LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Pour un autre rapport au monde

Voyager à l'international, ce n'est pas chercher l'exotisme à tout prix, c'est partir à la découverte des autres et de soi dans une démarche responsable
Média secondaire

Alors que le tourisme de consommation se développe avec les possibilités de voler « pas cher » d’un pays à un autre, il est plus que nécessaire de réaffirmer la nécessité d’un tourisme et de voyages éducatifs responsables et actifs. Alors que la marchandisation de l’éducation devient une réalité, la lutte pour la promotion et la reconnaissance des vacances éducatives doit devenir quotidienne. Dans ce contexte, les Ceméa et leurs partenaires, réaffirment la nécessité de :
– Lutter pour un tourisme et des séjours éducatifs permettant un départ, un accueil, une rencontre éducative comme la prise de conscience d’un « ailleurs ».
– Prendre position contre une approche consumériste du « voyage pour le voyage ».
– Lutter pour un rapport à la langue comme source de créativité, pour apprendre à connaître l’autre, réfléchir aux enjeux politiques et aux pratiques sous-jacents à l’apprentissage de la langue et à sa sensibilisation.
– Poser des alternatives aux cours et séjours linguistiques commerciaux en développement.

Aujourd’hui, de nombreux séjours de vacances collectives d’enfants et de jeunes se déroulent dans d’autres pays, avec de nouveaux partenaires. Pour les Ceméa, ces séjours doivent continuer à devenir de véritables leviers de transformation de la personne et acteurs de transformation sociale. Mais pour quel projet et sur quels principes éducatifs ?

Ces espaces éducatifs doivent représenter des tremplins de découvertes à d’autres milieux et repères, de sensibilisation à d’autres langues et façons de penser, d’apprentissages à voyager, à rencontrer l’autre et soi-même. Nos principes d’Education nouvelle doivent être au coeur des séjours de vacances collectives dans d’autres pays ; « La collectivité doit avoir un but précis commun. La collectivité ne doit pas oublier le monde extérieur ».

 

Un séjour à l'étranger n'est pas du hors sol !

La prise en compte du milieu, la place de activité comme support de rencontre avec l’autre et de découverte de soi, le rapport à l’autre et au monde sont des principes d’Education nouvelle qui continuent à guider notre agir dans les séjours à l’étranger. Ils ne peuvent prendre forme aujourd’hui sans intégrer les questions de partenariat, de préparation au départ et à l’accueil, de travail sur les représentations et de sensibilisation à la langue. Nous réaffirmons l’importance des séjours de vacances collectives à l’étranger, comme entraînement pour soi et avec d’autres à un autre rapport au monde ! Pour un meilleur « usage du monde », il nous faut continuer à sensibiliser les équipes d’animation et les organisateurs aux questions d’immigration, les inciter à mettre en oeuvre une éducation interculturelle et à créer des réseaux européens et internationaux autour du loisir éducatif.

Notre rapport au monde

Notre société est de plus en plus mondiale, tant dans les échanges économiques, que dans les déplacements de populations. Un des principes de l’Education nouvelle est de comprendre le monde qui nous entoure pour agir dessus et de comprendre la personne dans son environnement. « Le milieu de vie joue un rôle capital dans le devenir de l’individu », disait Gisèle de Failly. En ce sens, nous militons pour une ouverture au monde, parce que partir ailleurs n’est pas seulement une découverte consumériste, exotique ou une circulation marchande. Partir ailleurs, pourrait être mieux
comprendre son voisin au quotidien, au retour d’un séjour à l’étranger ou d’une rencontre internationale. C’est aussi prendre conscience qu’une interaction continuelle existe entre ce qui se passe dans un autre pays et notre quotidien. Créer cette interaction continuelle, en développant des projets stimulant les rencontres, entre l’ici et l’ailleurs, c’est contribuer à un autre rapport au monde ! Désormais les niveaux, du micro-local au global sont parfaitement interdépendants et indissociables. En tant que mouvement d’éducation, c’est contribuer à apprendre à lire autrement le monde. Faire vivre à des jeunes, en vacances collectives, des expériences européennes et internationales autour d’un projet, c’est aller vers une autre mondialisation. L’objectif à terme est de favoriser différentes formes de solidarités internationales et de contribuer à une éducation au développement.

Les questions de l'immigration

La recrudescence du racisme et des peurs liées aux questions de l’immigration, des idées d’extrême droite liant les questions de l’immigration aux problèmes de chômage ou de sécurité, a renforcé une forme « d’ethnicisation » de l’immigration. Réaliser un séjour à l’étranger, se décentrer de sa propre situation peut être un outil, une occasion de mieux comprendre ce que l’on vit au local. Vivre un séjour à l’étranger, c’est l’occasion de prendre conscience de ses préjugés et d’aller au-delà. Rencontrer l’autre pour mieux se rencontrer : cet effet miroir permet de re-visiter ses pratiques… Effectivement, rencontrer l’autre c’est toujours aussi se rencontrer soi à travers l’autre comme miroir.
Partir, vivre dans un autre pays d’Europe ou du monde, être confronté à d’autres langues, d’autres repères quotidiens et fonctionnements sociaux – les transports, les magasins, les services publics, les rituels entre les personnes, le rapport au temps et à l’espace – toutes ces situations peuvent contribuer à la transformation de sa propre personne pour un autre rapport à l’autre.

Une éducation interculturelle

La question de l’interculturel pose dans un premier temps des questions sur notre rapport à l’autre. Ce rapport est complexe à mettre en oeuvre. Comment gérer le conflit accentué par les différences culturelles ? Comment accepter l‘autre, vivre un rapport égalitaire malgré les différentes approches ? Ne pas questionner ce rapport, ces sentiments diffus et complexes, c’est prendre le risque de tomber soit dans l’ethnocentrisme – peur de l’autre et refus de la différence avec une défense du moi et repli sur soi – soit dans l’exotisme – fascination sans distanciation de l’autre.
Cela nécessite de prendre conscience à la fois des enjeux de société et de la complexité de mettre en œuvre cette éducation. Cette démarche éducative n’est en rien naturelle : elle se réfléchit et nécessite de construire des démarches particulières au sein des séjours et des rencontres internationales de jeunes. « Pour arriver à créer une Europe interculturelle et une autre mondialisation, il est donc nécessaire aujourd’hui d’apprendre d’abord à connaître les autres et d’apprendre à se connaître soi-même, dans un rapport permanent à l’altérité. Il faut être conscient de sa propre culture, de ses références et entrer dans un dialogue réel avec les autres pour pouvoir ensuite construire des solutions ensemble. »

Créer des réseaux à échelle européenne et internationale

Le secteur des vacances collectives doit pouvoir contribuer à ces enjeux et à ces objectifs. Il est plus que jamais nécessaire de créer des partenariats sur des combats pour une Europe de l’éducation et une autre mondialisation. Les Ceméa et leurs partenaires associatifs européens et internationaux sont persuadés de l’importance de la concertation et de l’élaboration de stratégies éducatives fondées sur la réciprocité des relations et les apports croisés entre partenaires. C’est dans ce cadre que nous agissons dans différents projets et partenariats à l’échelle européenne. Entre autre, une action-recherche est actuellement en cours autour d’un cadre commun à l’animation volontaire en Europe, avec les Ceméa du Piémont, l’Institut national des Enfants et de la Jeunesse du ministère de l’Education de la Jeunesse et des Sports de la République Tchèque, et l’Escuela de Madrid. Les différents acteurs du loisir éducatif à l’échelle européenne et internationale doivent s’engager sur des projets et des chantiers fondés sur une stratégie collective pour faire reconnaître leurs conceptions éducatives des séjours de vacances et des rencontres internationales de jeunes.
L’engagement de chacun, de sa place, organisateurs, équipes d’encadrement, participants est indispensable pour poser une alternative aux logiques marchandes et consuméristes.


Cet article est issu du Dossier 17 des Cahiers de l'animation, Séjours à l'étranger