Le chemin des enfants est souvent tortueux entre les réalités du quotidien et le discours que leur tiennent les adultes
Coucou maman !
« Fais ce que je te dis, pas ce que je fais. » Roger Cousinet, grand pédagogue de l’Éducation nouvelle, avait en son temps utilisé cette injonction pour le titre d’un livre, dans lequel il constatait : « Que les grandes personnes sont donc difficiles à contenter. » ** Cette sainte expression devenue proverbiale illustre bien le dilemme actuel auquel de nombreux adultes sont confrontés quand il est question de la gestion des écrans par les enfants.
On pourrait, à la manière de Georges Courteline, ironiser et s’amuser des petites faiblesses et dissonances cognitives de l’être humain : « S’il fallait tolérer aux autres tout ce qu’on se permet à soi-même, la vie ne serait plus tenable. » Mais ces situations paradoxales liées aux écrans sont complexes et posent de vraies questions en termes d’éducation. S’informer, se documenter, faire des démarches administratives, acheter, payer ses factures, se distraire, échanger des nouvelles et des photos avec sa famille et ses amis : énormément de choses passent via Internet et les écrans. Le décalage entre l’utilisation quasi permanente du téléphone par les adultes et le discours de diabolisation qu’ils tiennent souvent aux enfants, tel un mantra, met à mal la cohérence et la crédibilité de leur parole. Le même parent, qui consulte régulièrement son téléphone et diffuse sur les réseaux sociaux des images de sa famille, peut se précipiter pour éteindre l’écran de télévision lorsque son jeune enfant entre dans la pièce.
Comment l’enfant doit-il considérer les écrans ? Ne renforce-t-on pas avec les meilleures intentions du monde l’attrait de l’interdit ?
Cette situation absurde crée aussi de la confusion chez les parents qui se trouvent tiraillés entre leur réalité quotidienne et leur désir de faire le mieux pour leur progéniture. Et en quelques années, l’avancée fulgurante des technologies a renforcé ce paradoxe éducatif.
L’utilisation précoce et abusive des écrans est préjudiciable à l’enfant, mais la fonction incontournable qu’ils représentent dans la société actuelle implique de devoir les prendre en compte. Ni anathème, ni laisser-faire, l’éducation aux médias est essentielle dès le plus jeune âge. Elle doit amener les enfants à relativiser le pouvoir des technologies, à percevoir leurs dérives, à apprendre à gérer leur temps d’utilisation, mais aussi à s’appuyer sur ces outils fantastiques pour construire des savoirs.
Et si l’éducation aux médias des enfants influait aussi sur les adultes et leur permettait de repenser leur rapport aux écrans ?
* Étude réalisée en 2019 par Yougov, auprès d’un panel de 1001 personnes
** Fais ce que je te dis, Roger Cousinet, Éditions du Scarabée 1961