LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

La peur du rouge

Vert, Orange, Rouge, A, B, C… Qu’elle se traduise par une couleur, une lettre ou d’autres codes, à l’école l’évaluation normative est souvent mise en place dès le plus jeune âge et marque profondément le sens des apprentissages.
Média secondaire

« Aujourd’hui, je n’ai eu que des carrés verts ! » clame à la sortie de l’école un petit garçon en apercevant l’adulte venu l’attendre. Ces premiers mots d’un enfant de 5 ans prononcés en guise de retrouvailles avec sa famille, pointent l’importance et la priorité qui peuvent être données aux marqueurs d’une réussite scolaire au quotidien. Une situation qui amène à une hiérarchisation des actions et prépare à la question culte posée par les élèves de collège, de lycée ou même d’université lorsqu’il leur est proposé un travail : « C’est noté ? » 

Ce ne sont pas l’intérêt et le plaisir de découvrir, d’apprendre, d’avoir appris, ou l’importance d’une évaluation de ses progrès et de son cheminement qui sont premiers mais la marque d’un résultat obtenu à l’instant T. Si c’est noté, c’est important. Sinon… 

Même si on ne voit quasiment plus d’affirmations comme : Très bien, Bien, Assez bien, Passable, Mal, Très mal, qui donnaient une valeur morale à l’appréciation, personne et surtout pas les élèves ne sont dupes. Chaque enfant a compris que pour son image et son statut au sein de la classe, il valait mieux avoir du vert que du rouge. « Quand tu es dans le groupe des A : ça va. Dans le groupe des B : Bof…Bof… Mais alors ceux qui sont dans le groupe des C… » résume Thomas du haut de ses 7 ans. Une évaluation normative régulière dès la maternelle influe forcément sur le rapport aux apprentissages des enfants. Célestin Freinet écrivait : 

"L'erreur n'est pas un échec, mais une étape essentielle dans l'apprentissage. Il faut encourager l'enfant à expérimenter, se tromper et apprendre de ses erreurs."

 Or, la peur du rouge au quotidien détruit le statut positif de l’erreur. Il ne faut pas se tromper !  Les équipes enseignantes sont régulièrement confrontées à des enfants développant des stratégies complexes d’évitement pour ne pas avoir à répondre afin de ne pas risquer de se tromper ou en faisant semblant de savoir.

Cette forme de notation permanente de leurs activités, compare de fait les élèves. On ne met pas en avant le chemin parcouru et la suite à travailler, mais ceux qui ont du rouge et ceux qui n’en ont pas… Une situation qui installe l’inquiétude de ne pas être conforme et un paradoxe dans la logique d’un enseignement obligatoire et d’une école inclusive, accueillant des enfants aux capacités diverses. 

Et si l’institution scolaire redonnait une vraie valeur d’apprentissage à l’évaluation et au statut de l’erreur.

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