Comment décrypter notre manière de nous informer ?
Crédits photos : Nations-Unis
Partie 1 – La thématique
Le parcours proposé ci-dessous est un parcours d’éducation aux médias et à l’information segmenté en 5 ateliers, pour un public d’une dizaine de jeunes à partir de 10 ans, le contenu pouvant a priori être adapté à un public plus âgé en approfondissant certains contenus.
Ce choix d’un parcours sur plusieurs séances se justifie par la volonté de proposer une démarche éducative prenant en compte les apprenants et leurs pratiques et proposant des clefs de compréhension ludiques pour leur permettre d’envisager de façon responsable leur rapport à l’information, aux médias, au savoir et au monde qui les entoure.
Ce parcours en plusieurs temps permet de proposer une séance de rencontre et d’introduction ainsi qu’une séance dédiée à la valorisation des enjeux du programme autour d’un jeu de rôle, permettant d’appliquer une grille d’observation pour évaluer la réception du message proposé.
Ces ateliers comportent une dimension collective et pratique qui doit permettre d’éviter une position descendante des contenus mais privilégier un apprentissage en commun et permettre un retour critique sur ses pratiques personnelles et collectives.
Cette démarche doit permettre de valoriser les interactions avec les autres participants et les outils proposés et permettre un engagement maximum de l’apprenant. L’intégration d’éléments volontairement relatifs au savoir, et en particulier à l’histoire, au sein de cette démarche éducative, permettra de travailler le sujet des médias et de l’information, comme un fait anthropique et ainsi permettre d’objectiver et de relativiser ses pratiques.
Il s’agit alors d’articuler temporellement ce détour par l’histoire, en deux sens distincts : prendre des exemples historiques en dehors de l’époque moderne où les médias au sens où on les entend aujourd'hui jouent un rôle majeur, ceci afin d’accentuer la relativité du fait que l’on veut faire considérer, et ne pas conforter l’information dans ses enjeux contemporains et les valeurs toutes relatives qu’ils véhiculent.
Le deuxième volet de l’articulation temporelle de ce rapport à l’histoire prend place dans le déroulé lui-même des ateliers : il s’agit de faire des allers-retours entre cette dimension historique qu’est l’information et les enjeux plus prosaïques des pratiques des jeunes et leur rapport aux médias aujourd’hui. Ces interactions entre dimension historique critique et enjeux contemporain permettent ainsi d’aborder les relations entre démarche scientifique, démarche journalistique et enjeux pragmatiques auxquels les apprenants doivent faire face pour aborder le monde qui nous entoure dans leurs pratiques des médias et de l’information.
Partie 2 – Mise en pratique
Titre de l’activité : Apprendre à décrypter l’information
Publics cibles: A partir de 10 ans
Intervenant.e.s : Professionnel.le.s intervenants sur les questions d’éducation aux médias et à l’information.
Durée globale : 5 ateliers de 1h30
Objectifs généraux :
L’objectif de ce parcours est de travailler les sujets en profondeur et sur la durée, en prenant le temps d'intégrer les participants à la démarche. Avant le premier atelier, un temps est organisé avec les parents des participants, afin de leur présenter la démarche qui va être initié avec leurs enfants, et dans un même temps, les sensibiliser aux dangers d'internet et leur donner quelques outils de protection et de vérification de l'usage des réseaux par leurs enfants.
Etape 1 – Introduction et comment les participants « consomment » l’info
Le premier atelier est une introduction au parcours, avec une animation pour que les dix participants et les animateurs se présentent et se rencontrent. L'animation consiste à présenter son voisin après une minute d'échange autour des pratiques d'utilisation des médias et d'internet, en se posant la question : "comment tu t'informes ?". A la suite de ce temps, les participants sont amenés à effectuer le quiz, « Réseaux-sociaux où en êtes-vous? » proposé par les Cemea sur l'usage des réseaux sociaux pour évaluer leurs connaissances sur le sujet.
Pour continuer la séance, les intervenant.es proposent de jouer au « téléphone arabe », utilisé comme indice pour faire deviner aux participants le thème du parcours, à savoir le problème de l'information : la manière dont elle est transmise et la manière dont elle est reçue.
Pour clôturer ce premier atelier, les intervenant.es prennent un temps pour aborder le thème des « fake news » historique, avec l’exemple de trois fausses informations dans l’Histoire : la mort de Charles II d'Espagne annoncée 5 ou 6 fois avant sa vraie mort, l'accident de Tchernobyl considéré initialement comme "non dangereux" par les médias français, la médiatisation problématique de la guerre d'Algérie comme "voix du gouvernement français" (source vidéo : https://www.franceculture.fr/histoire/les-fausses-information-dans-lhistoire).
Objectif : Inclure les participants activement dans le parcours dès le départ en abordant les thématiques de l'information, les pratiques de chacun et commencer à aborder le thème de la "fake news" qui sera tout particulièrement travailler au sein de ce parcours.
Etape 2 – Fiction contre réalité
Le deuxième atelier à pour thématique "fiction vs réalité" d'un point de vue historique. La séance débute en demandant aux participants de citer des films et des séries se déroulant dans un contexte historique précis et discuter de ces représentations. A la suite de ce temps d’échange, les intervenant.es, proposent aux participant.es de visionner des extraits de films traitant de période ou de personnages historiques importants.
Suite au visionnage des extraits, les participant.es devront chercher sur internet des éléments historiques sur la période du film afin de confirmer des faits ou corriger des erreurs. Cet exercice permet d'introduire des outils de recherche d'information sur Internet, tels que Gallica.
Il est tout à fait possible de le décliner avec d'autres produits culturels tels que des romans ou des peintures. L'important est d'insister sur la nécessaire distinction ente le fait ou la période de sa représentation.
Pour finir, un temps d’introduction à la prochaine séance sera proposé aux participants à la fin de l’atelier : quels sont les points communs et les différences entre les produits culturels et les médias ? Peut-il également y avoir des informations fausses dans les médias ?
Objectif : Apprendre à faire la différence entre la fiction et la réalité dans une œuvre artistique. Dans l'idéal, partager le réflexe de vérification ou d'approfondissement des faits après avoir vu un film où lu un livre par exemple, en utilisant des bons outils.
Etape 3 : Les infox
Le troisième atelier porte sur le danger des infox dans les médias. La première heure est consacrée à l'histoire des médias traditionnels (journaux papiers, radio, télé) avec des exemples de "fake news" associés à ces médias. Un des exemples choisie, est la légende selon laquelle Orson Welles, en adaptant La guerre des mondes à la radio en 1938 aurait répandu la panique auprès des Américains, ayant cru à une vraie invasion extra-terrestre.
Des recherches historiques a posteriori ont montré que cette panique avait été largement exagérée par les journaux papiers, menacés à l'époque par l'émergence de la radio comme nouveau média de masse. L’exemple choisi, permet d'illustrer le danger des médias (ici surtout les journaux papiers finalement) ayant d'autres objectifs que de simplement transmettre une information. Pour terminer sur les médias traditionnels, les intervant.es demandent aux participant.es de comparer 2 ou 3 articles de presse issus de divers journaux, mais portant sur le même événement, afin d'illustrer les différentes lignes éditoriales et apprendre à distinguer le fait objectif de l'opinion subjective.
La deuxième heure est consacrée aux nouveaux médias avec l'émergence du numérique (blogs, chaînes Youtube, réseaux sociaux...), en demandant aux participants de lister ceux qu'ils connaissent et utilisent (écho au premier atelier).
Les dangers sont similaires aux médias traditionnels mais il y aussi l'apparition de nouveaux dangers : l'information ne peut pas être contrôlée, peut venir de n'importe qui, peut être modifiée, peut être transmise très rapidement et devenir virale, est difficilement effaçable... Après cette énonciation des dangers possibles, une initiation aux logiciels de retouche d'images (paint ou photoshop) sera proposée, afin de montrer la facilité avec laquelle une image peut être retouchée et la nécessité d'être vigilant.
Objectif : Distinguer le fait de l'opinion chez les journalistes, mais aussi de manière générale.
Etape 4 – Initiation aux outils de fact checking
Le quatrième atelier débute par une initiation aux outils de fact checking avec des exemples concrets (usage de google image, Youtube data viewer...). La suite de l'atelier porte sur le complot, en montrant quelques vidéos explicatives et d'exercice (vidéos issues de https://theoriesducomplot.be). L'exercice de la séance s’intitule "invente ton complot" et, comme son nom l'indique, les participants seront divisés en petit groupe de 4 et devront créer leur propore complot. Chaque équipe devra trouver des "preuves" sur internet pour asseoir sa théorie : images (possibilité de construire ses preuves en retouchant l'image), textes, musiques...
Les intervant.es commenceront en présentant un premier exemple : «les chats dominent le monde » (chats dissimulés dans des publicités, au gouvernement etc..).
Objectif : apprendre à démêler le vrai du faux dans les informations consultées par la maîtrise d'outils concrets, et montrer à quel point il est facile et rapide de lancer une rumeur et un complot : sensibiliser à ces dangers et insister sur la nécessité de prendre du recul sur chaque information.
Etape 5 : Conclusion ludique et grille d’observation
Le cinquième et dernier atelier sert de conclusion au parcours. L'idée étant de faire une conclusion ludique et participative, à l'image des ateliers précédents, autour d'un jeu. Ce jeu sert de grille d'observation, permettant aux intervant.es d'observer si les objectifs de chaque atelier ont bien été atteints et s'il reste des lacunes sur certains aspects. Ceci permet de repérer des oublis ou incompréhensions dans les sujets et outils abordés, et de revenir sur ces derniers.
Un temps d’échanges, de bilan est également prévu à la fin de l’atelier, pour entendre les ressentis des participants sur le parcours : ce qu'ils ont appris, ce qu'ils ont préféré, les problèmes qu'ils ont pu rencontrer...
Objectif : évaluer les objectifs des ateliers précédents autour d'un jeu (permettant de voir ce que les participants ont retenu), revenir sur des points oubliés ou incompris, avoir un retour des participants sur le parcours.
Principe du jeu final :
Première phase : les 10 joueurs sont divisés en 2 équipes de 5, une personne est désignée dans chaque équipe comme l’indicateur.
L’indicateur avec l’aide de son équipe, doit associés des images disposées sur une grille, au centre de l’espace de jeu, à partir de noms d’épisodes historiques. Un nom d’épisode historique est associé à plusieurs images.
Ces épisodes historiques sont relatifs à des fake news historiques. Pour faciliter le jeu, il est proposé de prendre des faits historiques dans trois grandes périodes : “ l’antiquité”, “le Moyen-Age”, “l’époque moderne”. Cinq épisodes historiques sont choisis au sein des trois grandes périodes en amont par les intervenant.es.
Seuls les indicateurs des deux équipes, disposent de la grille d’images devant eux. Pour associé les images au faits historiques, les indicateurs vont devoir faire deviner à leurs équipes respectives les associations d’image en leur disant aux choix en fonction de la difficulté souhaitée le nom de l’épisode historique, ou quelques mots en lien avec l’événement.
Les indicateurs, n’ont pas le droit de donner d’indices supplémentaires, autre que le nombre de mots définis au préalable par les intervenant.es, et n’ont pas le droit de mimer des actions en lien avec les faits historiques: ils doivent être neutres.
A chaque tour l’indicateur donne un nombre d’images à trouver, si l’équipe trouve la bonne image elle peut continuer, si elle se trompe c’est à l’autre équipe.
L’équipe qui trouve le plus d’association « image-faits historiques » a gagné.
Seconde phase : Les 10 joueurs sont divisés en 5 équipes de 2 joueurs. Sont distribués à tous les joueurs des données (textes, sons, vidéos, images...) sur les fakes news historiques auxquelles font référence les titres et images qui leur ont déjà été fournis, lors de la première phase de jeu. Chaque équipe prend en charge un des faits historiques et il lui est remis de manière confidentielle un dossier comportant des données pour approfondir la mise en relation des images avec l’épisode. Cependant deux équipes ont un dossier qui ne contient rien ou des informations fausses.
Après un temps donné de prise de connaissance des données, les équipes vont devoir se réunir pour expliquer chacune leur tour pourquoi ces images sont associées au fait historique qu’elles ont choisi. Ceux qui n’ont pas d’information confirmée à exposer vont devoir se débrouiller pour trouver une explication crédible. Après un premier tour de table, toutes les équipes discutent et votent pour éliminer l’équipe dont elles jugent que le discours ne tient pas la route et qu’ils sont des embobineurs. Un deuxième tour de table doit permettre d’approfondir et de discuter certains détails pour ensuite voter et éliminer une deuxième équipe.
Les gagnants sont les embobineurs si ceux-ci ne se sont pas faits démasqués.
Sources utilisables pour ce parcours
France Culture, vidéo : https://www.franceculture.fr/histoire/les-fausses-information-dans-lhistoire France Culture, podcast : https://www.franceculture.fr/emissions/concordance-des-temps/lhistoire vraie-des-fausses-nouvelles
France Culture : https://www.franceculture.fr/conferences/maison-de-la-recherche-en-sciences humaines/complot-ce-mal-qui-ne-fait-que-croitre
Télérama, série de podcasts : https://www.telerama.fr/radio/detrompez-vous-cinq-podcasts-pour saguerrir-face-aux-fake-news,n6367420.php
théorie du complot : https://theoriesducomplot.be /
« produire, communiquer, partager des inforamtions », lumni : https://education.francetv.fr/matiere/education-aux-medias/cinquieme/video/la-theorie-du complot?sectionPlaylist=&program=les-cles-des-medias
Sources Cemea :
outils d'animation : https://yakamedia.cemea.asso.fr/univers/animer/activites-autour-des medias-et-du-numerique/medias-de-l-information
« Réseaux sociaux où en êtes-vous » : https://yakamedia.cemea.asso.fr/univers/animer/activites-autour-des medias-et-du-numerique/medias-internet/reseaux-sociaux-ou-en-etes-vous-testez-et approfondissez-vos-connaissances
« Information ou infox, comment faites-vous la différence » : https://yakamedia.cemea.asso.fr/univers/animer/activites-autour-des-medias-et-du-numerique/medias-de-linformation/information-ou-infox-comment-faites-vous-la-difference-testez-et-approfondissez-vos-connaissances
« Liberté de la presse / liberté d’expression, ça s’apprend ! » : https://yakamedia.cemea.asso.fr/univers/animer/activites-autour-des-medias-et-du-numerique/medias-de-linformation/liberte-de-la-presse-liberte-dexpression-ca-sapprend-parcours-pour-les-jeunes
« S’informer, ça s’apprend ! », Clemi : https://yakamedia.cemea.asso.fr/univers/animer/activites-autour-des-medias-et-du-numerique/medias-de-linformation/sinformer-ca-sapprend
Citations intéressantes :
“La communication peut aussi bien être instrument de pouvoir, qu’arme révolutionnaire, produit commercial ou moyen d’éducation. Elle peut contribuer à la formation de la personnalité individuelle comme à l’enrégimentation uniforme des êtres humains.” Rapport McBride, UNESCO, 1980
“Déjà au VIe siècle avant notre ère, le général et stratège chinois Sun Tzu expliquait dans l’Art de la guerre toute l’importance de la tromperie et de la duperie dans la conduite d’un conflit. Il insistait notamment sur la nécessité de trouver un compromis entre vérité et mensonge, afin de rendre les fausses nouvelles les plus crédibles et efficaces possibles. Pour ce faire, il fallait bien calibrer son objectif et notamment les personnes-cibles, en jouant sur une autre combinaison, à savoir le couple affect-intellect.”
The conversation, 24 septembre 2018, "Les fausses nouvelles : une histoire vieille de 2500 ans" (https://theconversation.com/les-fausses-nouvelles-une-histoire-vieille-de-2-500-ans-101715)