« Tu en prends un tout petit peu pour goûter… » un enjeu de pouvoir sur fond d’épinard.
La bataille du haricot
dans un célèbre sketch des années cinquante, Fernand Raynaud s’amusait des jeux de pouvoir entre parents et enfants à partir de la nourriture. Le temps a passé mais le sujet reste pourtant d’actualité et de grands ou petits psychodrames continuent à se nouer autour du morceau de rôti ou de la rondelle de carotte.

Si l’on met de côté les comportements qui relèvent d’une pathologie et se situent dans un autre registre, les situations de conflit alimentaire « ordinaires » sont multiples.
Entre les enfants qui mangent de manière variée mais pour qui certains aliments décidément ne passent pas et, ceux qui excluent systématiquement ou dénigrent tout ce qui n’est pas féculent, les réalités sont très différentes. Pourtant la réponse de l’adulte se traduit bien souvent par une réponse univoque et la volonté d’avoir le dernier mot. « Tu dois manger ce qui est dans ton assiette ! » Cet enjeu de pouvoir sur fond d’épinard stigmatise la relation à la nourriture et peut amener à des blocages, des situations absurdes et parfois glisser vers l’autoritarisme, avec des enfants retenus à table ou privés de la suite du repas tant qu’ils ne se sont pas soumis à l’injonction.
Pour trouver une porte de sortie honorable et gagner la bataille du haricot, les adultes, qu’ils soient parents, personnels éducatifs ou d’animation utilisent bien souvent un argument massue : « Tu en prends un tout petit peu pour goûter... »
Ce compromis se veut consensuel et paraît assez satisfaisant intellectuellement. L’enfant peut être rebuté, car il ne connaît pas et il y a une nécessité d’équilibre alimentaire. Mais les évidences de la formule ne sont pas toujours aussi simples qu’elles le laissent paraître. « Comment peux-tu dire que tu n’aimes pas puisque tu n’y as pas goûté ? » Pourtant l’enfant y goûte régulièrement, puisque chaque fois on le met dans la même situation. « C’est important pour la santé de manger de tout ! » Est-ce que réellement, le fait de manger un quart de haricot change quelque chose à la notion d’équilibre ? Ces contradictions ne semblent pourtant pas affecter la stratégie des adultes et l’importance donnée à l’apparence de victoire. « Il faut goûter ! Au moins une bouchée ! »
Prendre en compte des réalités très diverses et sortir des enjeux de pouvoir sont un préalable pour décoder les situations et tenter d’y apporter des solutions de bon sens, adaptées à chaque enfant.
Et si nous décrétions une trêve dans la bataille du haricot ?