Les enfants sont capables d’acquérir sans qu’il soit besoin de l’autorité du maître.
Une école avec des enfants libres de choisir leur travail et d’y persévérer autant qu’ils et elles le veulent en collaborant. Un·e enseignant·e, qui est là pour aider les enfants, qui ne fait pas de “leçons”, mais qui organise, met à disposition. Une classe où il est plus important de voir ce que les enfants ont fait que d’évaluer ce qu’ils savent à l’instant T. Une école qui n’est plus une préparation à la vie, mais une vie en soi. À l’heure où l’évaluation des élèves est au centre du système scolaire et où le dogme de la pédagogie par objectifs ignore la globalité de l’enfant, cette réalité paraît avant-gardiste. Pourtant, ces classes ont existé en 1920, sous l’impulsion de Roger Cousinet, instituteur puis inspecteur de l’Éducation nationale. Dans ce livre, cette grande figure de l’Éducation nouvelle, présente, décrit et argumente une méthode de travail libre par groupes en s’appuyant sur l’expérimentation qui en a été faite pendant plusieurs années. Cette méthode n’est pas un procédé ingénieux que pourraient utiliser les enseignants et les enseignantes, mais un “outil” proposé aux enfants pour lequel l’adulte aide à l’utilisation au sein du groupe. L’enfant n’y est pas “sujet” d’enseignement qui applique les consignes de l’instituteur ou de l’institutrice, mais il devient acteur de sa propre formation. Le rôle essentiel de l’enseignant·e est alors de procurer à l’élève un environnement porteur et des conditions favorables à son développement. Roger Cousinet décrit l’organisation d’un milieu scolaire dans lequel chaque enfant redevient une personnalité intéressante en soi, sans qu’il soit nécessaire de la comparer à aucune autre. L’auteur évoque les activités de création et de connaissances, mais parle aussi des résultats des élèves. Il propose des règles pratiques pour la préparation et l’organisation de la classe, la formation des groupes, leur installation matérielle, le choix du travail, etc., en perspective avec le rôle du “maître” ou de la “maîtresse”.
Les enfants sont capables d’acquérir sans qu’il soit besoin de l’autorité du maître.
Roger Cousinet
Le travail libre par groupes se définit en termes d’outil d’appropriation de connaissances et de construction de relations sociales. « Le travail que choisissent les enfants n’est pas celui qui leur plaît, mais celui qui les intéresse. » Roger Cousinet amène à une réflexion de fond sur le sens du mot progresser. Que signifient “les progrès” de l’élève ? Dans quel contexte et dans quel but ? Il évoque les relations au sein du groupe dans une démarche de prise en compte globale des enfants : « Le jeu leur avait déjà enseigné [à se discipliner], mais le travail par groupes a complété l’œuvre des jeux et redressé certaines démarches individuelles, en particulier l’influence du leader... » L’expérience pratique, la relation humaine, la coopération et la connaissance des enfants et de leurs réalités irriguent cette “méthode” d’apprentissage, projet d’Éducation nouvelle.
Roger Cousinet est né en 1881 à Arcueil. En 1904, il obtient une licence en lettres puis enseigne en tant qu’institu- teur jusqu’en 1909. Il est alors reçu au certificat d’aptitude à l’inspection des écoles primaires. Il entre à la Société libre pour l’étude psychologique de l’enfant (SLEPE) dont il dirigera la revue L’Éducateur Moderne. À partir de 1920, il élabore une méthode de travail libre par groupes et, en tant qu’inspec- teur, il en développe l’expérimentation dans des écoles. Avec Madeleine T. Guéritte, il fonde l’association pédagogique La Nouvelle Éducation puis crée la revue L’Oiseau bleu pour promouvoir des textes d’enfants. De 1945 à 1958, il est titulaire de la chaire de pédagogie à la Sorbonne. Il crée en 1946, avec François Chatelain, l’École nouvelle de la Source à Meudon et l’association l’École nouvelle française. En 1964, il fonde avec Louis Raillon la revue Éducation et développement. Roger Cousinet décède en 1973 à Paris.