L'accueil quotidien

Un espace intermédiaire entre le monde de la famille et celui de la collectivité dans lequel se (dé)nouent des enjeux de communication qui vont jusqu'à transformer le centre de loisirs en accueil de loisirs
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Média secondaire

En prenant la direction d’un centre de loisirs intercommunal à l’année, ouvert le mercredi et durant toutes les vacances scolaires, je ne me doutais pas que l’accueil des enfants, des familles, des partenaires, des élus… prendrait une telle place. Jamais je n’aurais imaginé le temps passé à le préparer, à le vivre, et d’ailleurs je peine encore à l’imaginer pleinement tous les jours, l’accueil le matin, le soir, l’accueil même au quarantième jour de fonctionnement, l’accueil d’une nouvelle année, pour une nouvelle période de vacances.

 

Le premier accueil

Lorsqu’un enfant et ses parents, viennent chercher des renseignements sur le centre de loisirs, c’est la rencontre. Les premières demandes sont souvent très pratiques : les jours, les heures d’ouverture, les tarifs, les repas. Et les activités, ensuite. La visite du centre est proposée, prétexte à parler du projet pédagogique : constitution de groupes de référence, animateurs rattachés à ces groupes, déroulement de la journée, choix des activités, absence de programme. C’est un moment durant lequel l’on parle beaucoup à l’enfant comme à ses parents. C’est un moment durant lequel il faut écouter, prendre en compte les attentes et les inquiétudes, pour rassurer, où il faut parfois convaincre de faire le tour, convaincre d’écouter jusqu’au bout.

La rencontre, l'échange, jusqu'où ?

L’équipe a besoin d’avoir des informations : si Jean est malade, qu’il y a des médicaments à donner, si Sébastien n’a jamais envie de venir au centre de loisirs, parce qu’il s’ennuie, si Eren est allergique. L’équipe a aussi besoin, envie de dire. Nous, animateurs et directrice, avons une journée à raconter, surtout qu’il n’y a pas de programme dans ce centre. Plusieurs comptes rendus sont tentés, à tour de rôle : un goûter avec les parents, des photos, un programme a posteriori...

Cemea

 

Pour chaque famille qui arrive, j’enchaîne les « Bonjour», les « Comment vas-tu ? Comment allez-vous ? » et « Aujourd’hui, peut-être que nous irons à la mare essayer les bateaux », et « Tu as l’air en forme » et... Parfois les formules semblent un peu toutes faites, un peu surfaites, car répétées pour la centième fois en deux heures.

A chaque arrivée, à chaque départ, sans doute parce que le centre se met en mouvement chaque matin, s’éteint chaque soir, parce qu’il y a tout au long de l’année de nouveaux enfants, de nouvelles familles, il faut expliquer ce qui se passe : les enfants qui lisent seuls à l’entrée, ceux qui courent montrer la coccinelle à leur animateur, ceux qui se déguisent en chevalier et qui ne résisteront pas à venir m’attaquer malgré mon indisponibilité manifeste...

Bref, tout ce petit monde qui semble sans animateur, sans activité encadrée suscite parfois de vives réactions. Nous avons rarement le temps d’en parler lors de leur première venue et il faut supporter leur premier regard sur le centre de loisirs. Il nous faudra du temps pour leur donner nos codes de lecture, pour qu’ils apprivoisent le fonctionnement du centre.

Doit-on tout dire aux parents ?

Il y a parfois des écarts entre ce qu’une équipe suppose des attentes des parents, en terme de retour sur une journée et la réalité. Outre que ces enfants ont le droit à leur vie dans le centre, à une relation vraie avec les autres adultes et enfants, leurs parents n’ont pas toujours besoin d’en savoir plus que ce que leur enfant voudra bien leur dire. Mais le veulent-ils seulement ? Il nous faut mesurer nos propos. Dire à la sortie ce que nous aimerions savoir quand l’enfant arrive. Mais se méfier de signaler les bêtises qui risquent d’engendrer une double peine pour les enfants tout comme la survalorisation du comportement de ceux qui, vraiment, sont sages comme des images ? Qu’est-ce qui est de la vie de l’enfant, sans ses parents, et de la vie à partager avec eux ? Cet accueil quotidien me fait aujourd’hui envisager ces temps de rencontres différemment. Construire de vraies relations entre enfants et animateurs, amène à se positionner de façon plus honnête avec les parents. Nous ne gardons pas seulement des enfants, nous ne gérons pas seulement un groupe, nous partageons une vie vraie ensemble. Cela s’explique, se montre et permet parfois d’accorder garde et loisir.


Cet article est issu du Dossier 20 L'Accueil de loisirs de la revue Les Cahiers de l'animation Vacances-Loisirs