Arsène et le TGV
Arsène est à la maison, c'est le fils d'un couple d'amis. A cinq ans, les discussions des adultes ça saoule, et puis on n'y comprend rien. Alors Arsène fait savoir qu'il est là, en se glissant dans la conversation avec les préoccupations de son âge. "Arsène pourrait dessiner" me suggère sa maman. Je sors alors papier, stylo et surligneurs. Sur la table basse, entre les cacahuètes et les apéritifs, le petit garçon s’affaire à son dessin et se fait oublier. Puis, au moment de "passer" à table, Arsène me tend sa feuille, que tous les adultes s'empressent de commenter et valoriser. Je le remercie pour le cadeau et lui demande de me le signer. Il écrit son prénom avec application, et pas peu fier me tend à nouveau son œuvre, que je pose en évidence sur mon bureau.
Nous vivons ainsi un dimanche radieux. Pourtant, sans le savoir, Arsène vient de déclencher une curieuse agitation mentale. Il a dessiné un TGV, c'est limpide. A un commentaire d’adulte lui signifiant que son train est très joli, il répondra, étonné, qu'il s'agit ici d'un TGV.
Il me revient, alors, un échange plusieurs fois partagé, sur l’implicite collectif et les références iconographiques, qui vont moins vite que l’évolution de la société. Une discussion s’appuyant sur le fait que si l’on demandait à quelqu’un de représenter un train en mimant ou en dessinant, la référence était majoritairement celle d’un train à vapeur, alors que ceux-ci ne sont plus en service à la SNCF depuis plus de soixante ans.
Une réflexion sur la rapidité et la multiplicité des évolutions techniques, qui brouillent les repères. Une grande partie des réalités technologiques actuelles, dans les années soixante et soixante-dix auraient relevé de la science-fiction… et pourtant, elles sont notre quotidien. Un mouvement et des évolutions, qui peuvent amener à imaginer que les techniques permettent tout ou au contraire à se réfugier dans une époque où la société évoluait à échelle d’histoire et de temps humain, qui représente une maîtrise, une stabilité et une forme de sécurité.
Mais peut-être que grâce à Arsène, nous pouvons réinterroger cet implicite iconographique collectif et la capacité de la société à s’adapter de plus en plus rapidement à un monde changeant.
A cinq ans, on est en capacité de faire changer les représentations et les poncifs des adultes. Belle leçon d’éducation et d’optimisme.