une grande salle installée avec des tapis, des petites chaises, des tables couvertes d’objets de dînette et d’un coin café, le lieu bénéficie d’un grand espace extérieur gazonné qui va être rapidement investi lors de cette journée printanière.

Allaitement, égalité filles-garçons, gestion des écrans, diversification alimentaire ou encore scolarisation à venir : les sujets ne manquent pas et ces mamans apprécient de pouvoir échanger, d’autant plus quand on vit dans un milieu rural isolé.

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Ici, c’est un cocon que souhaitent créer la référente et l’animatrice. Un endroit où les parents viennent pour se rencontrer, partager un moment et permettre à leur enfant d’être en relation avec d’autres. Faire vivre la coéducation, favoriser le dialogue, répondre à des questions, échanger sur les différentes expériences de chacune et de chacun, c’est le projet que s’est donné l’association Bulle d’Aires.

Elle est devenue une structure incontournable dans cette vallée très isolée mais réputée pour ses canyons et lieux de baignade dans la rivière Estéron. 

Ce matin-là, rapidement les premières familles se présentent. Des mamans seulement, « même s’il arrive parfois qu’il y ait des papas », précisent les deux animatrices. Aujourd’hui pourtant, les stéréotypes ne seront pas déconstruits et ce sont trois mamans et une assistante maternelle qui sont là avec leurs enfants. Les échanges s’engagent rapidement et les sujets arrivent au fil des discussions. 

Pour Chloé Olcay, jeune maman de deux enfants, « c’est plus compliqué aujourd’hui d’être parent que dans les années 70. Ce n’était pas mieux mais on se posait moins de questions. Aujourd’hui, à chaque difficulté on recherche sur Internet. On a souvent peur de ne pas bien faire. À l’époque ça ne donnait pas forcément de bons résultats mais ça semblait plus simple. On disait facilement : on a fait comme ça pour nous, on en n’est pas mort, donc... » 

Allaitement, égalité filles-garçons, gestion des écrans, diversification alimentaire ou encore scolarisation à venir : les sujets ne manquent pas et ces mamans apprécient de pouvoir échanger, d’autant plus quand on vit dans un milieu rural isolé.

Lieu d'accueil enfants-parents pour créer du lien

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"Mettre en lien les personnes qui peuvent se sentir isolées". C’est justement le projet que défend, Fanny Tirard, directrice de l’association. Bulle d’Aires est agréée depuis le mois de janvier comme Centre social itinérant de la vallée de l’Estéron.

En plus du LAEP, deux dispositifs sont mis en place. Un accueil collectif de mineurs (ACM) qui gère des temps périscolaires et extrascolaires ainsi qu’un espace de vie sociale qui développe des actions culturelles.

« Pour chacun, la même philosophie d’accompagnement nous guide », explique Fanny. « Le parent est vu avant tout comme une personne complète dont on soutient l’émancipation. L’important est de favoriser son équilibre vie perso–vie pro, ses besoins en tant que personne, ses liens sociaux. »

Ici, pas de prescription mais des portes ouvertes avec des ateliers cuisine, jardin, des sorties culturelles ou encore un atelier « les maths c’est rigolo » mené par un passionné. « Nous sommes un espace ressource et un lieu de rencontres qui favorise, dans une logique d’éducation populaire, l’émancipation des personnes », soutient la directrice. « Il est important que les parents s’acceptent dans leurs travers, leurs difficultés, plutôt que dans la recherche d’une perfection. On essaye de mettre en place des espaces de bienveillance où les personnes s’écoutent », ajoute-t-elle.

Les injonctions et les sollicitations des familles sont énormes. On leur demande beaucoup aujourd’hui à l’école ou ailleurs. Il faut sans cesse valoriser ou dédramatiser.

 

Patricia Malquarti, présidente de l’association et orthophoniste de métier, complète le tableau. « Les injonctions et les sollicitations des familles sont énormes. On leur demande beaucoup aujourd’hui à l’école ou ailleurs. Il faut sans cesse valoriser ou dédramatiser. » Et de l’avis de toutes, s’il est plus complexe d’être parent en 2024, cela l’est encore plus en milieu rural. 

Marine Cortésia est la maman de trois enfants. Actuellement en congé parental, elle identifie le LAEP comme un véritable lieu de ressource- ment venant rompre un isolement qu’elle vit finalement assez mal. « Ici c’est l’arrière-arrière-pays ! Pas de transport scolaire dans mon village, pas de commerces, pas de services, rien. C’est une difficulté quand on a des enfants. Il faut avoir le permis et deux voitures », note-t-elle. « Heureusement des lieux comme celui-là existent, car quand on est parent aujourd’hui on a besoin d’être épaulé ». Pour sa fille ainée, elle a eu be - soin d’un accompagnement pour un état dépressif et ça n’a pas été simple de trouver une professionnelle de santé qui accepte de venir sur une maison de santé qui se trouve à 45 kilomètres de chez elle. 

De clochers en clochers 

Le territoire de ce nouvel espace de vie sociale couvre 14 communes, avec autant de clochers, de particularismes et de spécificités. Des temps de transport importants, des services regroupés à un seul endroit, des canaux de communication à créer. Aussi, c’est un travail de fourmi que mène la structure. 

Catherine Henriot vient d’être recrutée comme référente famille. Psychologue de formation, elle prend le temps de parcourir les festivités villageoises existantes pour se faire connaître. « J’essaye de percevoir les demandes formelles et informelles. Mon principal travail c’est d’approcher les familles, de comprendre et lister les compétences des parents ». Elle a démarré un café des parents sur une des écoles du secteur. « Ce qui m’importe, c’est que parents et enfants fassent des expériences nouvelles ensemble et de faire descendre les politiques nationales vers le milieu rural. La semaine de la petite enfance doit se faire aussi dans l’Estéron ! ».
 

L’offre de services de l’association est impressionnante et dépasse la question de la parentalité. Chaque mois une sortie au théâtre est proposée sur un gros bourg voisin. « On propose un transport pour lever des freins », explique Catherine Henriot, « mais on a parfois du mal à toucher les personnes que l’on souhaiterait. » Bien sûr les mises en route sont parfois longues à venir. En attendant, alors que le clocher vient d’annoncer la pause méridienne, le LAEP se vide doucement. Des rendez-vous sont pris, notamment pour le prochain atelier de yoga pour les bébés et jeunes enfants que Myriam Boni, assistante maternelle installée dans le village, proposera jeudi prochain.

Illustration : Laurent Bernardi

 

Dossier "Etre parent en 2024"

D’où viennent les incertitudes parentales ? À quelles mutations sociétales doit-on « l’accompagnement à la parentalité », aux expressions parfois contradictoires, devenu aujourd’hui un axe majeur des politiques familiales ?
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