Itinérance en camping-car

Partir en colo itinérante ? Oui mais dans une maison sur roulettes pour aller à la rencontre de soi et des autres, jusqu'au bout du monde. Ou, quand le pittoresque rejoint l'aventure dans un espace à géométrie variable
Média secondaire

La première fois que Jocelyn m'a parlé de ce projet de colo itinérante en camping-car en pays anglo-saxon, je n'étais pas très motivée ; je suis plutôt attirée par les itinérances « baroudeuses », à pied ou à cheval, en camping ou en bivouac. Cela correspond plus à mes plaisirs personnels. Je lui trouvais un peu « trop » ce côté mode de déplacement « de luxe ». N'était-ce pas un coup de pub de l'organisateur plus qu'un outil au service du projet pédagogique ? L'organisateur nous répondait
que le séjour étant axé sur la découverte linguistique, le confort d'un endroit sec dans un pays « exotique » comme l'Écosse n'était pas du luxe. Côté humidité, il n'avait pas tout à fait tort. Et pourtant, j'ai trouvé l'expérience intéressante à plusieurs points de vue.

Cemea

 

La vie à bord du camping-car

Tout d'abord, il faut bien l'admettre, les jeunes (13-15 ans) adorent et ont en partie choisi ce séjour pour cet attrait particulier. C'est souvent la première fois qu'ils voyagent et dorment dans un camping-car. Ce côté maison miniature les fascine et les attire beaucoup. Il est parfois difficile de les faire sortir tellement ils s'y sentent bien. Cela ne nous a pas empêché de prendre nos repas et de faire des activités en extérieur. Nous laissions volontiers les camping-cars pour prendre des transports en commun ou marcher lorsque c'était possible. Les jeunes comprenaient très bien que déplacer quatre camping-cars au cœur d’Edimbourg relèverait davantage du cauchemar que de l'aventure pittoresque.
Le même camping-car avait deux affectations bien définies : la nuit, c'était l'espace privé du groupe qui s'organisait, s'étalait et investissait le lieu quand dans la journée, les affaires étaient rangées afin que chaque camping-car devienne un espace collectif pour les repas et les déplacements. Pendant les déplacements, les jeunes changeaient de camping-car, en fonction des affinités et des places disponibles !

Pour la vie quotidienne, les douches et les toilettes du camping-car n'étaient pas utilisées. C'était un parti-pris de l'équipe de garder l'eau pour les usages collectifs, le groupe étant dans la nature (hors camping) pendant la moitié du séjour. Il fallait alors gérer l'eau pour la cuisine, la vaisselle, les brossages de dents et les toilettes de chat. Ce qui posait le plus de problème pour les jeunes était le lavage de cheveux, qui ne pouvait plus être quotidien. Mais cela faisait partie de l'aventure et cette contrainte a été assez bien intégrée. L'électricité venant de la batterie, il fallait aussi faire attention aux lumières, à bien les éteindre, à bien mettre le frigidaire sur la batterie ou le gaz en fonction des lieux. J'ai trouvé un réel intérêt à cette gestion collective de ressources limitées.
La caravane de quatre camping-cars nous a valu de nombreuses rencontres, les personnes intriguées par cette folle équipée venaient spontanément discuter avec nous. L'accueil a été dans la majeure partie des cas, chaleureux et riche de rencontres.

Cemea

 

Quand la conductrice tend l'oreille

Une des dimensions la plus intéressante pour moi, a consisté à être conductrice pendant les déplacements. Dans chaque camping-car, un des jeunes avait la fonction de copilote et quatre autres étaient assis derrière. La proximité avec le co-pilote m'a permis de beaux moments d'échange avec certains jeunes. La durée des voyages et une quasi-intimité permettant de très beaux partages. Le groupe derrière, oubliait rapidement ma présence d'adulte et j'ai eu le privilège d'être la petite souris que nous voudrions bien être parfois, pour savoir ce qui peut bien se passer entre eux. Cela m'a beaucoup appris sur leurs préoccupations, leurs jeux de relations dans les moments « officiellement » partagés, ayant d'autres clés de compréhension. Et c'est vrai que c'est un confort d'être dans du « semi » dur en Écosse et en Angleterre, où il pleut un peu tous les jours.
L'aventure n'est pas la même mais elle me semble riche différemment. Je suis revenue sur mes représentations. Oui, c'est un cadre exceptionnel de séjour, mais il permet à des jeunes qui ne seraient jamais allés en camping de faire un premier pas vers l'itinérance, après avoir pendant plusieurs années vécu la sécurité d'une colo fixe.

C'est une étape vers d'autres aventures pour eux, et je pense qu'ils auront moins peur de la nature qu'ils rejetaient plutôt au début, mais qu'ils ont appris à aimer pendant le séjour, grâce à ce filtre et à cet espace intermédiaire. Je ressors de cette expérience convaincue qu'il y a de l'intérêt à faire un pas de côté parfois et oser des aventures qui ne nous tentent pas a priori. Cela nous a poussé à la créativité, à essayer d'utiliser ce moyen de transport en conformité avec le projet pédagogique que nous avions posé. Parce que finalement, le camping-car n'est qu'un moyen, tout dépend des fins auxquelles on veut l'utiliser !


Cet article est issu des Dossiers 22 des Cahiers de l'animation