Parlez-vous jeune ?
Les mots et expressions des jeunes font, de manière régulière, l’objet d’interrogations, d’incompréhensions voire de critiques. Certain·es les accusent de mettre en danger la langue française tandis que d’autres estiment que les jeunes parlent de plus en plus mal. Mais qu’en est-il dans les faits ? Qu’en dit la thèse sociolinguistique des néolectes de Rémi Soulé ?
Pour le chercheur, même si on parle de “langage jeune” ou “parler jeune”, les mots et expressions qu’ils utilisent ne sont pas « un langage à part entière mais du français avec quelques traits un peu spécifiques, un peu saillants qui vont pouvoir être reconnus et identifiés comme plutôt utilisés par les jeunes ». Ce phénomène n’est absolument pas nouveau et caractérise toutes les langues vivantes. Autre information, « si les jeunes renouvellent leurs façons de parler, cela veut dire qu’ils sont intégrés dans leur groupe, grandissent, créent leur identité ». Les jeunes inventent des mots ou expressions pour s’amuser, faire rire, être compris uniquement par le groupe en cryptant les messages, pour se distinguer des adultes ou des petits frères et petites sœurs.
« L’adolescence est un moment fort dans la construction identitaire, qu’elle soit individuelle ou collective » et il « est stimulant de parler d’une façon qui apparaît transgressive par rapport à une norme ». Sans compter que cela crée un effet spectacle. « En parlant, non seulement les jeunes adressent un message, mais créent un effet en portant l’attention sur le fait de parler en utilisant un mot singulier. » Une attitude qui concourt à mettre un peu de distance au sein du groupe.
Il est temps de valoriser ces connaissances. « C’est la preuve que les jeunes ont des compétences, savent innover, moduler leur façon de parler en fonction du contexte et de la personne à qui ils s’adressent. » C’est aussi un élément « à saisir d’un point de vue éducatif pour qu’ils se sentent légitimes dans leur façon de parler, pour leur donner confiance ou renforcer l’estime de soi ». Quant aux parents ou autres acteurs et actrices éducatives qui envisagent de les imiter, ce n’est pas une bonne idée. Plus les adultes imitent les jeunes, plus les jeunes vont modifier leurs mots et expressions pour continuer à se distinguer. « Les adultes auront toujours un temps de retard. »