Jack Ralite

Quand un homme aux multiples facettes, acteur de la vie politique, de la vie sociale, de la vie culturelle, un homme de terrain, vient à disparaître, des traces subsistent, durables qui nous font nous en souvenir dans notre agir quotidien.
Média secondaire
En 2017 disparaissait Jack Ralite, infatigable défenseur de la culture pour le plus grand nombre. Quatre souvenirs, quatre regards, quatre angles singuliers le rappellent à notre mémoire montrant combien son engagement politique a ouvert des portes aux acteurs et actrices de l’éducation. Il est urgent de ne pas l’oublier.

Hommage à Jack Ralite

Jack Ralite est mort. Et je me souviens ! 1981, quatre ministres communistes entrent au gouvernement, le premier gouvernement de François Mitterrand. La gauche a gagné, la gauche existe, la gauche est au pouvoir. C’est ce que nous croyons, c’est ce que je crois et la rue chante et danse une partie de la nuit du 10 au 11 mai.
Des ministres communistes au gouvernement. J’ai 23 ans, et je sais que je ne verrai pas de chars soviétiques sur les Champs Élysées, que l’intox médiatique n’a pas pris et que bientôt une « femme qui chante » toute de noir vêtue chantera « un homme une rose à la main ». C’est vrai, « l’air semble plus léger » et il y a des ministres communistes au gouvernement. Je ne me souviens que de cela car, alors, je ne connaissais pas Jack Ralite.
Trente-six ans plus tard, un livre m’accompagne depuis sa publication dans tous les stages, toutes les aventures au carrefour de la culture et de l’éducation. Un livre d’entretien et de dialogue conduit par Karelle Ménine : La pensée, la poésie et le politique, Dialogue avec Jack Ralite, édité aux Solitaires Intempestifs. Le livre s’organise en cinq actes.
1er acte - Le poète et le politique.
2e acte - L’artiste dans la cité. 3e acte - Une politique culturelle.
4eacte - Dialogues avec d’autres.
5e acte - Des discours et paroles publiques.
Ça cause et ça interroge et en lecteur attentif je me sens plus intelligent, comme augmenté. Le livre est corné, annoté, surligné, c’est rare que je fasse cela. Page 31, les Ceméa sont convoqués pour évoquer les propos d’une institutrice sur l’arbitraire du signe et des mots formés qui nomment les choses. Ainsi, dit-elle, le train est long mais le mot qui le nomme est court. En revanche la locomotive est courte et le mot est long. Puis ce commentaire de Jack Ralite : « Nos mots n’imitent pas la réalité, ne la copient pas, ils en sont indépendants alors que, pourtant, ils servent à la dire et à la connaître. Il faut donc faire attention aux mots eux-mêmes car ils portent des pensées. Pour penser juste il faut soigner ses mots et ne pas se contenter de les réciter. »

Michel Fougères

Retour de France

En 1982, Jack Ralite, ministre de la santé, était venu à Die dans la Drôme, à l'occasion de la rénovation de l’hôpital. J’avais été convié à cette inauguration. Un événement local, qui aurait pu faire partie des anecdotes de la vie, dont on garde un vague souvenir. Une voiture officielle, un ministre qui en descend, fait un discours, un vin d’honneur… Et voilà ! La rencontre continuant ensuite avec les institutionnels. Pourtant, plus de trente ans après, je me souviens, comme dirait Pérec, de l’esprit du discours prononcé à cette occasion. Une réflexion qui mettait en avant l’importance et la nécessité du travail d’équipe. Il s’appuyait sur l’exemple de la situation d’une ASH signalant qu’elle avait trouvé un patient différent, fatigué, démoralisé… Avec en contrepoint la réflexion d’un médecin s’étonnant qu’une « fille de salle » puisse avoir une quelconque utilité concernant la santé des patients, en dehors du ménage et du portage des repas. Une réflexion sur ces regards multiples qui sont complémentaires et permettent de prendre en compte l’individu dans sa globalité pour lui porter une vraie attention. Une perception de la personne dans son ensemble. Aujourd’hui, le terme de « bientraitance » est employé à tort et à travers et instrumentalisé, mais je pense que les paroles de Jack Ralite définissaient avec justesse cette humanité. Sa réflexion sur l’importance du travail d’équipe faisait également écho à ce que nous défendions en stage de formation Bafa pour les animateurs et à ce que je vivais régulièrement en centre de vacances. Une équipe dans laquelle chacun a des fonctions spécifiques en raison de ses compétences, de sa formation, de sa position institutionnelle et de ses responsabilités, mais où le regard croisé des personnes, leurs approches et leurs perceptions sont une richesse qui permettent une véritable prise en compte de l’enfant et de ses projets. Une équipe dans laquelle le personnel de service peut jouer un rôle qui dépasse sa tâche d’entretien ou de cuisine et où les animateurs et les animatrices chargé.e.s d’encadrer l’escalade, ne se cantonnent pas à cette activité, mais peuvent également raconter une histoire, aider à faire les lits ou à couper la viande. Une conception de l’équipe et des individus à l’opposé d’une forme de Taylorisme utilitariste, dans laquelle une pseudo efficacité fractionne l’humain. Voilà le souvenir des propos d’un ministre de la santé, parlant de soins, mais qui font écho aux idées d’Éducation nouvelle en s'appuyant sur une réalité possible et sur une approche coopérative des relations humaines. Un souvenir, qui m’est resté en mémoire, comme une sorte d’hommage à Jack Ralite, homme d’engagement.

Olivier Ivanoff

Quelques mots pour un homme engagé

Jack Ralite est décédé le dimanche 12 novembre 2017. Il fut maire communiste d'Aubervilliers, puis ministre sous la présidence de François Mitterrand . Peu de femmes et d’hommes politiques sont proches de nos principes, de nos valeurs, peu ont eu une action que nous pourrions revendiquer nôtre, Jack Ralite est de celles et ceux-là ! Voici un écho à cette disparition, à quatre voix. Il fut maire-adjoint en charge de la jeunesse sur Aubervilliers. Sous sa responsabilité, la ville ouvrait chaque été dix-huit centres de vacances de quatre à dix-huit ans pour des périodes de trois à quatre semaines. Il fut à cette époque un défenseur important des centres de vacances, cherchant à promouvoir des encadrements de qualité. Il y avait dans son regard presque malicieux, dans l'assurance de sa silhouette, l'expression d'une intelligence mise au service des causes qu'il défendait. Beaucoup de directeurs, de moniteurs lui doivent la certitude de la valeur citoyenne et sociale de leurs actions. Il savait nous faire grandir. De temps en temps, il est juste de se rappeler que nous sommes les héritiers d'hommes et de femmes qui savaient l'importance éducative des séjours collectifs de vacances pour les générations en devenir.

Jean-Paul Morvilliers

Hommage pensif à Jack Ralite

Suite à son décès, beaucoup d'hommages ont été rendus à Jack Ralite. Ils ont été très divers, à l'image de ce que fut cet homme, son engagement à Avignon et l'animation des États-Généraux de la Culture, son compagnonnage avec les artistes (Jean Vilar, Antoine Vitez) son itinéraire politique, son action de ministre et de parlementaire… Jack Ralite nous aidait – nous aide – à penser. Il fut sans doute emblématique de ce qu'on appelle parfois le « communisme municipal » qui vit se développer dans de nombreuses villes et quartiers populaires des politiques de l'enfance et de la jeunesse, des politiques culturelles très novatrices. Dans le vaste débat sur « l'accès à la culture » : démocratisation culturelle, culture populaire, éducation populaire, animation socioculturelle, droits culturels… Il intervenait fréquemment et était écouté. Il y a beaucoup de « malrussisme »* dans la pensée de Jack Ralite et une fascination pour la « création » qui interroge aujourd'hui. Il n'empêche qu'il fut très clairvoyant et novateur y compris dans des domaines comme celui des NTIC ou celui de la psychiatrie, ce qui n'est pas rien. Il peut aussi lui être reproché d'avoir été bien timide dans la dénonciation du stalinisme et des impasses du socialisme du réel. Admirateur d'Aragon, il en partageait les faiblesses de ce point de vue. Adhérer au PCF en France en 1947, ce n'est pas adhérer au PC russe à la même époque. Ce monde-là disparaît peu à peu. Le « communisme municipal » a été fécond dans nos villes et nos quartiers populaires. Il est utile de tirer de cette histoire, qui reste pour une bonne part à écrire, des enseignements pour construire notre pensée et notre action aujourd'hui. Il s'agit bien de saluer l'acteur efficace, l'homme d'une grande sensibilité et de tenter de s'inspirer de son itinéraire pour penser le nôtre. C'est sans doute dans cette continuité critique que se trouve le plus bel et le plus sincère hommage que nous puissions lui rendre.

André Falcucci

Quelques photos

Emission spéciale en hommage à Jack Ralite, réalisée en direct du théâtre de la Commune d’Aubervilliers

Découvrez notre émission spéciale en hommage à Jack Ralite, réalisée en direct du théâtre de la Commune d’Aubervilliers.
Emission - Hommage à Jack Ralite

Dialogue avec Jack Ralite / Les Ateliers de la pensée - Avignon 2015

Homme de culture et d'engagement au service de l'intérêt général, grand témoin de notre temps. Cette rencontre est proposée à l'occasion de la parution du livre La pensée, la poésie et le politique (dialogue entre Jack Ralite et Karelle Ménine) - Animateur : Vincent Clavaud (Ceméa)

Lien vers la Vidéo sur www.theatre-contemporain.net

Les Lundis du Collège de France - Conférence de Jack Ralite - Travail et dignité

Conférence sur Viméo