Gérer les rythmes... oui, mais comment?

Jusqu'où va-t-on dans la gestion des rythmes dans un CV maternel? Faut-il réveiller un enfant qui dort après dix heures? Quelle est la place que l'on accorde à un individu au sein d'un collectif de personnes?
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Média secondaire

Voilà les questions que je me pose suite à la direction d'un centre de vacances maternel en Loire-Atlantique. Une réflexion préalable est réalisée avec l'ensemble de l'équipe. Nous arrivons à l'idée commune qu'il faut respecter les rythmes de chacun, que les enfants sont en vacances, que le réveil individualisé permet d'y répondre. Tout le monde est unanime et enthousiaste. Je suis très satisfaite et je me dis que le séjour risque d'atteindre une certaine qualité quant à la gestion des rythmes.

Pendant le séjour, l'organisation est la suivante: le petit déjeuner est prévu entre 8 heures et 10 heures. ll est assuré par l'assistant sanitaire et moi-même. Les animateurs peuvent ainsi prendre leur petit-déjeuner «tranquillement» sans avoir à s'occuper des enfants.

Cemea

Étant présente avec l'assistant sanitaire durant tout le petit déjeuner, je peux ainsi m'assurer de l'opérationnalité du réveil: quand un enfant arrive seul en se frottant les yeux dans la salle à manger, c’est que le réveil échelonné doit fonctionner. Quand un groupe de quelques enfants arrivent souvent ensemble, c'est qu'il y a fort probablement un copain qui réveille ses camarades de chambre.

Vers 9h30, j'avais rituellement Dylan puis, peu de temps après Henri qui arrivaient pour petit déjeuner. Ils avaient dormi "tout ce qu’ils avaient besoin de dormir". Ils avaient réussi à trouver leur rythme. Voulant rendre les enfants le plus autonome possible nous avons aménagé la salle à manger. Une table de desserte contient les bols, les couverts, les verres. La confiture, le beurre et le pain sont à disposition sur les tables où des enfants mangent. Les céréales sont mises dans un saladier et données aux enfants. ils se servent seuls comme ils se servent seuls en lait chocolaté. C'est impressionnant de voir ces enfants de 4 à 6 ans se diriger vers leur place avec beaucoup de précautions pour ne pas renverser leurs bols pleins. Parfois, il y a des incidents....

Ils essaient de beurrer leurs tartines. lls y arrivent avec un peu de temps et on a le temps, on est en vacances. C‘est ma priorité dans l'organisation des centres de vacances maternels.

Les enfants qui sont réveillés avant 8 heures peuvent se diriger vers la salle d'activités. Quand ils ont terminé le petit déjeuner, ils retournent vers cette même salle. À partir de 10 heures, tous les enfants sont réveillés et peuvent aller dans leurs chambres pour se laver et s'habiller, ils ne réveilleront plus de camarades.

Pourtant un dilemme s'est soulevé lors du séjour. Certains enfants ont besoin de dormir après 10 heures et d'autres sont réveillés depuis plus longtemps. Ils ne peuvent pas aller en activité car ils ne sont pas lavés ni habillés. Bref, comment gérer les besoins de chacun et l'intérêt de la collectivité ? Des réunions sont consacrées à ce thème. Nous en discutons. Chacun donne ses arguments pour ou contre le réveil de ces enfants. Contre, car ce ne sont pas deux enfants qui doivent empêcher la vie du groupe et pour car ces enfants ont besoin de sommeil et que nous sommes là pour répondre a leurs besoins. Personnellement, j'étais plutôt pour les laisser dormir mais à un moment, j'ai été à cours d'arguments par rapport a ceux qui étaient contre. J'ai donc laissé la majorité prendre le dessus même si je n'étais pas complètement en accord. Ce que je pensais être de mon honnêteté de directrice m'a fait prendre ce choix mais cela veut dire aussi que je n'étais pas si convaincue que cela. Alors à partir de 10 heures, nous nous laissions aller à un peu plus de bruit dans les locaux afin de ne pas réveiller «brutalement» les enfants... Mais de les réveiller quand mème!

Mais ma gêne ressentie devant ces enfants réveillés «au nom du collectif» m'a conduit a y réfléchir de nouveau. Le passage par l'écrit a éclairci mes conceptions éducatives. La réflexion qu'il a demandée m'a renforcé dans l'idée que, pour mes expériences futures, je ne ferai plus réveiller un enfant. Le besoin individuel doit toujours garder la priorité et il n'empêche pas une vie en collectivité. À ce jour, j'en suis convaincue. L'équipe d'animation est là avant tout pour répondre aux besoins propres à chaque enfant. Et ce principe fera partie du «non-négociable» quand je recruterai mes animateurs. Il me reste à trouver une organisation matérielle qui permettra à ceux qui veulent dormir de le faire et à ceux qui sont réveillés de pouvoir aller en activité. C'est à nous d'organiser notre cadre en fonction de nos principes éducatifs, et non au cadre à s'imposer de fait.

 


Article publié dans les Cahiers de l'animation - Vacances Loisirs