LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Évaluation et châteaux

Quand des châteaux de sable amènent à s'interroger sur l'école. Parfois, il peut suffire de décentrer certaines situations...
Média secondaire

Lorsque des enfants jouent à faire des pâtés dans le sable, ils creusent, remplissent leur seau en faisant couler ces minuscules grains entre leurs mains ou en les manipulant avec une pelle, tassent, versent, soulèvent, organisent, décorent… De ces expériences, ils déduisent que le sable humide s’agglomère mieux que le sec. Leurs projets de constructions vont du simple pâté, à des compositions très sophistiquées avec souterrains, ponts et ajout de coquillages, algues, galets… Parfois, ils demandent aux adultes de les aider, rôle auquel ceux-ci s’emploient avec un plaisir non dissimulé.

Imaginons une autre situation. Un bambin remplit et renverse son seau. Un adulte s’approche et lui dit : « Les bords de ton pâté ne sont pas réguliers ! Je te mets une mauvaise note (ou un point rouge sur ton cahier de plage) ! Tu dois progresser ! » Puis l’adulte montre à l’enfant la manière de faire un beau pâté de sable et lui dit de s’entraîner, car le lendemain, il y aura évaluation et il faudra qu’il ait une bonne note (ou un point vert sur son bulletin), Sinon… Cette scène nous paraît aussi aberrante que stupide. Si les choses se passaient ainsi, peu d’enfants aimeraient aller à la plage. On ne dirait plus « jouer au sable ». Et au bord de l’eau au lieu de constructions multiples et étonnantes, il est vraisemblable, que l’on verrait des pâtés uniformes en alignement. Pourtant si cette extrapolation nous choque, sa ressemblance avec des situations d’apprentissage existant en particulier dans le système scolaire est évidente. On me dira qu’il ne faut pas confondre vacances et travail et que si l’école est sérieuse, la plage ne l’est pas. Mais cette notion de valeur est beaucoup plus floue et perméable qu’il n’y paraît. La lecture, la réflexion, la découverte relèvent aussi du temps de vacances. Et un jeune enfant, qui s’amuse à voir ses pieds s’enfoncer dans le sable ou à sauter lorsqu’une vague arrive, est-il dans une situation si différente, en termes d’apprentissage de la maîtrise de ses gestes et de son schéma corporel de celle qui lui est proposée à l’école dans des parcours de psychomotricité ?

Le culte de l’évaluation systématique, synonyme de réussite et de sérieux est fortement ancré dans les mentalités françaises. Une évaluation perçue comme facteur d'élévation du niveau général et de développement de l’effort. Un culte qui oublie la place du jeu dans les apprentissages des enfants et son incitation à la persévérance volontaire. Le fait de pointer de manière systématique la réussite et l’échec, c’est aussi oublier que les enfants peuvent prendre des temps et des chemins très différents pour apprendre. L’évaluation a un intérêt évident pour permettre de faire le point et de s’adapter, mais lorsque la note (ou le point de couleur) est à l’affût de toute action, n’est-ce pas un frein aux apprentissages à la coopération et à l’envie d’essayer et d’apprendre?


Vers l'Education Nouvelle (n° 576, octobre 2019)

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