Déroger au secret médical ?

Jusqu'où les professionnels de santé peuvent-ils échanger des informations avec les travailleurs sociaux ? Une infirmière interroge.
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Déroger au secret médical ?

Monsieur A. est une personne isolée au suivi médical chaotique, qui vit dans une maison relais. Le médecin lui prescrit divers traitements mais il n’a pas le sentiment que monsieur A. ait bien perçu l’importance de ces traitements et de leur prise régulière. Après sa visite, il lui paraît nécessaire de passer au bureau de la maîtresse de maison pour lui demander de relayer ces informations auprès de monsieur A. Monsieur R. s’est rendu seul à un rendez-vous médical à l’hôpital. Puis il a égaré les documents qui lui ont été donnés. Il s’adresse à l’éducateur qui le suit. Cet éducateur prend contact avec l’hôpital. Le médecin lui transmet alors diverses informations : monsieur R. doit faire une radio pulmonaire, puis revenir pour une biopsie à telle date.

Jusqu’à 2016, les professionnels de santé, tenus par leur obligation de respecter le secret médical, ne pouvaient pas échanger de telles informations avec les professionnels du secteur social. Ils avaient le sentiment de se trouver régulièrement confrontés à des dilemmes insolubles entre le respect du secret médical et la prise en compte de la vulnérabilité des personnes. Les pratiques d’échange d’informations avec les travailleurs sociaux, qui s’effectuaient hors cadre légal, dépendaient de la vision et du choix singulier de chaque professionnel. De nombreux professionnels travaillant auprès de personnes en précarité soulignaient la nécessité d’un travail en réseau et d’un partage d’informations plus large. Comme l’illustre Héléna Révil dans son analyse du phénomène du non-recours aux soins, un travail commun des acteurs du social et de la santé semblait être une réponse adéquate à la difficulté d’accès aux soins pour les personnes en situation sociale précaire.

Dans ce contexte est paru le décret n° 2016-994  le 20 juillet 2016. Ce texte introduit une possibilité de dérogation au secret médical, autorisant de tels partages d’informations entre professionnels de santé et professionnels du champ social et médico-social lorsque cela est nécessaire à la continuité des soins. Si ce texte de loi a permis de légaliser et d’encadrer un partage d’informations souvent indispensable dans l’accompagnement de personnes en situation très précaire, il soulève cependant plusieurs questions. (...)

CAIRN.INFO

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