Campeur de banlieue

Entre rêves de robinsonnade des animateurs et appréhensions des jeunes urbains, le séjour en camping réserve bien des surprises
Le centre de vacances accueille des jeunes d'une municipalité de la banlieue rouge dans le cadre de colonies de vacances depuis plus de quatre-vingts ans. Ils ont entre 9 et 12 ans et forment un groupe cosmopolite à l'image des quartiers dans lesquels ils habitent. Dans ce contexte, une équipe d'animateurs férue de camping et de nature cherche à favoriser les nuits sous la tente durant un mois de juillet ensoleillé.
Média secondaire

Ces nuits sous toile en dehors du centre de vacances sont pensées par les animateurs pour de petits effectifs de jeunes et s'apparentent à des départs en vacances pendant les vacances ; une parenthèse dans la parenthèse. Pour terminer la vérification du matériel de camping, un des animateurs de l'équipe monte quelques tentes dans la cour du centre, à proximité du terrain en bitume où se déroule un match de foot. Quelques jeunes proposent d'apporter leur aide et se joignent à l'animateur. Dès lors, plusieurs tentes prennent forme le temps d'en vérifier l'état. L'envie de partir quelques jours ensemble sera, pour beaucoup, une première expérience de nuits passées dehors.

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La tentation d'une île

Direction le petit terrain boisé – muni d'un accès direct à l'océan – dont est propriétaire la municipalité organisatrice.

Ce lieu paradisiaque pour de jeunes Robinsons est un endroit privilégié pour la venue de petits groupes de campeurs, aux yeux des animateurs. Un aménagement préalable a été effectué. Le terrain est muni de quelques rondins de bois, d'une table, de douches solaires, de toilettes sèches et d'un bidon dans lequel il est possible de faire du feu. De prime abord, les jeunes citadins trouvent l'environnement austère. Les conditions de vie semblent pour eux trop rudimentaires voire même hostiles de par la présence d'orties et de quelques moustiques attirés par la fraîcheur du lieu. Les jeunes se pressent tout de même vers les tipis dans lesquels il est prévu de passer la nuit. L'heure est à l'installation des tapis de sol et des duvets. Certains proposent de parfume rle lieu à l'aide de leur déo qu'ils ont «heureusement » apporté.

D'autres n'osent s'asseoir par terre déplorant la présence de « bêtes ». Il s'agit alors pour les animateurs de rassurer les jeunes de manière à évacuer les peurs de fourmis, araignées ou autres vers de terre. Cette dédramatisation de la part des animateurs semble primordiale, tout comme l'écoute et la compréhension des appréhensions que les jeunes expriment. La vie s'organise, l'espace s'aménage. Pour autant, les notions d'hygiène et de propreté sont aussi percutées par la réalité du moment. Certains comparent la situation qu'ils vivent à leurs séjours au bled, d'autres l'apparentent davantage aux camps de roms qu'ils ont l'habitude d’apercevoir dans leur quartier.

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La vie sauvage

Le dégoût et la gêne relatifs à la situation s'évacuent peu à peu lorsque certains commencent à monter dans les arbres. Les animateurs ont sorti des couteaux pour tailler du bois et des scies pour construire une cabane. Garçons et filles s’affairent à la construction et s'approprient un espace qu'ils jugeaient, encore récemment, sauvage.

Par la suite, des brindilles et des branches sont ramassées pour allumer un feu. Les jeunes craquent des allumettes donnant naissance à de belles flammes qui passionnent le groupe durant de longues heures. Les bruits de la nuit noire n'impressionnent plus personne lorsqu'un des animateurs sort de sa poche un harmonica. Armés de leurs lampes de poche, certains cherchent du bois pour continuer d'alimenter le feu. La veillée se conclut par quelques sucreries sublimées par les braises. Les jeunes rejoignent leur duvet, les animateurs s'assoient sur la plage et écoutent le bruit des vagues. Aux premières lueurs du jour, ces mêmes animateurs se lèvent et profitent du spectacle des écureuils, avant qu'un à un les jeunes ne les rejoignent dans un lieu désormais familier. Après le petit déjeuner, certains jeunes rejoignent la plage.

Les craintes de la veille semblent déjà bien évacuées lorsque les plus téméraires attrapent des dizaines de crabes à mains nues dans les rochers. De retour au centre de vacances, le récit des jeunes suscitera l'envie de départ de nombreux autres. L'expérience sera réitérée plusieurs fois pour ceux qui le souhaitent, jusqu'à ce que le moment soit venu de retourner pour de bon sur les dalles de la cité.


Cet article est issu des Dossiers 23 des Cahiers de l'animation