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Les amitiés au collège : entre diversité sociale et séparation par genre

Publié le 24/11/2025 sur Yakamédia. Article original paru dans la revue VEN n°599, octobre-décembre 2025.
Dans son ouvrage Les Amitiés au collège. Mixité sociale et relations, Puf, 2025, le sociologue Timothée Chabot remarque plus de mixité sociale que de mixité de genre dans les relations entre les jeunes..
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« L’amitié prend au collège un caractère obligatoire, et elle occupe une place centrale dans le quotidien des élèves (...). Ils sont fortement incités à chercher un groupe où s’intégrer, y compris s’ils ne se sentent pas très proches de ses membres », afin d’éviter de faire partie des « sans amis », explique le chercheur en sociologie Timothée Chabot dans son ouvrage Les Amitiés au collège, publié à l’été 2025. Il observe également, que « le renouvellement des amitiés est (...) important, de l’ordre de 30% à 40% de liens modifiés tous les 6 mois ».

Mais quels sont alors les facteurs qui s’opposent à la mixité sociale ? Pour le chercheur, les élèves n’ont pas conscience des origines sociales, cela se fait plutôt par des voies indirectes. « Les résultats scolaires, les goûts culturels et l’origine ethno-migratoire structurent en partie les perceptions des élèves et, à travers elles, leurs relations. » Il ajoute que « la ségrégation spatiale des lieux de sociabilité, qui accroit les opportunités de rencontre entre enfants de même milieu, joue également un rôle ».

Pour autant, les stéréotypes sociaux semblent moins opérants chez les jeunes que chez les adultes. Ainsi, les enfants de classe populaire ont en moyenne 21% de relations amicales issues des classes supérieures, 33% issues des classes moyennes et 46% issues des classes populaires.

En comparaison, les enfants de cadres comptent en moyenne 28% d’enfants de classes populaires parmi leurs « très bons amis ». « Si les élèves ont plus de chances d’être amis avec des camarades issus des mêmes milieux socioprofessionnels, cette tendance n’est ni systématique ni écrasante ; il existe tout de même un nombre important de liens entre enfants de différents milieux sociaux, et la très grande majorité des élèves a au moins quelques amis socialement éloignés. » Autre constat, la mixité est « importante dans les liens faibles – copains, potes, camarades de jeux », tandis qu’il y a plus de ressemblances « parmi les amis proches, et plus encore dans les relations relayées hors de l’établissement ». 

Le genre au cœur de la non-mixité 

D’après Timothée Chabot, ce n’est donc pas l’origine sociale qui constitue le plus gros facteur de non-mixité, mais le genre. Il remarque qu’« un garçon d’origine populaire sera plus souvent ami avec des garçons d’origine supérieure qu’avec des filles d’origine populaire » et que « les élèves ont environ 80% d’amis de même genre en moyenne ». Les collégien·nes ont une «très forte intériorisation des identités et des normes de genre (...) ce qui structure profondément leur sociabilité, et arrive loin devant toute autre considération — sociale, scolaire ou ethnique ». « Les politiques de mixité sociale à l’école permettent bel et bien de favoriser une certaine diversité amicale que les élèves n’expérimenteraient tout simplement pas autrement », conclut-il. Et « bien s’entendre avec des personnes socialement différentes peut suffire à donner aux élèves une image positive d’autres groupes sociaux ou ethniques ». D’où la nécessité de soutenir une politique éducative qui favorise la mixité sociale, à l’école ou en dehors de l’école.