LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Un autre regard d'animatrice

Quand sa première expérience d’animatrice BAFA se fait alors que l’on est soi-même parent de plusieurs enfants, quel regard porte-ton sur cette structure éducative spécifique que sont les séjours de vacances collectives.
Média secondaire

Une préparation essentielle

Deux week-ends de préparation avaient été organisés sur le lieu du séjour par la direction. Cela m’a permis de rencontrer l’équipe et de me familiariser avec le lieu. Le domaine était vaste et plutôt accueillant avec beaucoup d’espace extérieur ombragé, offrant de multiples possibilités de jeux pour les enfants. Repérer à l’avance le terrain, nous a permis d’y être plus à l’aise et de pouvoir accueillir et accompagner les enfants et les familles, le premier jour, avec confiance et sécurité. Cela nous a aussi permis de délimiter des espaces dans lequel les enfants pourraient circuler de manière autonome pendant le séjour. Durant le premier week-end, nous avons fait connaissance les uns avec les autres. Nous avons parlé de nos envies et de nos savoir-faire, découvert le lieu sous forme de rallye photo (munis d’un plan nous devions trouver des enveloppes cachées dans divers lieu du site, dans un ordre précis). Puis, nous avons découvert et réfléchi sur la pédagogie de Januasz Korczak, un médecin éducateur et écrivain, né en 1878 à Varsovie. Toute sa vie, il a œuvré auprès des enfants défavorisés. Il a créé un orphelinat en autogestion. C’est-à-dire gérer par les enfants. Korzack est à l’origine de la première charte des droits de l’enfant. Il a écrit de nombreux livres dont : Le Roi Mathias 1er, Quand je redeviendrai petit… Dans le contexte du séjour, l’idée était de nous appuyer sur certaines grandes idées de Korczak pour que les enfants soient acteurs de leurs vacances. Il était donc nécessaire de mettre en place des outils adaptés comme par exemple l’arbre à idée. Un arbre sur lequel les enfants accrocheraient des feuilles de papiers avec leurs idées, leurs envies. Lors des temps d’ateliers, un enfant pourrait changer d’activité s’il le désirait. L’utilisation de talkies permettrait à l’équipe d’animateur de rester informé lors des déplacements des enfants.

Pour amener les enfants à s’investir dans la vie quotidienne, nous avons défini des rôles, comme le plongeur pour la vaisselle des verres et des couverts (avec le symbole amusant de palmes et lunettes de plongée, pour qualifier ce mot étrange), le photographe (chargé de prendre des photos du séjour), le cuistot (participant au service des plats), le trieur (vidant le seau d’épluchures dans le compost et aidant au tri des déchets recyclables). Ces rôles seraient proposés chaque matin aux enfants, lors d’un temps de regroupement.

Pour que les enfants résolvent leurs conflits par eux -mêmes, nous avions également réfléchi à un temps de médiation, inspiré des écrits de J. Korczak, dans lequel les enfants auraient une participation active. Trois « grands sages », dont un adulte seraient nommés et écouteraient les diverses personnes en conflit. Après un temps de concertation entre « grands sages », ils proposeraient une solution pour sortir de la dispute. En réalité, nous n’avons utilisé cet outil qu’une seule fois, car sur un séjour d’une semaine, il est difficile de le mettre en place de manière régulière. A la suite de ces deux week-ends de préparation nous sommes restés en lien par mail pour continuer à échanger nos idées

Vacances collectives, vie quotidienne, activité et autonomie

L’idée de travailler sur ce séjour m’enthousiasmait, mais ayant peu d’expérience en animation j’étais inquiète. Je me demandais si je serais à la hauteur face au groupe d’enfants. Comment être entendu ? Comment être comprise ? Comment mener un groupe sur la durée ? Quinze préadolescents arrivèrent accompagnés d’une fille plus petite qui venait avec sa grande sœur. La diversité du groupe crée la richesse et la difficulté. Mais nous étions un peu stressé à l’idée de démarrer le séjour avec ces jeunes. Pas facile de répondre aux besoins de chacun et d’être attentive à tous les petits détails pour que les enfants trouvent leur place dans le groupe. Des aménagements étaient mis en place pour qu’ils expriment leurs envies, pour qu’ils participent aux divers moments de la vie quotidienne (entretien de chambres, mise de table, vaisselle…) et pour qu’ils se déplacent de manière autonome sur le site. Mais comment se situer dans cette organisation en tant qu’adulte accompagnant la prise d’autonomie de ces jeunes ? Donner un cadre et permettre l’autonomie ? L’équipe de direction nous a soutenus dans cette démarche et cette réflexion. Ce type de séjour aide les enfants à évoluer, ce ne sont pas les repères de la maison où ils vivent, ni ceux de l’école. Mais c’est un temps de vacances en collectivité. Un moment riche et fatigant, qui leur demande de s’adapter au nouveau lieu, aux autres enfants et à l’équipe d’animation.

Il y avait une enfant que je connaissais bien, parce qu’elle fréquentait la même école que mes enfants. Je pouvais décrypter sur son visage les moments où une attention particulière était nécessaire, une parole réconfortante, un petit moment pris à part. Mais il ne fallait pas que je sois la seule à pouvoir intervenir en refermant la relation sur une dualité. Nous étions une équipe d’animateurs et les autres adultes devaient pouvoir prendre le relais. Cette situation particulière m’a amenée à un regard plus personnel sur les enjeux de la vie de groupe et de l’équipe d’animation. Pour moi un séjour vacances collectives est important en termes d’éducation, car l’enfant ne se sent pas obligé de faire ou de participer. Il a le temps et la place de jouer, de se reposer, et d’être avec d’autres enfants. Il est incité à participer à toutes sortes d’activités et de tâches quotidiennes, qu’il peut faire avec ses pairs dans un cadre sécurisant, avec des repères et de manière amusante. Il a les moyens d’exprimer ses envies, ses besoins et l’équipe y répond autant qu’elle peut.

Animation, relations et éducation

La fonction d’animation amène à développer des relations à la fois avec une équipe d’adultes et avec des enfants. Nous avons vécu et travaillé ensemble durant trois semaines consécutives. Cela nous a permis de nous connaître et de mettre en lumière nos points forts et nos points faibles. La majeure partie de l’équipe d’animation débutait et l’entraide était de mise pour s’adapter aux situations et aux réalités du séjour. J’ai aimé passer du temps avec les enfants, découvrir leurs goûts et leur faire partager les miens dans les jeux, les lectures, les musiques, la nourriture… Les enfants m’intriguent, ils m’aident à me questionner, à rester « à la page ». Ils me surprennent et me réjouissent ! Je fais appel ici à diverses expériences (en tant que mère de famille et auxiliaire de vie scolaire). Les enfants sont pleins de ressources, ils sont inventifs. Je pense à l’un de mes enfants à qui nous avions dû enlever de son lit tous ses doudous pour les nettoyer, car il avait des poux et qu’il fallait éviter la propagation en faisant un élevage ! Mécontent de ne plus avoir ses doudous, il a pris deux de ses chaussettes, qu’il a enfilées dans des ballons de baudruche pour que celles-ci aient plus de volume. Puis, il leur a dessiné deux yeux et une bouche et m’a montré la pointe du ballon en guise de nez. Il m’a expliqué que sur les ballons de baudruche, les poux seraient repérables. De cette façon, si un nouvel épisode de poux survenait, il aurait toujours ces deux doudous là de remplacement !

Et quand on veut bien leur accorder le temps qu’ils ont besoin, ils nous surprennent au moment où on s’y attend le moins. Tout comme cette élève qui l’année scolaire durant, nous répétait régulièrement qu’elle ne voulait pas venir au collège et qu’elle serait mieux chez elle. Et quand vint la fin de la dernière journée de cours, elle fondit en larmes, car l’année scolaire était terminée… Ça fait réfléchir !!!

Cette première expérience d’animation d’un séjour de vacances collectives d’enfants me laisse sur mes gardes en termes de fatigue, car la vie en collectivité c’est épuisant ! Il faudrait avoir davantage de temps de repos et de congés pour permettre à chaque membre de l’équipe de souffler. En tant qu’animatrice débutante, j’aurais également aimé avoir plus de temps pour lire les documents et livres à notre disposition, pour mieux s’imprégner, trouver des idées et laisser « infuser » ! Mais pour moi, l’animation est avant tout une expérience fantastique, qui développe la créativité. Elle est vectrice de jeux, de partage, de rencontre dans le respect d’un cadre défini pour la sécurité et le bien de tous.