Périscolaire et différences

Les enfants en situation de handicap scolarisés, sont également concernés par les activités périscolaires. Cette réalité spécifique amène à la nécessité d’une prise en compte de la différence, où se mêle : l’organisation des aménagements, l’adaptation des activités et les enjeux de l’inclusion.
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L’école que je dirige comporte deux ULIS (Unité Locale d’Inclusion Scolaire) avec vingt quatre enfants ayant des troubles cognitifs et des apprentissages. Ces élèves d’ULIS bénéficient d'adaptations leur permettant d'effectuer des apprentissages scolaires à leur rythme, à la fois dans leur groupe et en inclusion dans les autres classes de l’école en fonction de leur âge et de projets en lien avec leurs compétences. Plusieurs autres enfants en situation de handicap, sont également scolarisés dans les huit autres classes. Certains sont accompagnés par des Auxiliaires de Vie Scolaire. L’aménagement des rythmes scolaires est une réalité de longue date pour cette école (articles parus dans les numéros 482 et 551 de la revue Vers l’Education Nouvelle). L’inclusion d’enfants différents dans les activités, si elle allait de soi dans le projet, a parfois mis les organisateurs du périscolaire et les enseignants en situation d’avoir réinterroger les pratiques.
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Un cadre spécifique Une des contraintes à laquelle nous avons été confrontés a été celle du transport. Les enfants scolarisés en ULIS ont des recrutements plus larges que le périmètre habituel de l’école. Plusieurs élèves viennent d’autres communes et parfois de loin, avec un transport spécifique organisé par le Conseil départemental. Les véhicules assurant ces déplacements ont des horaires et des tournées fixes gérées par le département, qu’il n’est pas possible de faire varier. Jusqu’à la réforme des rythmes de 2013, en raison de cette contrainte, seuls les enfants habitant près de l’école, ou ceux que leurs parents pouvaient venir chercher, ont pu bénéficier des activités périscolaires du soir. Une situation qui peut paraître paradoxale et injuste, mais le problème est plus complexe qu’il n’y parait. Ces enfants venant avec un transport ont parfois presque une heure de trajet entre leur domicile et l’école. Si le Conseil départemental avait pu mettre en place des transports en fonction des activités périscolaires, il se serait alors posé le problème de la fatigue avec des activités se terminant à dix-huit heures. Cette situation particulière, d’enfants dépendants d’un transport, a cependant induit des aménagements dans le domaine scolaire et périscolaire, en particulier lors de sorties, de présentation de projets de classe, de la fête d’école…

Tout ce qui se passait hors du temps scolaire excluait de fait ces enfants transportés. Et l’intérêt de l’inclusion est de pouvoir partager des apprentissages, des projets et des relations dans l’école. Il n’était donc pas envisageable que les situations de socialisation de projets puissent avoir lieu sans la présence des enfants d’ULIS. Mais en même temps, si tout se passe pendant le temps scolaire, cela en exclue les parents qui travaillent. Il a donc fallu composer avec ces temps différents et trouver des stratégies d’organisation pour que chacun puisse être pris en compte. Avec la réforme des rythmes scolaires de 2013, nous nous sommes trouvés confrontés à une autre situation. Le temps de classe avait diminué, mais l’organisation des transports était restée sur les mêmes horaires fixes pour tout le département. Il a donc fallu mettre en place un temps périscolaire pour trois quarts d’heure. Ce temps a été fusionné avec la garderie organisée pour les enfants ne participant pas certains jours aux activités à thèmes et que leurs parents venaient ponctuellement chercher plus tard. . Il a fallu repenser ces temps. Certaines des AVS ont été embauchées par la mairie. Cela a permis d’être au plus près de ces enfants en situation particulière et de créer une continuité sécurisante ; mais également de pouvoir compléter le salaire à temps partiel des AVS. Le choix des activités devait être adapté pour qu’elles correspondent aux besoins et aux intérêts des enfants qui les vivent quotidiennement, mais aussi pour qu’ils puissent en sortir au bout d’une demi-heure sans se sentir pénalisés. Le fait que ces enfants aient des amplitudes importantes sur la journée d’école a influé sur l’organisation de ce temps, mais également sur celui de la pose méridienne. Un moment a été mis en place, leur donnant la possibilité de choisir parmi les coins d’activités mis à leur disposition, mais aussi de ne rien faire s’ils le souhaitaient. D’ailleurs ce temps de « garderie », s’est vu rebaptiser « temps libre ». Je pense que la prise en compte de ces situations particulières a eu des incidences sur l’ensemble de l’école. La nécessité de s’adapter en fonction de la fatigue et de mettre en place un cadre sécurisant était évidente aux yeux des adultes en raison du statut de ces enfants, de leurs contraintes de transport et de leur temps de trajet. Mais combien d’autres pouvaient eux aussi être fatigués de manière moins visible et ont bénéficié de ce « temps libre ».
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Animer et adapter La participation des enfants en situation de handicap aux activités périscolaires, a amené à des prises de conscience et des adaptations de la part des animateurs et des organisateurs. Lors des inscriptions aux activités, celles-ci sont classées par niveau de classe ou de cycle. Il n’est pas simple pour les enfants d’ULIS de se retrouver dans cette logique de classement. Qu’est-ce qu’une classe ? Un âge ou un niveau scolaire ? Les animateurs, quant à eux, préparent leurs activités en fonction d’un niveau attendu. Cela a parfois donné des situations compliquées, des incompréhensions, voire des tensions. C’est la connaissance de ce public particulier et le lien avec les enseignants, qui a permis de préparer les animateurs à ces situations et d’adapter leur projet en fonction des enfants. Le fait que des animateurs puissent travailler régulièrement à l’école et qu’un lien arrive à se créer entre les différentes personnes ayant à s’occuper de ces enfants, qu’ils soient enseignants, animateurs, ou coordinateur, facilite cette connaissance et cette adaptation. Mais cela n’est pas toujours simple, car le statut du personnel intervenant en périscolaire est souvent précaire. Et quand les enseignants terminent, les intervenants prennent en charge les enfants. Leurs temps se croisent. Parfois, des projets ou des formations arrivent à être mises en place, dans lesquels les intervenants et les enseignants co-interviennent, mais cela reste très rare.

La présence d’enfants en situation de handicap dans les activités périscolaires amène les animateurs à devoir adapter leurs ateliers et leurs pratiques. Une logique qui oblige parfois à changer les habitudes et la manière de penser un projet d’activité. La différence agit comme un révélateur. Un effet loupe, qui met en lumière des situations peut-être moins visibles chez d’autres enfants. La prise en compte des différences est une démarche globale pour tous.

 

Cet article est issu du dossier n°24 de la revue Les Cahiers de l'Animation