LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Qui sont les lycéens travailleurs ?

Une étude du CNRS à paraître montre qu’un lycéen français sur cinq exerce aujourd’hui une activité professionnelle sur son temps scolaire. Un chiffre qui surprend et recouvre une grande diversité de situations.
Média secondaire

Il est souvent entendu dans les espaces médiatiques que les jeunes ne veulent plus travailler et préfèrent rester sur leur téléphone toute la journée. Une étude à paraître en 2026 et conduite par Thierry Berthet, directeur de recherche au CNRS, Léa Guichard et Marie-Laure Harmand, doctorantes en sociologie au LEST et à Aix-Marseille Université démontre qu’il faut relativiser. « Nous estimons la part des élèves qui travaillent à environ 1/5e de la population lycéenne. Dans notre étude, sont considérés comme travail- lant les élèves qui travaillent pendant l’année scolaire. Ce qui exclut les jobs d'été et toutes les formes organisées de travail pendant les études comme l’alternance », explique Thierry Berthet. 

 

Des besoins différents 

Selon les premiers résultats de l’étude, les jeunes travaillent en effet dès que possible, peu importent les classes sociales ou le sexe. En revanche, les raisons de travailler ne sont pas identiques. Les plus précaires, et notamment les mineur·es isolé·es qui sont obligé·es de subvenir à leurs besoins, « s’exposent davantage à un fort volume horaire, ce qui rend cette activité importante dans leur vie ». Dans une conférence donnée à l’Université Populaire Marseille-Métropole (UPOP), l’équipe de recherche précise qu’en foyer ceux-ci ne reçoivent que 100€ à 200€ d’aides, et qu’après le foyer ils doivent se loger, se nourrir, s’habiller ; des charges nécessitant de bien plus travailler. Chez les autres jeunes, la motivation la plus fréquente est la contribution nécessaire ou volontaire aux charges familiales. Vient ensuite le besoin de mettre de l’argent de côté pour financer les études supérieures ou simplement de thésauriser pour l’achat d’une voiture ou préparer un voyage par exemple. Ces jeunes travaillent en moyenne cinq heures par semaine, mais « les lycéens ont tendance à lever le pied sur le travail l’année du bac pour se concentrer sur les révisions, complète Thierry Berthet, alors qu’en seconde ils sont bien plus nombreux à travailler ». 

 

Et le droit du travail ? 

Beaucoup de lycéens et lycéennes n’ont pas forcément connaissance de l’âge légal à partir duquel il est permis de travailler. De ce fait, ils acceptent plus facilement des jobs sans contrat. Les chercheurs déplorent que souvent le droit du travail ne soit pas respecté et qu’en cas d’accidents du travail les jeunes ne soient pas assurés. Autre enseignement : le cumul fréquent de plusieurs emplois. Cette population exploite notamment les opportunités financières offertes par les réseaux sociaux (micro influence rémunérée, revente en ligne, etc.), qui présentent l’avantage de pouvoir être investies après la journée de lycée ou le babysitting du soir. La revente d’objets chinés en ligne ou dans les brocantes est une source de revenus importante. 

Enfin, le trafic de stupéfiants, le recel et la prostitution constituent une source de revenus sans doute importante, mais difficile à quantifier puisque les jeunes ne s’en ouvrent pas, hésitant même à se faire aider par des associations qui acceptent l’anonymat. « Les jeunes taisent ces pratiques et c’est souvent des années plus tard qu’ils reconnaissent avoir eu recours à ces moyens pour gagner de l’argent », explique Léa Guichard. La précarité ne laisse aucun choix aux lycéens concernés, pour autant les plus à l’aise financièrement ne sont pas prêts à renoncer au travail pour gagner en qualité de vie.

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