Des programmes solidaires pour la jeunesse euroméditerranéenne

Mieux comprendre la mondialisation et la géopolitique, l’éducation à la démocratie et à l’altérité. Tels sont les objectifs poursuivis par les Ceméa dans leurs projets avec les pays du bassin méditerranéen : Revue de détail.
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En 2019, l’Europe passe aussi par les pays du Maghreb et du Mashreq et il s’avère indispensable que les relations tissées au fil de ces dernières années se développent encore et encore à travers une multiplicité d’échanges propices à la construction de nouveaux projets en phase avec la réalité géopolitique actuelle. La solidarité est un enjeu d’importance et se conquerra au sein de ces rencontres que favorise la mobilité des jeunes


 

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Les Ceméa, à travers diverses actions d’associations territoriales sont engagés auprès de jeunes euro-méditerranéens. Cet investissement dans l’espace Euromed a toujours été primordial dans notre projet européen et international.

L'espace euro-méditerranéen est un terme utilisé par l'Union européenne pour définir sa politique avec les pays de la rive Sud de la Méditerranée. Le dernier traité qui régit cette politique est le traité de Barcelone. II est aussi utilisé dans les programmes de financement qui concernent une douzaine de pays. Nous nous appuyons sur cette dernière version qui concerne les pays d’Europe et les pays du Maghreb et du Mashreq.

Le forum Euromed initié par les Ceméa et leurs partenaires en novembre 2008 à Aix-en-Provence a permis de construire un partenariat fondé sur des valeurs et des pratiques pédagogiques partagées.

Soutenir la société civile

Les Ceméa coopèrent avec des partenaires du pourtour méditerranéen (Palestine, Egypte, Liban, Maroc, Tunisie, Algérie) à travers I’accueiI et  l’envoi de volontaires (Service volontaire européen, Volontariat de solidarité internationale, Service civique international) de et vers les pays euro- méditerranéens, la coordination et I'animation d’échanges de jeunes Euromed, la formation de travailleurs de jeunesse à l'encadrement de séjours Euromed et I ’organisation de séminaires thématiques pour les acteurs éducatifs et sociaux de la zone Euromed. Ces projets sont soutenus par différents programmes de solidarité laïque, euro-méditerranéens et franco-allemands. Ces projets visent a impliquer et soutenir la société civile dans ses initiatives mais aussi dans la compréhension des événements internationaux. Ils n'impliquent pas uniquement des partenaires des pays du pourtour méditerranéen mais plus Iargement des pays d’Europe. Ils visent aussi à valoriser la place de l' Éducation non formelle dans Ie dialogue interculturel et la solidarité internationale.

L’éducation au monde

Compte tenu du contexte actuel, qui a vu de grandes tendances s’affirmer dans les sociétés européennes avec I ’arrivée massive de migrants sur les côtes sud de l'Europe, ces actions revêtent un enjeu particulier et l’éducation au monde est plus que jamais nécessaire. En effet, Ie renforcement de la politique sécuritaire des états et la fermeture des frontières de l'Union européenne, la confusion dans l'opinion publique européenne entre les populations originaires du Maghreb et des groupes religieux, I ’amalgame entre pratiques religieuses et intégrisme et la peur du terrorisme obligent les acteurs de la société civile que nous sommes, à nous investir fortement dans I ‘éducation à la citoyenneté internationale. Cette Éducation présente plusieurs facettes aux Ceméa : la compréhension de phénomènes de mondialisation et d'enjeux géopolitiques dans leur complexité, le développement de I ’esprit critique, la sensibilisation et I ‘éducation d’une culture démocratique et I ‘éducation à I ‘altérité. Nos démarches resituent le vécu des personnes au centre des questionnements et se fondent sur la rencontre entre les personnes. La situation actuelle nous oblige aussi à réaffirmer certaines valeurs comme Ie droit à l'éducation pour tous, Ie droit à la mobilité pour tous, la liberté de pensée et d'expression, la laïcité.

Des constats convergents sur la situation des jeunes

Au cours d'échanges avec nos partenaires, nous avons fait le constat de plusieurs analogies concernant la situation des jeunes dans nos pays et dans nos associations. Ces points concernent la situation économique des jeunes (classe d'âge qui a perdu le plus de pouvoir d'achat ces dix dernières années, et qui connaît un difficile accès à l'emploi), leur situation dans les études (un nombre important de décrocheurs, des études qui ne garantissent pas une situation stable dans l'emploi), leur comportement vis-à-vis de la démocratie représentative - peu de participation aux élections, un regard critique et une exigence par rapport à l'éthique des élus.

Ces éléments sont d'ailleurs mesurés et qualifiés par pays dans les études menées au niveau européen à travers le Youth Report depuis l'adoption de la stratégie européenne de la jeunesse  2010-2018. Les études européennes et nationales rapportent aussi une préférence des jeunes personnes de moins de trente ans pour l'engagement associatif. Ce sont des constats que nous faisons depuis trois ans avec nos partenaires au sein de nos organisations. Aujourd'hui, les moins de trente ans représentent au moins 60 % des jeunes aux Ceméa.

Les associations méditerranéennes partagent les constats de précarité économique des jeunes dans leur pays, d'un nombre grandissant de jeunes dans leurs organisations, mais repèrent aussi d'autres besoins.  Le besoin de formation de jeunes cadres associatifs est partagé mais ils souhaitent aussi développer des formations sur l'encadrement d'activités, la mise en œuvre de dynamiques locales pour répondre aux besoins immenses d'offre d'activités de loisirs dans leur pays et de structuration de la société civile autour d'associations d'éducation non formelle. C'est pourquoi nos projets s'adressent aux militants associatifs et particulièrement aux jeunes investis dans nos associations et aux travailleurs de jeunesse. On pourrait les appeler les « démultiplicateurs », en référence à ceux que Jean-Marie Michel a appelé Les Passeurs d'avenirs (Passeurs d’avenir J.M. Michel,Actes Sud, 1996.)

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Les Ceméa Pays de la Loire co-organisent avec leurs partenaires tunisiens et palestiniens des formations d'animateurs et de cadres associatifs. Les Ceméa Nord-Pas-de-Calais organisent pour la quatrième année une formation franco-allemande algérienne sur la médiation_interculturelle pour les animateurs socioculturels. Les Ceméa de Franche-Comté organisent depuis six ans des formations euro-méditerranéennes, réunissant cinq partenaires d'Europe et du Maghreb. Ces actions sont souvent appuyées par l'accueil et l'envoi de volontaires, qui assurent une continuité dans la relation entre les associations. En 2014, les associations territoriales de Picardie, Paca et Pays de la Loire ont accueilli pour six mois de jeunes Tunisiennes dans le cadre d'un programme de volontariat  de réciprocité. Mais nos projets s'adressent aussi aux enfants et aux jeunes en général durant leur temps libre. Les Ceméa Picardie en lien avec l'organisateur de séjours Éducation jeunesse Aisne (EJN) organisent des formations d'animateurs et proposent des échanges de jeunes en France ou au Maroc.

Les impacts attendus

Ces actions ne répondent pas à une logique de compensation du déficit des politiques d'autres états ou d'un manque d'un partenaire mais elles s'inscrivent dans un projet associatif fondé sur des valeurs. Elles sont menées dans une démarche de co-construction, dans laquelle chaque partie apporte un point de vue, une expérience et des compétences pour répondre à un besoin.

Des projets de mobilité permettant à chacun de découvrir le monde, d'aller à la rencontre de l'autre et de se construire un esprit critique sont porteurs d'une solidarité intergénérationnelle et internationale. Ils s'appuient sur l'accueil des jeunes par les autres générations pour prendre place dans la société et questionnent l'accès aux droits pour tous. La mobilité des jeunes notamment du côté sud de la Méditerranée dans ce dialogue et cette coopération entre sociétés civiles est une vraie lutte de solidarité.

La reconnaissance de la société civile est aussi un enjeu des deux côtés de la Méditerranée. Même si globalement les conditions sociales et humaines ne sont pas comparables en Europe et au Maghreb, la nécessité de se soutenir entre associations portant les mêmes valeurs, de contribuer à la pertinence et à la légitimité de l'autre à travers des projets partagés est importante pour chaque partenaire. Néanmoins, des associations vivent dans leur pays des situations politiques, qui les mettent dans des situations de précarité et de fragilité. Dans ce contexte, il est d'autant plus important d'avoir des liens avec des acteurs de la société civile en dehors de son territoire et d'être accompagné pour construire une capacité d'agir. Ces actions permettent d'inventer des nouvelles modalités de vie collective pour des groupes de personnes de cultures différentes d'expérimenter le travail en équipe internationale, de croiser les analyses et d'enrichir les pratiques de terrain. Ces connaissances et ces expériences légitiment les associations d'Europe et du Maghreb pour proposer d'autres rapports entre les pays de chaque côté de la Méditerranée. Pour cela, l'apprentissage du voyage et de la mobilité, la lutte contre les discriminations et l'apprentissage de la démocratie sont des leviers essentiels. Les collectivités territoriales (municipalités, conseils généraux, conseils régionaux) ont aussi une grande expérience. Nous devons sortir de nos réseaux et dialoguer avec elles pour construire des actions communes ancrées dans les territoires en Europe et au Maghreb.

Vers la création d’un établissement franco-algérien de la jeunesse

Article de Flavien Degoulet

Les Ceméa travaillent avec leurs partenaires méditerranéens au développement d’échanges et à la réalisation de formations avec des acteurs de la société civile dans les pays du Maghreb. Les liens de confiance établis au fil des années ont permis de faire avancer la réflexion et la création communes de nouveaux types d’échanges, permettant d’aller toujours plus loin dans la compréhension de l’autre, l’ouverture au monde et la déconstruction des représentations et préjugés. Dans cette perspective, les Ceméa se sont joints en décembre dernier à l’association française Cefir (Centre d'éducation et de formation interculturel rencontre), dans le cadre d’une réunion de coopération réunissant des représentants d’une quinzaine d’organisations de la société civile algérienne, française et allemande, partageant les mêmes objectifs :

- Travailler à maintenir la paix dans l’espace euroméditerranéen ;

- Miser sur la jeunesse et favoriser sa mobilité ;

- Amener les jeunes à construire des projets ensemble ;

- Apporter aux jeunes les outils nécessaires pour développer leur citoyenneté. Étaient également présentes des personnalités institutionnelles : Mahmoud Si Youcef, vice-Président de la Wilaya d'Oran et Béatrice Angrand, secrétaire générale de l'office franco-allemand pour la jeunesse. Tout l’enjeu de cette rencontre de coopération était de définir les bases d’une future entité franco-algérienne tournée vers la jeunesse des deux pays, permettant de renforcer la coopération avec le Maghreb et de favoriser la mobilité, dans une démarche interculturelle. Pour concrétiser cette ambition, l’Ofaj a été sollicité, afin de bénéficier de son expertise et de son expérience de plus de cinquante ans dans les projets d’échanges interculturels franco-allemands pour la jeunesse, dans un contexte historique fort.

De nombreux échanges trilatéraux franco-germano-algériens soutenus politiquement et financièrement par l’Ofaj, ont démontré la pertinence de la création d’une institution ad hoc destinée à faciliter les échanges franco-algériens de jeunes et la formation des acteurs jeunesse des deux côtés de la méditerranée, se donnant pour missions de :

– Créer des espaces de dialogue, de rencontres et d’échanges transculturels ;

– Favoriser et accompagner la mobilité des jeunes et mesurer son impact sur les plans individuels et collectifs ;

– Contribuer au rapprochement des sociétés civiles pour croiser les regards sur les questions de migrations, d’histoire, de mémoire, et leur transmission, pour promouvoir une éducation à la Paix ;

– Garantir le respect de l’égalité des hommes et des femmes ;

– Assurer l’accès à ces programmes aux « jeunes ayant moins d’opportunités » ;

– Renforcer les capacités des acteurs de jeunesse, par la mise à disposition d’un lieu ressource, de projets, de formations, et d’outils adaptés à leurs besoins.

 

Les Ceméa ont fait le choix de se porter partenaire dans cette aventure, en s’appuyant sur les ressources et sur l’expertise de son réseau, et de porter la création de cet « établissement franco-algérien pour la jeunesse ».