LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Les relations avec les familles

La relation avec les familles est un axe du projet pédagogique pour faciliter l’intégration de l'enfant et pour mieux faire connaître la réalité des centres. Pour l’organisateur et pour les équipes d’encadrement c'est une préoccupation importante
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Média secondaire

Avril-mai-juin, l’équipe de direction se met au travail avec l'organisateur, avec les animateurs. Cet été nous décidons de poursuivre. Une fois les groupes d'âges constitués, les équipes d'animateurs et l’équipe de direction envoient une première lettre, pour les uns aux parents, pour les autres aux enfants, afin de se présenter, de présenter le séjour et d'inviter tout le monde à une rencontre.

Dès ce courrier l'équipe de direction informe les parents des possibilités de téléphoner, d'écrire, de venir au centre, de l'importance pour l'enfant d'avoir des objets familiers chers : ours, poupée, doudou, photo...

La rencontre se prépare

Des photos de la colo sont là, des films, des coins comme on en trouvera à la colo pour écrire, jouer, lire...

C’est la gorge un peu serrée que la rencontre s'engage; pour beaucoup c'est une première. Heureusement, il y a les anciens qui passent, font la bise avec parfois un sourire comme un peu gêné; cela fait un an que l'on ne s'est vu. Parfois ils sont venus pour accompagner la petite sœur ou le petit frère mais aussi pour dire au revoir parce qu'ils vont dans un autre centre, avec les plus grands. Un brin de fierté brille dans leurs yeux.

Les premières rencontres avec les animateurs tâtonnent: "Ah! Vous êtes animateur? Vous êtes un peu jeune!" On se rassure aussi en le disant et puis on regarde ce "un peu jeune" qui après tout ne s'y prend pas si mal que cela. L'assistant sanitaire est très occupé. On lui parle d'asthme, de maux de ventre, de traitements. Avec lui aussi on cherche à mesurer, tout comme avec le directeur. On regarde aussi si on peut se regrouper : "Vous savez elle est venue pour être avec ses deux copines. "Ça ne fait rien maman... "Tu dis ça mais..." Et là tout s'arrange; on voit, on change parfois, on refuse aussi.  "Vous savez ce serait bien s'ils étaient ensemble! Oui, mais Romain a 6 ans et Jérémie 10 ans... "C'est vrai, mais Jérémie c'est sa première colo et il est peu débrouillard." On refuse mais on rassure, on explique que c'est aussi bien que Jérémie puisse faire le choix de faire avec ou sans Romain.

Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas dans le même groupe qu'ils ne pourront pas se voir, qu'ils ne pourront pas faire des choses ensemble. Premières impressions, premiers mots : "Vous savez Élodie en revenant de la réunion a dit que le moniteur devait être gentil", on crée des liens : "Comment vous appelez-vous? Je vous demanderai au téléphone et pourrai vous parler s'il y a un problème!". Déjà on confie. On projette aussi: "Eh bien avec les deux, ça va pas être triste si tu avais vu comment ils étaient!" C'était un petit succès, un parent sur trois au moins était là. Quinze jours plus tard, nouvelle rencontre, plus fugace avant le départ des bus. De nouvelles têtes sont là. Les conseils fusent, on les répète. Et puis il y a les médicaments que l'on donne à l'assistant sanitaire, l'argent de poche que l'on veut confier à un adulte, enfin il y a la gorge qui se serre. "J'appellerai pour savoir si le voyage s'est bien passé."

Les premiers jours

Coup de fil en Mairie: "Ils sont arrivés. Tout s'est bien passé. Vous pouvez l'afficher?" Réponses au téléphone: "Oui, tout s'est bien passé - Il a pleuré longtemps?" Premiers pleurs de la colo... premiers mots d'adultes qui veulent sécuriser. On a repéré et installé son coin, on a pris le lit voisin du copain, de la copine, du frère ou de la sœur. Parfois on se connaît toutes ou tous dans la chambre et d'ailleurs l'appropriation se fait sous forme d'interdit: "chambre interdite aux filles - les garçons".

Dès le soir, premiers appels au téléphone: "Alors on a mangé... on a joué avec ma copine, à côté de mon lit il y a..." : description du cadre, récit du menu. "Tu m'écriras, hein? Et puis tu m'enverras un colis et le livre où il y a les animaux?", premières demandes et parfois premiers pleurs, rares.

Premières déceptions aussi : « Il n'est pas là? - Non, il est parti jouer, mais rappelez-le à telle heure." Premières protestations aussi.

Premières visites...

Bientôt le téléphone annonce les premières visites. Des règles ont été posées. On doit nous prévenir deux à trois jours à l'avance. S'il y a déjà plusieurs familles qui doivent venir, nous proposons de décaler la visite. Nous souhaitons ne pas avoir plus de trois ou quatre familles en même temps au centre pour que celui-ci continue à vivre sa vie. Par ailleurs, nous invitons les familles à passer la journée avec leurs enfants, ce qui ne les empêche pas de sortir un moment si elles le souhaitent. Les visités sont bien sûr ravis. Arrivée des visiteurs. S'il est tôt, ils déjeunent avec nous avant d'aller faire le grand tour du parc et celui des bâtiments avec un guide privilégié. Puis on va jouer. Midi arrive; on mange avec ses enfants, d'autres enfants, un animateur ou quelqu'un de la direction. Des découvertes ont lieu : "Ah bon et tu aimes le poisson à la colonie?", de vagues explications justifient ce nouvel attrait alimentaire, "Et tu sers? Et tu débarrasses la table?". Bien sûr il y a lieu de montrer qu'on est grand, qu'on sait et qu'on peut faire.

Souvent le café est l'occasion d'une rencontre avec les familles pour une ou plusieurs personnes de l'équipe de direction. C'est aussi l'occasion d'une rencontre entre habitants de la même ville qui ne se connaissaient pas; parfois même on revient après ensemble.

Enfin c'est l'heure des questions, des remarques pour comprendre, pour constater, pour comparer, pour s’inquiéter. "Et ils se lèvent alors quand ils n'ont plus sommeil, ce n’était pas comme cela quand j'étais en colonie; c'est bien!", "Maintenant il y a des chambres avec douches, ce que c'est agréable! Quand j'avais 8 ans et que je venais, on était dans des dortoirs".

"Vous ne croyez pas qu'elle va pleurer quand on va partir? ll ne vaudrait pas mieux partir sans qu'elle s'en aperçoive?" "Dites, vous croyez que je pourrai aller avec lui pour le laver quand il ira à la douche?" Bien sûr, c'est bien. Un moment fort pour cette grand-mère qui a douché ses deux petits-enfants cet été. Non, il ne faut pas partir comme cela, il ou elle est capable de le comprendre si on le lui dit simplement, peut-être qu'il ou elle pleurera un peu mais n'est-ce pas normal que d'apprendre à se séparer surtout dans un moment où cette visite après la lettre, le colis, le téléphone a confirmé qu'on n’était pas abandonné.

De visites en visites...

Élodie est venue avec sa mère cet été, elle pleurait : "Maman et papa peuvent-ils manger avec moi? - Oui, si Valérie l'économe et Gisèle la cuisinière sont d'accord." Elle a été les voir et bien sûr ils étaient d'accord. "Après ils iront à 1'hôtel! - Élodie, on ne va pas mentir, tu sais bien qu'après ils rentrent. Après tu les accompagneras à la voiture, peut-être tu pleureras un peu et puis vous vous ferez une grosse bise et ils partiront"

Après le repas Élodie était contente, en fait ce sont les parents qui étaient un peu déroutés et on sentait que le départ était difficile pour eux. Ils sont partis, Élodie n'a plus pleuré, juste avant d’aller au lit, elle a voulu un câlin. Vingt des quatre vingt-neuf enfants du centre ont vu leurs parents. Tous les parents ont écrit ou téléphoné à leurs enfants. Le séjour commençait le 9 juillet. Du 14 au 29 juillet (fin du séjour), nous avons accueilli une à quatre familles tous les jours; certains sont même venus deux fois. Cela s'est croisé et doublé avec les lettres, le téléphone, les colis, mais aussi les appels au serveur sur lequel nous donnions de nos nouvelles tous les deux jours. Nous avons eu des visites plus agréables que d'autres. Toutes étaient un plus pour l'enfant, même celle du père de Maurice, entré en fumant dans les locaux... qui a râlé, car Maurice n'était pas là quand il est arrivé. Chacune de ces visites a sécurisé, elle a permis de montrer le centre, de discuter, parfois aussi de mieux comprendre l'enfant.

Les animateurs "un peu jeunes" ont parfois eu une petite carte, un petit mot au fond d'une lettre, ou quelques paroles au téléphone, ils sont moins jeunes (moins irresponsables?) tout d'un coup.

La dernière semaine

Les derniers jours étaient consacrés aussi à préparer les enfants au retour. On a beaucoup parlé, du petit frère qui était resté à la maison, des vacances, du centre de loisirs, des copains, de papa et maman. Une dernière lettre des animateurs invitait les parents à se retrouver à l'arrivée autour d'un goûter. Des parents avaient fait des gâteaux, la Mairie avait acheté de quoi boire. On a pris un moment pour discuter, questionner. L'assistant sanitaire a dû parler de l'angine, du bobo, du traitement en cours et puis, l'heure des adieux est arrivée.

Certes, tout n'est pas idyllique. Certains des enfants se sentent encore abandonnés. Certains parents prennent peu contact avec nous ou refusent comme ce père qui a demandé à son fils fier de lui montrer son bateau, de laisser ce truc encombrant.

C'est aussi parfois difficile lorsqu'un coup de fil arrive trop tard et que l'enfant n'est plus là, C'est aussi un travail parfois lourd que de gérer l’accueil téléphonique. Des directeurs d'autres séjours essaient parfois de revenir en arrière; il a fallu convaincre.

Au moment où le secteur commercial envahit les vacances et s'adresse directement aux parents, l'importance accordée par les organisateurs aux relations avec les familles ne peut que redonner du crédit et du sens aux objectifs éducatifs du centre de vacances.


Article publié dans les Cahiers de l'animation - Vacances Loisirs