Par et pour les enfants, le terrain d’aventures est ouvert à tous et toutes.

Sur les terrains d'aventures, l'enfant apprend en manipulant, construisant, bricolant avec une équipe d'animation à l'écoute.
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Les terrains d’aventures sont de retour. Après une éclipse relative de près d’un demi-siècle, un premier terrain de la nouvelle génération a ouvert en 2019 dans le quartier de Belle-Beille, à Angers.
Média secondaire

Ce quartier, né à la fin des années 50, fut une des premières zones à urbaniser en priorité (Zup) du pays. Le terreau de prédilection des terrains d’aventure n’a donc pas changé. L’herbe folle cherche toujours sa place entre béton et bitume. Depuis 2019, le nombre de terrains d’aventures double chaque année, reprenant les grands principes : accueil inconditionnel de tous et toutes, gratuité, accompagnement à la prise de risques. Ici on ne s’inscrit pas, ce n’est pas un mode de garde, l’espace est ouvert à qui veut venir, animé par une équipe formée et garante de l’accès aux outils de bricolage – scies, marteaux, perceuses, clous – de l’accompagnement spécifique à leur utilisation et du respect de soi et des autres. Surtout, ce qui caractérise le terrain d’aventures est le principe du jeu et des activités libres. Espace en construction permanente, son activité n’est pas conditionnée à un programme. Elle repose sur les dynamiques collectives et la créativité des participant·es du moment. Ce sont les enfants qui s’approprient le lieu et font ce qu’ils veulent des palettes, du bois mort, des matériaux de récupération qui sont sans finalité précise. Les membres de l’équipe sont en appui : ils observent, se retiennent d’intervenir autant que possible, font confiance aux enfants et aux jeunes et proposent parfois leur aide ou leur médiation.

Les terrains d'aventures, c'est jouer librement dehors

La crise du Covid a rappelé l’urgence d’une éducation au dehors, en prise directe avec l’environnement quotidien. Comprendre ce qui nous entoure, pouvoir le transformer, créer, jouer. Rien de neuf, pourrait-on dire, si ce n’est que les enfants d’aujourd’hui ont peu le loisir de transformer leur environnement, ce qui est pourtant indispensable au développement de leurs capacités motrices, de la confiance en soi et en les autres, de l’autonomie, de la créativité. Les enfants, devenus de plus en plus invisibles sur l’espace public, reclus entre les murs du domicile familial, ont ainsi perdu huit heures de jeu libre par semaine en vingt ans – Source : Can we play ? Résultat, les interactions sociales se réduisent comme une peau de chagrin. Pourtant, se retrouver sur un terrain où rien n’est organisé, c’est puiser dans ses ressources, oser faire mais aussi oser aller demander du renfort pour construire une cabane, creuser un trou, créer une cachette, monter dans un arbre... Être en groupe dehors stimule les capacités de coopération, de communication et soutient l’inscription sociale. « Le terrain d’aventures était pour et par les enfants, un espace d’enfance dans lequel les adultes n’avaient rien à faire », explique François Grandeau, un bâtisseur historique des terrains d’aventures. Si le débat n’est pas clos, les pratiques ont évolué, et la société aussi : réaménagement des temps de travail, marchandisation des loisirs, sur-sécurisation de l’espace public, affirmation des questions de parentalité en lien avec le désarroi de parents suspendus à des injonctions contradictoires et à des influenceurs médiatiques mi-coachs mi-gourous.

Cet espace d’activité libre est un lieu idéal pour observer comment leurs enfants sont capables de faire, créer, imaginer, des histoires, des projets seuls ou à plusieurs.

À quoi s’ajoute le besoin de retrouver des relations et des espaces plus authentiques, à l’opposé de pratiques consuméristes, « zéro risque » et sur-encadrées. Si les terrains d’aventures restent bel et bien des espaces « pour et par les enfants » qui le composent, en accueillant les parents, ils leur offrent la possibilité de faire un « pas de côté ». Cet espace d’activité libre est un lieu idéal pour observer comment leurs enfants sont capables de faire, créer, imaginer, des histoires, des projets seuls ou à plusieurs. Pour les adultes, animateurs et animatrices, comme parents, le « laisser faire » n’est pas inné et l’équipe d’animation a la responsabilité de se poser en garante de cette liberté, « ce qui demande de la ténacité, car les vieilles habitudes reviennent souvent vite », signale Laouig Becherel, animateur militant en Nouvelle Aquitaine.

Les structures sociales et les collectivités territoriales sont de plus en plus nombreuses à porter ces nouveaux projets. Elles y voient un lieu d’investissement fertile pour les habitants. Comme le montre l’expérience conduite à Dieppe, les terrains d’aventures font leur preuve comme dispositif éducatif de proximité soutenant la construction commune des complémentarités éducatives et de la citoyenneté. En 2023, autour du foyer Duquesne, ce sont ainsi entre dix et quinze partenaires, travailleurs sociaux, services enfance et jeunesse de la commune, bénévoles des centres sociaux, qui ont travaillé ensemble au déploiement dans les quartiers de quatre terrains d’aventures. Dans une société où tout inquiète, de quoi témoigne alors cet engouement pour ces nouveaux espaces éducatifs et sociaux et la joie qu’ils procurent ? Serait-ce révélateur d’une aspiration à exister et à éduquer comme sujet et non plus comme consommateur ? Serait-ce que les éducateurs et éducatrices trouvent dans les terrains d’aventures un espace de choix pour éduquer par l’expérience, opter pour une éducation qui émancipe plutôt que de soumettre ?

Lire un article de la société canadienne de pédiatrie

"Le développement sain de l’enfant par le jeu risqué extérieur : un équilibre à trouver avec la prévention des blessures"

Par Émilie Beaulieu et Suzanne Beno

Comité de la prévention des blessures de la société canadienne de pédiatrie

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A retrouver dans la revue VEN #590

Liberté, éducation, terrains d'aventures

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