L’absence de réactions à un message, la crainte d’être ghosté, ou encore le fait de découvrir les photos d’une fête où l’on n’a pas été invité peuvent engendrer une réelle souffrance émotionnelle.
Être ados dans une société hyperconnectée
Il faut attendre la seconde moitié du 19e siècle pour que le concept d’adolescence se précise et s’applique à une classe d’âge, dont on a toujours du mal à définir les contours aujourd’hui. Les historiens et historiennes considèrent en effet que c’est avec l’émergence de la notion moderne de famille qu’on a pris en compte l’adolescence comme une période de la vie humaine à part entière.
Une période d’autant plus importante qu’elle correspond à « l’individuation », c’est-à-dire à l’acquisition de la personnalité, soutenue par une mise à distance – parfois brutale – avec le cercle familial proche. Pour Françoise Dolto, il ne s’agit rien de moins que d’une « phase de mutation aussi capitale que sont la naissance pour le petit enfant et les quinze premiers jours de la vie ».
Sans nier la diversité des parcours et des environnements familiaux, amicaux, socio-économiques ou culturels, une constante se dégage : l’adolescent·e cherche à construire son identité, le plus souvent par opposition à ses parents et au regard de ses pairs, qui l’aident à se situer dans ses besoins, ses désirs et ses aspirations. Et en cela, en 2024, le numérique joue un rôle nouveau.
L'enjeu relationnel des nouvelles technologies
Pour les jeunes, comme pour bon nombre d’adultes d’ailleurs, les nouvelles technologies sont ainsi devenues un enjeu relationnel. Paradoxalement, l’utilisation intensive des réseaux dits “sociaux” a renforcé leur peur de la solitude et du rejet.
Un besoin d'être ensemble
Les jeunes ont constamment besoin d’être valorisés par leurs pairs et se cherchent « comme des chatons dans un panier », pour reprendre l’expression de la pédopsychiatre Sophie Maes. Mais ce serait une erreur de croire que le virtuel a remplacé dans leur vie la richesse des rapports humains authentiques, le plaisir des sorties entre potes, des discussions à la récré, des rendez-vous au ciné, en forêt ou au centre commercial…
Les ados continuent à avoir besoin de se rencontrer pour vivre et partager des expériences. Les réseaux sociaux peuvent même créer des ponts intéressants. On va poursuivre une conversation entamée à la cafet’ en chattant à la maison, exprimer un ressenti dans un groupe WhatsApp, draguer en ligne la fille ou le mec qu’on n’ose pas aborder dans les couloirs du lycée…
Cependant, être en relation en distanciel ne suffit pas. La récente crise sanitaire a montré à quel point les confinements ont bouleversé l’existence des ados, les privant des contacts humains nécessaires à leur épanouissement mental et psychique. En tenant compte de leur hyperconnexion mais également de leur besoin de “ vraies ” relations, quel est le rapport des ados au collectif en 2024 ? En colo, en Bafa, ou lors d’activités collectives, comment conjuguer leur insistante demande d’être reliés à leur smartphone, tout en misant sur l’ici et maintenant de la vie de groupe ? Les ados qui s’organisent pour partir en itinérance préparent un repas ou construisent leur abri pour la nuit, vivent-ils finalement des choses tellement différentes des colos d’antan ?
Pour permettre aux jeunes de participer pleinement à ce qui les entoure il faut un cadre capable de prendre soin d’eux et d’elles dans leur globalité et dans leurs contradictions. Il faut garantir des espaces-temps sécurisés d’expérimentation, de découverte de soi et des autres, sans jugement ni disqualification. De tels espaces ne peuvent exister qu’avec le concours de personnes adultes engagées et conscientes de leurs besoins et de leurs réalités. Des adultes qui auront l’audace de leur faire confiance.
Crédit photos : Guillaume Viger.