Pas sans les parents

C'est étrange, cette entité "parent"! Il n'est pas rare d'en entendre pis que pendre. Parfois par des personnes étant parent elles-mêmes ! Il doit s'agir d'une histoire de paille et de poutre, d’œil propre ou d’œil de l'autre...
Média secondaire

Il n'y a pas si longtemps, il y avait peut-être moins de monde pour environner le départ des enfants ou des jeunes en "colos", et moins d'incursions ou de total désengagement des parents dans les centres aérés. Peut-être pour deux raisons, entre autres: d'abord, l'organisateur était quelqu'un de proche, y compris en tant que personne morale. Il y avait une proximité pour le moins structurelle, idéologique, philosophique. Quand il s'agissait de la colo du CE, elle faisait partie de toute l'action de ce même CE en direction des familles, n'était pas dissociée de la bibliothèque d'entreprise, des organisations de spectacles culturels, et de toute la dynamique d'éducation ouvrière. La même dynamique existant quand il s'agissait de colonies de vacances municipales, voire d'associations ou de groupements politiques ou confessionnels. La dynamique d'éducation populaire ou d’éducation ouvrière a créé tout un temps une appropriation collective des structures d'accueil de loisirs des enfants.

Il y avait une proximité, qui à défaut d'être géographique, était idéologique, philosophique ou politique. Mais une proximité forte. Et puis, les parents, massivement, avaient souvent été colons dans les mêmes lieux, les politiques en faveur de l’enfance à partir de la Libération et jusque vers les années quatre-vingt favorisant le départ du maximum d'enfants, dans les meilleures conditions possibles.

Du coup, ces mêmes parents savaient exactement où se rendaient les enfants et les jeunes, aux détails près des chambres ou des dortoirs, mais aussi des terrains de jeux, des coins à cabanes, des traditions enfantines et autres patrimoines ludiques !

On comprendra que les départs se faisaient en toute confiance (si les colonies d’alors avaient la préoccupation première de la sécurité, la dynamique générale n’était pas sécuritaire) et que, de fait, hors tous autres types de préparation au départ, les parents y étaient étroitement associés. Ou s'y associaient presque naturellement !

Ce contexte a évidemment évolué. Jusqu’à disparaître. ll reste très peu de proximité entre les parents et les structures d'accueil des vacances d'enfants. Les professionnels de l'animation qui œuvrent dans les quartiers savent la difficulté d'amener les parents a prendre toute leur place dans l'organisation des loisirs de leurs enfants. Peut-être parce que le changement de l'environnement des centres de vacances et de loisirs a été brutal et que, dans ce changement, on a oublie les parents.

Le départ est d’abord l’affaire des parents

On a oublié qu'ils étaient auparavant partenaires "naturels" et que, très rapidement, ce partenariat avait disparu, sans étape de transition. On est passé d'une situation où le départ était inscrit dans la vie de la famille, se parlait tranquillement, à une situation où ce même départ demande une appropriation de l'inconnu dont on peut comprendre qu'elle inquiète. Le contexte anxiogène, alimenté par les différentes "affaires" de pédophilie "maladroitement" relatées par les médias, les difficultés économiques croissantes d'une partie de la population et la difficulté des parents à se séparer des enfants ne sont pas des explications suffisantes.

Il faut également réintégrer un axiome de base dans ce propos. Le départ des enfants vers des structures d'accueil collectif, tant de vacances que de loisirs, est d'abord l'affaire des parents. Ce qui les rend incontournables!

Il ne semble pas totalement farfelu que des parents puissent participer à tous travaux conduisant a l'élaboration des propositions de séjours, au-delà des seules évaluations de fin de séjour que parfois on leur propose - dans la mesure où ces mêmes évaluations servent à l’évolution des séjours !

Aujourd’hui, quel que soit le moyen utilisé, l'association des parents à la préparation du séjour est indispensable. De nombreuses initiatives sont déjà prises, mais il semble nécessaire d'y mettre plus de moyens. Les parents ont légitimement besoin de connaître les lieux qui vont accueillir leurs enfants. Certains organisateurs ont organisé et organisent encore des visites de centres. A l'heure d'internet, on pourrait suggérer que des sites présentant les lieux se développent. Les bornes d'accès se multiplient dans les lieux publics, et permettent donc une approche plus aisée de ce média.

Les réunions d'information des parents qui existent sont indispensables et à préserver. Mais il est souhaitable de les associer à la préparation des séjours également avec les équipes. On doit pouvoir éviter le semblant de lettre aux parents, trop souvent caricaturale et condescendante. Les technologies actuelles peuvent aider, pour peu qu'une équipe ait d'autres ambitions que d'annoncer à grands coups de concepts creux à quelle sauce sera mangé le petit.

Beaucoup de parents, bien plus qu'on ne le pense, savent ce qu'est un projet pédagogique. Pas le noble document que parfois on leur remet, mais les grandes lignes qui guideront le séjour de leurs enfants, les pistes de mises en œuvre. Bref, il y a là un véritable chantier, réfléchir à comment les associer dans l'élaboration du projet pédagogique, sans démagogie, et sans concession sur ses propres valeurs éducatives.

Reste le temps du séjour. Si les parents ont conscience et connaissance et des lieux et des intentions éducatives des équipes, faisons le pari qu'ils seront moins "curieux", moins "aux aguets". Il faudra régler la question de la relation épistolaire, téléphonique, régler la question de l'éventuelle visite, voir du côté d'internet, des mails et des sms. Il faudra à notre sens éviter l'espionnage par webcam (le séjour, dans sa quotidienneté appartient à ceux qui le vivent, enfants et adultes, et tout regard extérieur n'est en tout état de cause que du voyeurisme), mais trouver le moyen d'envoyer des lettres vivantes, écrites, sonores ou visuelles.

Et paradoxalement, pour ce qui est des centres de loisirs, il faudra pouvoir "faire venir" les parents pour autre chose qu'amener leur enfant le matin et revenir le chercher le soir. Là aussi, il y a de quoi faire entre ces deux bornes que sont "les heures des mamans". Le centre de loisirs ne peut pas être "en dehors des parents". Il doit être le lieu de loisirs des enfants, mais qui a décrété que des parents, que les parents, en étaient exclus ?

Il y a, nous semble-t-il, presque tout à inventer. Les dernières avancées des recherches actions qui ont enrichi les pratiques dans les centres de vacances et de loisirs portaient sur les enfants. Les prochaines devraient se faire avec et pour les parents.

 


Article publié dans les Cahiers de l'animation - Vacances Loisirs