Quoi de neuf docteur ?

A l’hôpital de jour pour adolescents, inspiré de la psychothérapie institutionnelle, un "quoi de neuf" a lieu le lundi matin.
Média secondaire

Quoi de neuf docteur ?

Lundi matin, début de matinée à l’hôpital de jour adolescents. Ding dong, la porte s’ouvre. Poignées de main, quelques « comment ça va ? Comment a été le week-end ? » Le café ou une eau chaude remplissent les tasses des soignants et des jeunes qui nous rejoignent dans cette habitude matinale. C’est le temps de l’accueil. Les paupières s’ouvrent à mesure que les minutes passent. Certains râlent de s’être levés trop tôt. D’autres s’installent à la table du réfectoire pour écouter ce qui se dit là. La brume du lundi matin se dissipe à mesure que les minutes passent. D’autres pianotent sur leurs portables, assis dans un fauteuil en attendant le début des temps formels. Une partie de baby-foot se lance… enfin pas toujours, ça reste lundi matin. Depuis quelques mois maintenant, animés par le courant de la psychothérapie institutionnelle pour certaines personnes de l’équipe et par un esprit de découverte pour d’autres, nous avons convenu en équipe d’ouvrir un espace institutionnel où les adultes et les adolescents du service se retrouveraient pour discuter ensemble de ce qui fait ce lieu qu’est l’hôpital de jour cattp (centre d’activité thérapeutique à temps partiel). Deux réunions ont vu le jour le lundi et le jeudi matin, dites « réunions du quoi de neuf ». Un temps de parole possible ouvert sur l’institution et sur ce qui occupe la tête des uns et des autres – peu importe leur âge ou leur statut. Premières réunions… Certaines prennent la parole, certains se taisent. L’un coupe la parole de l’autre. Ça ne s’écoute pas trop. Ça grogne, ça discute. Le regard de certains s’échappe dans le vague pour ne pas dire dans le vide. Les adultes proposent un secrétaire pour prendre les notes de ce qui se dit. Il serait bon de désigner quelqu’un pour mener la réunion. Un jeune propose : « Moi j’ai été en psy adulte et il y a un tour de parole en réunion soignants-soignés, quelqu’un donne la parole quand on n’arrive pas à s’écouter et puis on peut lister les points dont on veut parler. » Il en profitera pour évoquer ce passage en service adultes du haut de ses 15 ans. « Il y en a qui bavent, il y en avait un il criait et parfois il tapait d’un coup sur la table. Je vous le dis, ce n’est pas l’hôpital pour les enfants. Mais heureusement moi je n’avais pas peur. » D’autres reprennent cette parole, ils témoignent des médecins qui se sont occupés d’eux, des soignants référents. Il y a les remarques sur les professionnels qui s’échangent et que nous laissons dire. Un médecin comme ci ou comme ça. Une infirmière trop comme ci ou pas assez comme ça. Une jeune fera état : « Finalement moi là-bas j’aimais pas quand j’y étais, mais maintenant je me dis que ça m’a bien aidée. » Un autre : « Ah tu as eu tel référent, il est sympa lui, par contre un tel il est hyper sévère. » Les accroches transférentielles se déplient et se donnent à entendre. À la suite d’une journée de la fiac 2018 (fédération inter-associations culturelles) à Angers, organisée par l’Association culturelle en santé mentale (acsm), une petite graine a fait son chemin. Lors de la présentation d’un atelier, plusieurs personnes venant en soin à l’hôpital de jour de Chalonnes en Maine-et-Loire témoignent, accompagnées par une partie de l’équipe soignante, de la mise en place d’un poulailler au sein du Club de l’espoir dans leur hôpital de jour. Il est question d’enfermement ou non des poules, de liberté de circulation, de la manière dont elles vont survivre à l’absence de présence le week-end lorsque l’hôpital de jour est fermé. Un ensemble de préoccupations sont données à entendre, comme autant de surfaces possibles pour parler des maux de la vie. Lundi après-midi arrive, le récit de cette expérience est partagé en réunion d’équipe. Nous commençons à rêver de poules dans notre hôpital de jour adolescents, qui n’a pas d’extérieur, au troisième étage d’un bâtiment. On tergiverse sur un chat, un hamster et puis pourquoi pas un lapin ? Il paraît que c’est moins source d’allergènes, ça pourrait passer au comité hygiène de l’hôpital. La pédopsychiatre de l’époque est attendrie, elle fait même l’imitation du lapin à merveille. Quelques hic apparaissent : la garde du lapin pendant les vacances, le budget… Et pourquoi ne pas proposer aux adolescents d’en être responsables de temps à autre avec l’accord de leurs parents ? Le budget est vérifié. Le choix est fait, on ne veut pas seulement rêver.

CAIRN.INFO - CHERCHER, REPERER, AVANCER

Distribution électronique Cairn.info pour ERES © ERES. Tous droits réservés pour tous pays.

lire l'article