Jeu de l'oie

Quand les enfants jouent et découvrent l’universalité d’un jeu, en remettant en cause les détournements utilitaires que cherchent à en faire les adultes.
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Règles du jeu

- Le plateau représente un parcours de 63 cases.

-Le jeu se joue avec 2 dés.

-Le premier arrivé à case 63, dans le Jardin de l'Oie, gagne la partie.

-S’il ne tombe pas juste, il retourne en arrière.

-L'oie est sur des cases bénéfiques disposées de 9 en 9, le joueur qui tombe sur la case d’une oie double ses pas.

-Qui tombe sur la case 6, où il y a un pont, ira à la case 12.

-Qui tombe sur la case 19, où il y a un hôtel, se repose pendant deux tours.

-Qui tombe sur la case 31, où il y a un puits, attend qu'on le relève.

-Qui tombe sur la case 42, où il y a un labyrinthe, retourne sur la case 30.

-Qui tombe sur la case 52, où il y a une prison, attend qu'on le relève.

-Qui tombe sur la case 58, où il y a une tête de mort, recommence du début.

« A l’Oie ! A l’Oie ! A l’Oie !...Tiens voilà le Roi des rois, précédant le jeu de l’oie …» chantaient les personnages d’Offenbach, de Meilhac et d’Halévy dans l’opéra « La belle Hélène » à propos du mythologique Agamemnon.

Le jeu de l’oie a parlé et parle à des générations d’enfants et d’adultes, qui le connaissent pour y avoir joué un jour. Un jeu basé sur le hasard et remontant au Moyen Age, qui amène les joueurs à progresser symboliquement dans une sorte de pèlerinage humain traversant la vie. Si la marelle a le ciel pour but, ici c’est le jardin de l’Oie. On retrouve également la structure du conte dans ce jeu. C’est une quête avec un cheminement ponctué par des adjuvants qui vont faciliter la tâche du héros, comme les oies ou le pont, mais également des opposants, qui vont tenter de ralentir son cheminement, comme le puits, l’hôtel, la prison ou la mort.

Le jeu de l’oie me semblait être un incontournable de la culture ludique, aussi quelle ne fut pas ma surprise lorsque au détour d’une lecture, je m’aperçus que la plupart des enfants de 7, 8 ans d’une classe, ne le connaissaient pas. Deux seulement y avaient joué. Ils apportèrent leurs jeux en classe, moi aussi. On joua. Certains demandèrent à leurs parents et grands parents s’il y avait des jeux de l’oie à la maison. Et de nouveaux jeux arrivèrent en classe. Des élèves firent même des recherches sur Internet. Ils constatèrent qu’au fil du temps et des modes, les plateaux de jeux avaient évolué avec leurs graphismes, leurs thèmes, leurs objets et leurs personnages représentés. Pourtant quelle que soit l’époque, on trouvait toujours les mêmes invariants sur les mêmes cases et une règle intangible. Cela semblait les fasciner. Je proposai aux enfants de fabriquer leurs propres jeux, ce qui rencontra une vive adhésion. Après avoir placé les oies, le puits, la tête de mort… et autres incontournables, chacun imagina d’illustrer les cases restantes en fonction de ses goûts et de ses envies, allant de Star Wars, aux objets, animaux et éléments de natures diverses. Ils eurent donc ensuite l’occasion de jouer à la fois sur les plateaux manufacturés, mais également sur leurs propres créations, qui tout en respectant des cases historiques et intangibles, s’adaptaient à leurs personnes et leurs univers. L’oie devint complice du groupe. Une espèce de fil rouge, qui se prolongea durant l’année.

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Lorsque je racontai à d’autres enseignants de l’école que la plupart des enfants de cette classe ne connaissaient pas le jeu de l’oie et l’avaient découvert avec plaisir et intérêt, certains collègues furent très étonnés. Ils me dirent qu’ils avaient fait jouer à de nombreuses reprises les mêmes élèves à ce jeu lors de séances de mathématiques. En regardant les plateaux de jeu qu’ils avaient utilisés et qui étaient tirés de manuels, de fichiers de maths ou de documents trouvés sur Internet, je compris ce mystère.

Dans ces « jeux » de l’oie qui avaient été proposés aux élèves, point de symbolique, point d’invariants, mais des parcours aménagés et des règles édictées en fonction de compétences mathématiques à acquérir ou réviser. Les enfants n’avaient pas fait la confusion entre un exercice de maths présenté de façon ludique et un jeu. Quand ils ont dit qu’ils ne connaissaient pas ce jeu, c’était donc la pure vérité.

Le jeu de l’oie est sans doute victime de sa grande richesse. En plus de la symbolique et du plaisir de jouer à avancer dans cette quête du jardin de l’oie, il a un intérêt indéniable sur le plan de la construction du nombre et du calcul. Ce qui fait que l’on trouve profusion de détournements et d’adaptations « utilitaristes ». Des simulacres, qui ont vidé le jeu de son sens initial.

Un jeu porte sa finalité en lui. On joue pour jouer, pour gagner, pour se faire plaisir… Et à travers le jeu on se construit et on apprend. Mais lorsque les adultes cherchent à détourner cette activité de sa globalité intrinsèque, ils la transforment en exercice. Heureusement, les enfants sont là pour nous rappeler le sens du mot jouer.

Les Cahiers de l'Animation (n° 95, juillet 2016)

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