Sexualité et handicap

La santé sexuelle est un concept inventé par l'Organisation Mondiale de la Santé, recouvrant selon cette organisation trois points fondamentaux qui doivent être compris comme étant des droits de l'individu et des devoirs de la société à leur égard
Média secondaire

Le questionnement autour de la sexualité et de son accessibilité aux personnes en situation de handicap a été initié cette année au sein du groupe handicap des CEMEA Pays de la loire dans le cadre des séjours adaptés , lieux de vie collective où la question doit être posée. Elle a également engagé des personnes issues du milieu médico-social, soucieuses de questionner les pratiques au sein de leurs institutions sur la question de la santé sexuelle.

La santé sexuelle est un concept inventé par l'Organisation Mondiale de la Santé, recouvrant selon cette organisation trois points fondamentaux :

  • Une capacité de jouir et de contrôler le comportement sexuel et reproductif en accord avec l'éthique personnelle et sociale.
  • Une délivrance de la peur, de la honte, de la culpabilisation, des fausses croyances et des autres facteurs psychologiques pouvant inhiber la réponse sexuelle et interférer sur les relations sexuelles.
  • La santé reproductive, nécessitant une absence de troubles, de dysfonctions organiques, de maladies ou d'insuffisances susceptibles d'interférer avec la fonction sexuelle et reproductive.

Ces trois points fondamentaux doivent être compris, selon l'OMS, comme étant des droits de l'individu et des devoirs de la société à leur égard. Les actions menées notamment en Allemagne , en Belgique et en Suisse sur le sujet de la santé sexuelle nous semble ouvrir de nouvelles voies vers une meilleure prise en compte des besoins des personnes en situation de handicap. Dans ces pays, se sont engagées une réflexion, menée notamment par des sexologues, et des pratiques pour permettre une meilleure prise en compte du désir et du plaisir charnel dans le développement de la personne en situation de handicap. Une nouvelle approche nous est apparue avec l'existence, dans ces pays, d'une profession inexistante en France, celle d'Assistant·e Vie Affective et Sexuelle (AVAS).

Loin de faire l'unanimité, la solution proposée dans ces différents pays soulève la question de la légalisation d'une pratique jumelle et difficile à différencier : la prostitution. Loin de vouloir diaboliser la profession d'AVAS, la question de l'éthique et du respect des personnes qu'elles soient en situation de handicap ou non est importante pour éviter les dérives dans les pratiques.

Les enjeux sont à poser clairement : comment permettre à des personnes en situation de handicap de pouvoir exprimer un désir , un besoin qui leur soit propre ? Comment leur permettre également de pouvoir avoir accès à un plaisir qui leur est parfois jusque­là interdit ? Tout cela dans le respect de l'intégrité morale et physique de tous et toutes.

Répondre à ces questions paraît pourtant essentiel, car il s'agit bien d'un enjeu d'émancipation. Toute personne est bien, avant le handicap, une personne. Comment ignorer leur désarroi face à ce tabou ? Déjà les intéressées s'expriment, notamment par la voix de Marcel Nuss et de l'association dont il est le président "Coordination Handicap et Autonomie", afin de mettre au jour une tyrannie qui diminue le droit à une vie affective, la garantie d'une vie digne, des droits et des possibilités pour accéder à une vie intime pour tous, quelque soit son état physique et mental. Une réflexion à une échelle nationale voir européenne regroupant l'ensemble des intervenants du milieu du médico-social serait à développer, si ce n'est pas déjà le cas.

Mais quels liens avec nos pratiques d'animation?

Pour les animateurs et animatrices, c'est souvent une difficulté de savoir où se situer vis-à-vis de
l'intimité des personnes et du cadre collectif des séjours. Si on regarde du point de vue des personnes en situation de handicap, on remarque que pour des personnes en dépendance sur des moments de vie quotidienne, le rapport avec le personnel accompagnant pose la question d'une prise en compte de l'intime dans les soins. En tant qu'animateurs sur des séjours accueillant des enfants très lourdement dépendants la question s'est maintes fois posée : comment faciliter et permettre une réponse à certains besoins de la vie quotidienne sans transformer le corps de l'autre en objet ? En effet, la manipulation des personnes très lourdement handicapées est souvent gênante et à double titre.

Comment ne pas pensez à la crainte de se faire manipuler sans précautions par des inconnus au risque de perdre son intimité? La répétition quotidienne n'aidant pas à un rapport respectueux au corps de l'autre. Le danger étant que l'intervention du personnel oscille entre prise en charge et déni du corps. D'un autre côté comment respecter, dans la relation avec l'autre, les limites propres à chaque accompagnateur et accompagnatrice ?

Qu'en est-il de la sexualité ?

En fait, les a priori sur la sexualité sont les mêmes pour tout le monde, handicap ou non. Quand bien même des personnes sont en mesure d'éprouver un amour commun, qu'en est-il de la possibilité de pouvoir développer leur vie affective comme ils et elles le souhaitent?

Déjà sur nos séjours avec des enfants dits valides la question se pose. Quelles attitudes face à ce qui apparaît de manière flagrante, notamment chez les adolescents ? Interdire de manière catégorique, accepter sans réfléchir ? Ces deux extrêmes ne sont pas des réponses appropriées face à ce qu'il est important de recontextualiser comme étant une découverte parfois déconcertante de son corps sexué. Sensibilisation sur les risques et les précautions, accompagnement dans le cheminement du désir, permettraient de clarifier les envies et permettre un développement propre à chacun. Le choix des personnes étant à respecter. Mais jusqu'à quelle limite ?

En ce qui concerne les personnes porteuses de handicaps, les représentations rendent les questionnements parfois bien plus difficiles à surmonter. Qu'en est-il de ceux et celles qui ne sont pas en mesure de pouvoir réaliser leur désir ? De ceux et celles qui ne peuvent s'exprimer afin d'être compris dans l'importance de la prise en compte de leurs besoins affectifs ? Le rôle des accompagnateurs ou des accompagnatrices est d'autant plus difficile à définir que le handicap nous submerge et apparaît en diminuant à nos yeux l'autonomie des personnes.

Qu'est-il donc possible de faire ?

Peut-être ouvrir des espaces de paroles qui permettraient l'expression à la fois des accompagnantEs et des accompagnéEs sur leurs difficultés et les solutions possibles pour y répondre. Échanger sur les pratiques semble être un des moyens pour éviter des dérives non respectueuses dues à des difficultés accumulées et accentuées par la fatigue. La connaissance du public alliée à une préparation en amont de la rencontre doit se généraliser afin de préparer les animateurs à la prise en charge des personnes porteuses de handicaps sur des séjours de loisirs.

Dans le cadre de nos formations, dans le cadre de temps autour de l'accueil d'enfants en situation de handicap, la question de la sexualité du public est (et doit !) être lancée. Pour permettre aux personnes (professionnelles et volontaires) de se préparer et de ne pas se laisser dépasser par ce qui est finalement une réalité de tous les séjours. Au niveau des institutions, l'échange et le partage de nos pratiques doit continuer et s'affirmer : la Belgique et d'autres pays ont mis en place des formations d'accompagnateurs et accompagnatrices sexuels.

Que faisons nous de ce constat ? Comment se réapproprie-t-on cela ?

L’Anim’acteur·ice

L’Anim’acteur est un journal semestriel, gratuit, édité par les CEMÉA Pays de la Loire, à destination des acteurs et actrices de l’animation.

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