Maman j'ai peur

Les enfants entendent et voient quantité d’informations qui nous paraissent banales et sans conséquences. Pourtant, sans décryptage, cela peut parfois les inquiéter, voire générer de la peur
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Média secondaire
Maria avait été taciturne toute la matinée. Alors qu’en général, du haut de ses 6 ans, elle arrivait le sourire aux lèvres, elle s’était montrée renfrognée, boudeuse, irritable envers les autres enfants. J’avais bien essayé de lui parler, d’évoquer avec elle ce qui n’allait pas, mais elle s’était contentée de froncer les sourcils et de se renfermer sur elle-même. Dans ses jeux avec les autres, elle avait pris une place différente restant un peu en retrait. L’après-midi n’avait pas mieux démarré. Maria avait toujours son air morose et une tête des mauvais jours. Puis, lorsque le groupe fut en activité, elle se décida, se rapprocha discrètement de moi et les larmes aux yeux, m’expliqua qu’elle avait mal à la jambe parce qu’hier elle s’était fait griffée par un bout de fer. Elle me désigna son mollet. – Tu veux que je regarde ? Maria acquiesça. Elle me montra le bas de sa jambe. Je n’y constatai qu’une vague égratignure au-dessus de la chaussette. – C’est là que tu t’es fait mal ? – Oui, un morceau de fer ! C’est grave un morceau de fer. Je ne l’ai pas dit à maman. Peut-être, on aurait dû aller chez le docteur.

Quelques mots pour expliquer et dédramatiser

Je la rassurai en lui disant que l’état de son mollet ne m’inquiétait pas du tout. Mais malgré cela, elle gardait son air inquiet : – Tu as peur ? Maria hocha la tête : – Oui Cet aveu sembla l’apaiser. Elle me raconta comment elle s’était égratignée. C’était surtout le fait que ce soit un bout de fer qui l’inquiétait. Elle avait entendu à la télé que c’était très grave de se piquer avec un bout de fer et qu’après, on pouvait mourir. Saisie et stupéfiée, elle n’avait rien osé dire. J’ai supposé que Maria assimilait ce qui lui était arrivé avec le fait de se piquer avec une aiguille souillée. Nous parlâmes un moment de blessures, de risques, de prévention, de soins, puis elle alla tranquillement jouer. Les enfants accèdent régulièrement à des informations, dont les adultes n’ont pas toujours conscience. Nous ne mesurons pas la portée qu’elles peuvent parfois prendre. Comme les enfants n’en sont pas destinataires, nous ne pensons pas qu’ils reçoivent ces mots et ces images. Pourtant, ils entendent et voient les médias, perçoivent les conversations… Même s’ils ne font que passer et ne sont pas devant la télé, la radio, l’ordinateur. Même s’ils ne paraissent pas concernés ou intéressés par ce qui se raconte ou ce qui est vu. Même s’ils ne prennent pas le journal pour lire l’article, dont le titre et les photos s’étalent sur la page. Souvent, ces informations ne leur sont pas décryptées, parce que l’on ne se rend pas compte qu’ils les captent ou parce qu’elles nous paraissent banales et sans enjeux. Pourtant, ces informations parcellaires qu’ils perçoivent dans leur environnement ont un impact.

Ouvrir des espaces de parole

S’il y a évidemment des informations qu’il est essentiel de décrypter en direct avec les enfants, Il ne s’agit pas pour les adultes d’expliciter tout et en permanence, ce qui serait insupportable aussi bien pour les enfants que pour eux. Mais il me semble qu’il est important pour tout éducateur d’écouter et d’ouvrir des espaces de parole dans lesquels les enfants sachent qu’ils peuvent déposer leurs interrogations et leurs inquiétudes. Cela peut être formel. Parfois l’occasion d’un point sur l’actualité et ce qui les a intéressés peut les amener à poser leurs inquiétudes par rapport à ce qu’ils ont vu et entendu. Lors de l’épidémie de grippe d’il y a quelques années, je m’étais rendu compte au cours d’une discussion avec des élèves, que certains étaient vraiment inquiets quant au nombre de morts égrené journellement aux informations. Mais ces espaces de paroles doivent aussi être informels et l’enfant doit savoir qu’il peut parler de ce qui l’inquiète à un adulte capable de l’écouter et prendre en compte ses craintes. Un adulte conscient de l’impact que peuvent parfois avoir les informations auxquelles les enfants sont confrontés.


 

Cet article est issu de la revue Les Cahiers de l'Animation